Le drame des opposants togolais est grand. En effet, ils doivent faire face à la dynastie cinquantenaire des Gnasingbé, un pouvoir autoritaire qui ne laisse aucune possibilité d’alternance à la tête de l’état. Après 38 ans de règne du père, le fils au pouvoir depuis 2005 n’entend pas passer la main. Au cours du dialogue politique, les envoyés du président togolais ont ruiné tout espoir d’alternance, en estimant que le retour à la constitution de 1992 réclamé par l’opposition, n’est pas incompatible avec une autre candidature du chef de l’état. Réprimée et sans espoir de trouver une solution politique viable, l’opposition togolaise multiplie les marches. C’est le seul moyen d’expression qui lui reste encore dans ce pays dirigé de mains de fer par l’une des plus vieilles dynasties encore au pouvoir en Afrique. Même pacifiques, les marches restent un exercice très périlleux au Togo, notamment à cause de la répression des forces de sécurité composées en grande partie d’éléments de l’ethnie kabyè (nord du Togo), à laquelle appartient le chef de l’état.
Déterminés à obtenir le changement, les opposants pourraient bien reprendre la rue. Il faut donc craindre un retour de la violence dans le pays. Mais cette perspective n’inquiète pas le pouvoir togolais. Adossé à une armée acquise à sa cause, le président Faure Gnasingbé a appris à s’accoutumer aux manifestations de rues hostiles à son régime. Le pouvoir togolais est d’autant plus serein, que le facilitateur du dialogue ne semble pas être en mesure de faire évoluer les positions des parties togolaises. Sans vouloir douter des talents de négociateur du chef de l’état ghanéen, on voit mal comment il pourrait tempérer les ardeurs des opposants, et surtout convaincre Faure Gnassingbé de passer la main en 2020. Car, tout le problème togolais réside dans le refus de l’alternance constitutionnelle par le régime. La mission de Nana Akufo-Addo est d’autant plus délicate, que les peuples togolais et ghanéens sont totalement imbriqués, avec une forte communauté ghanéenne vivant au Togo voisin.
Du côté de la Cedeao, c’est le silence radio. Seul le président nigérian a fait savoir que le régime togolais ne peut pas indéfiniment se maintenir. Mais, Muhammadu Buhari n’est pas allé plus loin. Les autres pays observent la situation togolaise sans rien dire. Au Togo comme dans plusieurs pays de la Cedeao, l’élection présidentielle est prévue pour 2020. Préoccupés à régler leur succession ou à créer les conditions du renouvellement de leurs mandats souvent contre les dispositions constitutionnelles, les chefs d’état de la sous région ne viendront pas donner des leçons aux togolais. Annoncé dans la médiation, le président guinéen n’est finalement pas venu. Ces chefs d’état qui manœuvrent pour se maintenir au pouvoir dans leurs propres pays, savent bien qu’ils sont disqualifiés pour dissuader leur homologue togolais de rempiler en 2020.
En l’absence d’un soutien international de poids, l’opposition togolaise est à la merci du régime et de son armée, qui pourront ainsi continuer à la réprimer en toute impunité. Aujourd’hui, la répression des populations par les forces de sécurité togolaises est devenue fait banal. Mais pendant combien de temps le peuple togolais va-t-il ainsi souffrir ? Doit-on attendre que la situation aboutisse à un soulèvement populaire avant de réagir ? Assurément il faut mettre fin au martyr du peuple togolais.
Le Togo n’est pas sur une autre planète, mais bien sur terre. Il est membre de plusieurs organisations sous régionales, africaines et internationales. Et à ce titre, le monde a un devoir de solidarité envers le peuple togolais. Il faut donc qu’une instance qui fait autorité intervienne, car un autre retour à la violence poussera un peu plus le Togo vers un chaos aux conséquences dramatiques. Le Burkina-Faso voisin en a fait l’amère expérience. Après 28 ans de règne sans partage, l’ex-président burkinabé Blaise Compaoré a été chassé du pouvoir au prix de nombreux morts. Et aujourd’hui encore, le pays des hommes intègres continue de gérer les conséquences directes et indirectes de ces évènements. La communauté internationale doit donc aider à la résolution de la crise au Togo pendant qu’il est encore temps
Source:La nouvelle tribune