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Tiéman Hubert sur Africable : « après 2012, nous n’accepterons pas une autre situation d’exception au Mali »

Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tiéman Hubert Coulibaly, non moins président du parti Union pour la démocratie et le développement (UDD), membre de la majorité présidentielle, était dimanche dernier, l’invité de l’émission ‘’Politik’’ de la chaine de télévision Africable. Il en a saisi l’occasion pour clarifier des sujets sur lesquels le gouvernement est critiqué à tort ou raison. Il s’agit entre autres de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix, l’organisation de la présidentielle de juillet 2018, la visite des groupes signataires de l’Accord à New York… Nous vous proposons des extraits de l’intervention du ministre des Affaires étrangères.

Africable : Merci d’avoir accepté notre invitation, première question, comment se porte l’UDD ?

Tiéman Hubert Coulibaly : Le parti fait beaucoup de progrès, lors des dernières élections municipales, nous avons quadruplé le nombre de conseillers municipaux que nous avions obtenu cours de l’élection précédente. Ces derniers temps, nous avons eu beaucoup d’adhésion, le parti s’implante, s’élargit. Nous avons des équipes qui travaillent dans ce sens-là. Nous avons aussi des équipes qui sillonnent le Mali, pour porter notre message.

Nous nous sommes assigné des objectifs pour accompagner le président de la République afin qu’il exécute son mandat de la meilleure manière. Puisque c’est un mandat qui est difficile et tout le monde le sait. Aujourd’hui, nous sommes à quelques encablures de la présidentielle, rendez-vous politique très important. Donc, le parti se porte bien, et continue de faire son travail d’implantation et d’élargissement de sa base.

Africable : Vous étiez chef de la diplomatie malienne pendant la transition, de 2012 à 2013. On se rappelle de l’Accord préliminaire de Ouagadougou du 18 juin. Vous avez fait partie de la délégation. Ces accords ont permis la tenue des élections de 2013. Aujourd’hui, on ne va pas dire que l’histoire se répète, est-ce que l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015 pourrait permettre la tenue également de la présidentielle, par exemple, du 29 juin prochain.

Tiéman Hubert Coulibaly : L’Accord préliminaire de Ouagadougou procède d’une discussion qui a commencé les 3 et 4 août 2012 à Ouaga. Elle devait se prolonger par un rendez-vous entre le 8 et le 9 juin. Malheureusement, les événements ont pris une autre direction. Nous avons été attaqués, notamment, sur nos lignes de défense à Konna, et nous étions rentrés dans un autre tempo.

LAccord pour la paix et la réconciliation est un cadre politique qui nous permet de corriger certaines choses. Encore une fois, nous n’allons pas dire que cela est totalement satisfaisant. Mais, nous devons le mettre en œuvre. Il n’y a pas de projet politique différent de celui que nous offre l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Les élections relèvent de la loi électorale et qui s’en réfère à la constitution.

Donc, au-delà de l’Accord pour la paix et la réconciliation, il y a les élections qui ont un délai légal. L’élection qui est aujourd’hui au cœur de toutes les attentions, et de toutes les passions, c’est l’élection du président de la République. Ce mandat prend fin au mois de septembre, son processus de renouvellement doit commencer maintenant jusqu’à nous conduire au premier tour fixé au mois de juillet 2018.

Africable : Doit commencer maintenant, ça veut dire que ça n’a pas encore commencé Monsieur le ministre ?

THC : Oui, mais nous préparons les élections. La préparation technique et matérielle, la préparation politique ; il y a eu les cadres de concertations tenus par le ministre de l’Administration territoriale sur le fichier électoral, sur l’organisation des bureaux de vote et sur la manière de générer et de traiter les données ainsi que leur transmission… Que tout ça fasse l’objet de consensus le plus large possible, afin que nous n’ayons pas de contestations à l’issue du scrutin dont le 1er tour est prévu pour le 29 juillet prochain. Nous allons tenir cette date !

Mais une chose doit être claire pour le Mali, pour nos interlocuteurs, pour les principaux acteurs de la communauté internationale qui sont avec nous et ailleurs ; c’est que le gouvernement n’entend pas s’inscrire dans une autre démarche que celle d’organiser l’élection présidentielle, selon le délai constitutionnel.

 

Africable : Mais, est-ce que ce n’est pas une profession de foi puisqu’on a vu, à chaque fois, les élections locales, régionales, par exemple, ont été maintes fois annoncées, autant de fois reportées ? On avait même parlé d’avril, on ne sait pas si ça va avoir lieu, vu le contexte, vu la réalité sur le terrain. Est-ce qu’on est sûre que cette élection présidentielle va se tenir ? Si on dit que certains partenaires financiers, dont vous êtes l’interface, auraient des inquiétudes, des appréhensions, quel est leur regard sur l’organisation de cette élection ?

THC : On ne sait pas s’ils ont des inquiétudes ou des appréhensions. À tous ceux que je rencontre, je leur dis ce que je viens de vous dire : nous ne pouvons pas accepter que le Mali, après le processus de 2012-2013, qui nous a amené à une transition, soit d’accord avec une autre situation d’exception.

Les intentions du gouvernement sont claires, il n’y a pas d’ambigüité, il n’y a pas d’équivoque, nous n’avons pas de démarche malicieuse. Il faut que cela soit clair. On ne saurait faire l’impasse sur l’élection présidentielle. Parce que, ça serait accepter une situation d’exception qui n’a pas de fondement.

Pour les élections régionales et locales, qui tendent à installer des pouvoirs légitimes, au niveau des communes, au niveau des cercles, au niveau des régions, il faut faire appel à un corps restreint de l’électoral. Vous le savez que dans certaines parties de notre territoire, nous avons de grandes difficultés, et il faut que ces difficultés se règlent avant qu’on ne puisse organiser des élections inclusives. Comment voulez-vous organiser des élections dans un cercle où vous avez des soucis pour inclure l’ensemble des acteurs politiques. Notamment ceux qui font partie de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Ils sont venus m’exposer leurs reproches sur le processus électoral en nous demandant de faire en sorte que cette élection puisse se tenir à un moment où tout le monde est prêt ; d’éviter de laisser sur la route des acteurs essentiels dans la vie de ces cercles ou de ces communes.

Africable : Le parallélisme de comparaison voudrait que ce qui vaut pour les communales et les régionales devraient valoir pour la présidentielle ?

THC : Non, pourquoi ?

Africable : Si on tient compte des suggestions de ces groupes, de ces personnes en termes d’inclusion, on doit aussi tenir compte de leurs préoccupations par rapport à la tenue de la présidentielle ?

THC : Mais pour la tenue de la présidentielle, ils n’ont pas de problème. N’oubliez pas que pendant que nous étions en train d’organiser ces élections-là ; il y avait des textes importants qui faisaient débat, entre nous, notamment la loi portant la libre administration des collectivités territoriales. Ce débat était en négociation ouverte avec eux. Et c’est une loi qui été adoptée. Mais les groupes membres signataires de l’accord pour la paix nous ont demandé de revoir certains aspects. Et dans ces contextes-là, vous êtes obligés d’écouter si vous voulez faire la paix. En choisissant la voie de la sagesse, nous les avons écoutés, en ouvrant les discussions.

Africable : D’accord, monsieur le ministre, si on est là à se poser ces questions, c’est parce que, quelque part on a l’impression que l’Accord pour la paix et la réconciliation est en panne. Certains ont parlé de caducité. Vous, en tant que chef de la diplomatie, si on doit mettre en perspective cet accord, à l’épreuve de la diplomatie malienne, au regard des partenaires, qu’est-ce qu’on peut dire ? 

THC : L’Accord n’est pas en panne ! Moi je prétends, d’ailleurs que le Mali a été performant dans la mise en œuvre de cet Accord…

Africable : Mais à Gao, les jeunes ne sont pas désarmés, alors qu’il y a un volet désarmement, démobilisation des combattants… ?

Ce n’est pas qu’à Gao que les jeunes ne sont pas désarmés, il ne faut pas stigmatiser Gao par rapport aux autres localités.

Africable : c’est un exemple

THC : L’accord n’est pas en panne. La crise a été difficile, l’Accord a été négocié pendant de longues semaines. Je pense qu’aujourd’hui, l’ensemble des acteurs a conscience de ce que nous devons accélérer. C’est comme ça que nous avons fait un chronogramme d’actions prioritaires qui fait l’objet d’une feuille de route entre le Premier ministre et les mouvements signataires afin d’aller vite.

Aujourd’hui, ce chronogramme, nous l’avons donné au Conseil de sécurité des Nations-Unies afin qu’il devienne un document international. De la même manière, nous l’avons donné au Conseil de sécurité de l’Union africaine pour que la communauté internationale suive avec nous.

Il est indéniable qu’il faut, et en urgence, qu’on fasse des progrès sur le volet sécurité et défense. C’est ce que vous évoquiez : le DDR. Et, il ne vous ait pas inconnu que le président de l’organisme chargé de régler toutes ces questions-là, le ministre Zahabi, était à Tombouctou ces jours-ci afin de commencer le processus d’enregistrement des éléments des mouvements signataires.

Africable : Ça commence deux ans après la signature de l’Accord.

THC : Oui, nous sommes en retard, cela est un fait. Mais si vous faites une étude comparée des résolutions de crises dans différents pays, en mettant le Mali et d’autres pays qui ont connu des crises similaires, vous vous rendez-compte rapidement que nous sommes certes en retard par rapport à nos objectifs, mais je ne pense pas que nous soyons un cas désespéré dans les différentes crises qui pourraient s’inscrire dans ce chapitre-là. Nous avançons, nous avançons, le processus d’enregistrement a commencé. Il y a au moins une dizaine de sites de cantonnement qui sont prêts à recevoir les combattants qui se feront enregistrer pour commencer ce processus. Il est essentiel dans la résolution de la crise. Le gouvernement a montré toute sa volonté en donnant des chiffres des contingents qu’il serait prêt à accueillir dans le cadre des corps militaires et paramilitaires, etc.

De la même manière, le gouvernement a été clair par rapport à ceux des éléments qui étaient en rupture avec leur corps d’origine afin de les recevoir. Ils sont à peu près au nombre de 900. Pour la voie réinsertion, nous avons donné des chiffres en ouvrant la possibilité d’augmenter ces chiffres si la communauté internationale pouvait nous mettre à la disposition des moyens plus importants.

Le sentiment de retard est légitime. Nous avons également ce sentiment-là. L’élection présidentielle ne doit pas être tributaire de ces retards. Nous n’avons pas le sentiment que ces élections puissent être mises en danger par rapport aux retards enregistrés sur la mise œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale.

Africable : Monsieur le ministre, est-ce que tout cela n’est pas rendu possible du fait qu’on a, par exemple, pas pu ‘’imprimanter’’ le comité d’experts pour le régime des sanctions ? Vous-même, depuis un moment, vous êtes monté au créneau, mais depuis, ça traine toujours…

THC : C’est le Mali qui a demandé le régime des sanctions en 2017 suite à des événements qui avaient inquiété. Ces faits ont poussé le président de la République à instruire à ses collaborateurs chargés de ces questions de régler cette affaire du régime des sanctions.

En janvier, à New York, pour les débats publics pour le quatrième rapport du secrétaire général des Nations-Unies, j’ai demandé que la communauté internationale prenne acte de ce chronogramme d’actions prioritaires qui avait été endossé par le comité de suivi de l’accord (CSA). Et que la communauté internationale encourage l’ensemble des acteurs à respecter leurs engagements. Et pour cela, il semblait pertinent d’activer ce régime des sanctions afin de stimuler, premièrement, les parties à faire ce qu’elles sont chargées de faire, et qu’elles se sont engagées à faire. Et deuxièmement, à traiter le cas des forces hostiles à l’Accord. Parce que les forces hostiles, il y’en a, malheureusement : les groupes terroristes qui ne veulent pas que le Mali soit en paix. Parce que, tant que nous n’avons pas réglé un certain nombre de questions institutionnelles liées à la défense et la sécurité, nous ne serions pas en pleine capacité pour traiter le terrorisme de manière précise. Parce qu’il y a un certain nombre de situations qui créent une certaine confusion. Et nous ne pouvons pas nous engager dans des actions indifférenciées. L’action militaire doit être précise pour qu’elle atteigne ses objectifs. Il faut que cet Accord soit mis en œuvre. Et c’est comme ça que nous appelons l’ensemble des acteurs afin que les engagements qu’ils ont pris puissent être respectés. J’entends souvent des commentaires, par-ci, par-là, et qui accusent le gouvernement, évidemment, dans le débat politique, cela ne vous surprend pas. Il faut que l’opinion malienne ait conscience de la réalité des choses.

Africable : Est-ce qu’il n’y a pas un problème de leadership dans le traitement de ce dossier ?

THC : Le gouvernement a le leadership de tout ce qui lui revient, de tout ce qui l’incombe, tout ce qui fait partie de ses prérogatives. Le gouvernement ne marchande pas son leadership. Évidemment, nous sommes dans un processus collégial. Quand vous êtes dans une crise, la communauté internationale est à votre chevet, vous ne pouvez pas non plus ignorer son existence.

Africable : M. le ministre, il y a une visite qui a soulevé le tollé, qui fait couler beaucoup d’encre et de salive, c’est la visite d’une délégation de la CMA à New York. Elle a été entendue par le conseil de sécurité. Dans la perception de l’opinion, c’est que lors de cette visite, le Mali aurait dû être présent également à l’écoute de cette délégation par le Conseil de sécurité… ?       

THC : Pourquoi le Mali aurait dû être présent ? Ceux qui sont allés à New York sont libres de leur mouvement. Ce que nous avons dénoncé, je vais vous dire…

Africable : L’opinion avait vu une sorte de diplomatie parallèle ?

THC : Mais non, ils ne parlent pas au nom du Mali, ils parlent en leur nom. Ceux qui parlent au nom du Mali à l’international sont connus. Le garant moral, l’instigateur de notre politique extérieure aussi est connu. Ceux qui sont allés à New York et ailleurs ne sont pas à leur première fois. Ce que nous avons dénoncé, ce que le président avait dénoncé plusieurs fois, c’est l’incursion de certaines officines, des ONG qui d’ailleurs ont une réputation sulfureuse dans certains autres dossiers africains. C’est cela que nous avons dénoncé. Si on veut aider le processus de paix au Mali, il faut faire en sorte que les discussions inter-maliennes que nous avons initiées puissent être performantes. Il ne faut pas jouer à créer les passions, à vouloir servir ou à dire des perspectives qui, en réalité, ne sont que des mirages.

Ceux qui sont allés à New York n’ont pas dit qu’ils étaient en dehors de l’Accord. Ils ont confirmé leur adhésion aux dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Également, ils ont demandé que le président de la République pèse de tout son poids et de toute son autorité pour que la mise en œuvre de cet Accord puisse être accélérée. Donc, c’est une reconnaissance des prérogatives du chef de l’État, à mon avis. C’est un acte qui confirme qu’ils ne sont pas en face du président, mais plutôt sous son autorité. Donc, je ne voudrais pas aller loin sur cette question qui, d’ailleurs, est derrière nous, à partir du moment où nous avons fait beaucoup de chemin.

Africable : L’inquiétude de la population était fondée à l’époque, à partir du moment où ces officines dont vous parlez, certaines d’entre elles ont leur nom dans le dossier du Sud-Soudan, par exemple. 

THC : Vous savez, nous avons toutes ces informations et tous ses renseignements. Mais ce que je vais vous dire, c’est que nous parlons à l’ensemble de parties par des voies diplomatiques ordinaires. Et si certaines ONG, des associations se mettaient à poser des actes que nous considérons comme nocifs à notre processus de paix, je pus vous dire que la riposte politique et diplomatique serait fulgurante. Nous les connaissons, ces ONG américaines et européennes qui, aujourd’hui, sont aux côtés de nos frères alors que les solutions sont à Bamako. Nous ne sommes pas loin des solutions durables, c’est des solutions qui feront en sorte que le Mali ne connaitra plus ces crises et ces épisodes de violence. J’en appelle à la responsabilité de tous nos frères qui sont des parties prenantes dans l’Accord. Et j’en appelle au sens national et à toute la confiance qui a été construite depuis 4 ans maintenant. Cela nous permettra de remonter les difficultés. Et ce ne sont pas des officines étrangères qui pourront apporter des solutions aux difficultés maliennes…

Transcription libre de

 

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