S’il existe un livre qui mérite aujourd’hui qu’on lui accorde une place inestimable dans nos bibliothèques et librairies, c’est bien « Tegu Na ou le Grand Palabre » de Wamseru A. Assama Ongoïba, de son vrai nom Hamidou Ongoïba. Simplicité, clarté, précision constituent entre autres quelques caractéristiques majeures qui donnent envie de dévorer cet ouvrage en un laps de temps. A tout dire, aucun lecteur ne peut résister au style de l’auteur. Un style direct et pédagogique qui facilite tout de suite une bonne assimilation du récit, même si M. Ongoïba entretient volontairement le suspense afin de garder l’attention du lecteur éveillée. En tout cas, c’est ce que nous dit le préfacier du livre, Dr Bouréima Sory Guindo, un consultant en Sciences de l’éducation : « C’est une histoire très captivante et très attachante par la force et la justesse des sentiments qui s’y expriment, qui entretient le suspense et focalise l’attention du lecteur tout au long de sa narration ».
Captivante et attachante, oui. Puisqu’il s’agit d’un récit qui nous plonge, comme tout roman d’ailleurs, dans des réalités de la communauté dogon, au centre du Mali. L’ouvrage décrit les conséquences sociales de la désobéissance des valeurs traditionnelles. Mais pas que. Amasagu est la figure de cette transgression des valeurs, de cette rupture entre la modernité et la tradition. Il refuse de donner sa fille unique en mariage au Nonmon, génie tutélaire et protecteur de la communauté de Orolèye. Cette communauté recommande qu’une jeune fille soit donnée en sacrifice à ce génie, tous les sept ans. Or, « la transgression peut entraîner un désordre, des troubles de toutes sortes, un chaos durable au sein de la communauté, dès lors que la violation d’un des fondements de la protection du village et de la cohésion sociale est actée et connue de tous ».
Mais ce crime ne peut-il pas être également un facteur d’émancipation, de protection des droits de l’homme ? Si la vie est sacrée et que toute vie mérite protection, quelle justification, à notre époque, du sacrifice humain ? « Tegu Na ou le Grand Palabre » expose aux lecteurs ce divorce, souvent nécessaire, entre la tradition et la modernité.
En ces temps troubles, ce récit pourrait trouver écho dans la quasi-totalité des communautés maliennes. Des sociétés qui traversent pour la plupart leur crise de valeurs. Partant de ce constat, ne pourrions-nous pas admettre que « Tegu Na ou le Grand Palabre » est un roman qui fait ressortir toute la problématique liée au vivre ensemble ainsi qu’à la cohésion sociale dans nos sociétés ? En tout cas, l’éventail qu’il embrasse est assez large. Maintes problématiques actuelles dans nos sociétés peuvent puiser dans ce livre des réponses satisfaisantes.
A la lecture de ce livre, on ne peut point s’empêcher, en tout cas pour ceux qui l’ont découvert, de faire un lien avec le film malien « SIA », la fille qui devrait être sacrifiée au grand serpent protecteur du village de Wagadu. Mais face à la résistance de son fiancé, elle ne le sera point.
M. Ongoïba a réussi le pari. Car ce livre tient le lecteur en haleine du début jusqu’à la fin. On finit de le parcourir sans se rendre compte de la longueur du récit.
« Tegu Na ou le Grand palabre » est disponible en vente aux éditions La Sahélienne, sis à Bacodjicoroni ACI, ainsi qu’auprès de l’auteur lui-même. Il est également disponible dans plusieurs librairies de la capitale malienne, Bamako.
Fousseni Togola
Source: Journal le Pays-Mali