Pour le blogueur Abdoul Salam Dicko, la mort de plusieurs manifestants sous les balles des forces de sécurité est une ligne rouge qui ne devait pas être franchie.
Vendredi 10 juillet, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) a appelé les manifestants à la « désobéissance civile » à travers le pays, notamment en bloquant des ponts, des rues et des bâtiments de l’État. Objectif : obtenir la démission du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta. Ce dernier n’a jusque-là pas accepté les différentes doléances du M5-RFP contenues dans un mémorandum déclaré « caduc », le 9 juillet, par le mouvement.
Malgré l’intervention de la communauté internationale et les nombreuses entrevues entre l’imam Mahmoud Dicko, l’autorité morale du M5-RFP et le président Keïta, aucun compromis n’a été trouvé pour apaiser les tensions. Les leaders du M5-RFP sont sortis déçus de leur rencontre avec Ibrahim Boubacar Keïta, le 5 juillet, lequel les a envoyés discuter avec « sa » majorité présidentielle. Ainsi, le M5-RFP a dénoncé ce qu’il considère comme « le mépris du président IBK vis-à-vis du peuple » : « Monsieur Keïta a royalement ignoré toutes les demandes et mesures contenues dans le mémorandum du 30 juin 2020 en renvoyant à sa majorité présidentielle qui ne dispose d’aucun pouvoir et pour laquelle lui-même n’a, d’ailleurs, ni respect ni considération. » Issa Kaou Djim, un des leaders du mouvement, est allé plus loin : « On ne reconnait plus IBK comme notre président. »
Concessions tardives
Dans un contexte d’escalades des affrontements entre forces de l’ordre et manifestants, le samedi 11 juillet, le président malien a fait une adresse télévisée à la nation. Il a annoncé la dissolution de la Cour constitutionnelle : « La dissolution de la Cour va nous conduire dès la semaine prochaine à demander aux autorités compétentes la désignation de membres pour que, rapidement, une Cour reconstituée nous aide à trouver les solutions au contentieux issu des élections législatives ».
La dissolution de la Cour constitutionnelle, doléance formulée dans le mémorandum du M5-RFP et une recommandation de la CEDEAO, est arrivée très tard, de l’avis de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, qui a regretté qu’on en soit arrivé là pour prendre cette décision. « Dommage qu’il ait fallu plus d’un mois, des morts, des blessés, des destructions de biens publics et privés pour prendre une décision qui s’imposait d’elle-même mais qu’on prétendait juridiquement impossible. », a-t-il dans sur les réseaux sociaux.
Appel au calme
De violents affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre ont eu lieu dans de nombreux quartiers de la capitale, notamment à Badalabougou, fief de l’iman Dicko et de plus en plus considéré comme l’épicentre des manifestations. Des tirs à balles réelles y ont fait des morts et plusieurs blessés graves. « Je demande, encore une fois, à la jeunesse malienne de faire preuve de retenue et de calme. Nous pouvons vraiment obtenir tout ce que nous cherchons dans la patience, dans les bonnes manières. Évitons toute sorte de violences.», a déclaré l’imam Dicko, 66 ans, essayant de faire preuve de pondération.
Le dimanche 12 juillet 2020, dans l’après-midi, cet imam sous le feu des projecteurs a dirigé la prière funèbre sur quatre corps des manifestants tués durant la nuit de samedi. Dans cette même mosquée, relevant de son commandement, il avait appelé dans la matinée les manifestants au calme.
Les appels de l’imam ne semble pas avoir été entendus. En commune V et en commun VI du district de Bamako, sur la rive droite du fleuve Niger, des pneus brûlés sur les routes de certains quartiers et des barricades bloquaient l’accès à deux des trois principaux ponts qui relient les différents quartiers de la capitale malienne, un tribunal saccagé, une station Total et un collège privé visés.
Une pluie de condamnations
Les tirs à balles réelles, qui on fait des morts et des blessés parmi les manifestants, ont provoqué une pluie de condamnations de la part de nombre de partis politiques, de la communauté internationale ainsi que des organisations de défense des droits de l’homme. La Convergence pour le développement du Mali (CODEM), proche de la majorité présidentielle, a demandé la démission du Premier ministre Boubou Cissé.
Dans un communiqué daté du lundi 13 juillet, le M5-RFP a annoncé un bilan d’une vingtaine de morts. Alors que le secrétaire général du ministère de la Santé et des Affaires sociales, au cours d’une rencontre avec le Premier ministre, a donné un bilan faisant état de 158 victimes parmi lesquelles 11 sont décédées. Les conclusions de l’enquête dont l’ouverture a été annoncée par M. Boubou Cissé, Premier ministre, sont attendues pour situer les responsabilités : qui a donné l’ordre de tirer sur les manifestants ?
Source : Benbere