OBJECTIFS. Au-delà de respecter la feuille de route telle que prévue par la charte de transition, le dialogue national qui s’ouvre ce 20 août revêt de multiples enjeux.
« Un moment décisif pour l’histoire de notre pays » : après plusieurs reports, Mahamat Idriss Déby Itno, le chef de la junte au pouvoir au Tchad, a donné ce samedi 20 août le coup d’envoi du dialogue national inclusif, qui reste toutefois boycotté par certains groupes armés et de la société civile. Le dialogue national inclusif entre l’opposition civile et armée et la junte au pouvoir au Tchad depuis avril 2021 a pour objectif de « tourner la page » de la transition et permettre d’organiser des « élections libres et démocratiques ». Ce dialogue doit « tracer les voies d’un nouveau départ » vers un « Tchad prospère » débarrassé des « périodes troubles », a déclaré lors de la cérémonie d’ouverture Mahamat Idriss Déby, arrivé au pouvoir en avril 2021 à la tête d’un Conseil militaire de transition (CMT) après la mort de son père Idriss Déby, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant 30 ans.
Un moment historique pour le chef de la junte
Au début de la transition, il avait promis d’organiser un dialogue avec l’opposition pour permettre le retour du pouvoir aux civils, dans un délai de 18 mois, renouvelable une fois. « C’est une immense responsabilité historique, pour laquelle nous n’avons que deux choix : l’assumer ou la trahir », a-t-il dit samedi.
Le chef de la junte, général cinq étoiles vêtu d’un treillis militaire, a prononcé un discours d’une trentaine de minutes au Palais du 15 Janvier, dans la capitale N’Djamena quadrillée par un important dispositif sécuritaire, a constaté un journaliste de l’AFP. Quelque 1 400 délégués, membres de syndicats, de partis politiques et du CMT, se réuniront pendant 21 jours, pour discuter de la réforme des institutions et d’une nouvelle Constitution, qui sera ensuite soumise à référendum. Les questions de la paix et des libertés fondamentales seront également évoquées.
« Il est grand temps de stopper la spirale de la violence » dans ce pays qui a connu depuis son indépendance en 1960 de nombreux coups d’État, a déclaré le président de la Commission de l’Union africaine (UA), le Tchadien Moussa Faki Mahamat, présent à la cérémonie. « Il est temps d’enterrer la hâche de guerre », a-t-il poursuivi.
Le retour des chefs rebelles Mahamat Nouri et Timan Erdimi
Ce DNI, qui devait initialement se tenir en février avant d’être plusieurs fois repoussé, s’ouvre moins de deux semaines après la signature, à Doha, d’un accord entre la junte tchadienne et une quarantaine de groupes rebelles. Ce prédialogue avec certains groupes armés qui avaient combattu le régime d’Idriss Déby pendant des années prévoit notamment un « cessez-le-feu ».
L’accord signé le 8 août permet aux rebelles de participer au dialogue. « Nous avons signé cet accord pour rebâtir le Tchad », a affirmé à l’AFP Timan Erdimi, chef de l’Union des forces de la résistance (UFR), revenu jeudi à N’Djamena après plusieurs années d’exil pour participer au dialogue, tout comme Mahamat Nouri, chef de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD).
« Ce dialogue doit nous permettre de mettre définitivement le recours aux armes derrière nous », a affirmé Abderamane Koulamallah, porte-parole du gouvernement. Selon un décret signé mercredi par le chef de la junte, Mahamat Idriss Déby, ce DNI aura un caractère « souverain » et ses décisions seront « exécutoires ».
La légitimité de ce dialogue national en question
Or le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), l’un des principaux groupes rebelles à l’origine de l’offensive qui a coûté la vie à Idriss Déby, n’a pas signé l’accord de Doha et ne participera pas au dialogue, le considérant comme « biaisé d’avance ». Wakit Tamma, une coalition de partis d’opposition et de membres de la société civile, a également refusé d’y participer, accusant la junte de perpétuer des « violations des droits humains » et de préparer une candidature à la présidentielle du général Déby. « Les portes du dialogue demeurent ouvertes », a affirmé en conclusion de son discours Mahamat Idriss Déby.
Les Tchadiens interrogés par l’AFP semblaient eux-mêmes divisés sur l’issue du dialogue voulu par les nouvelles autorités. « L’ouverture de ce dialogue national mène directement vers l’impasse parce que les différentes sensibilités politiques et de la société civile ne participent pas à ce processus », a déploré à l’AFP Abdelaziz, un étudiant de 32 ans.
« Le dialogue national peut contribuer à ramener définitivement la paix au Tchad qui a tant souffert des affres de la guerre », espérait de son côté Mimi, 37 ans, caissière dans un hôpital. Mahamat Idriss Déby a dû donner des gages à la communauté internationale à qui il a promis de rendre, sous 18 mois, le pouvoir aux civils, et de ne pas se présenter aux futures élections. Mais le chef de la junte a porté en juin 2021 un premier coup de canif à ses promesses, en envisageant une prolongation de 18 mois de la transition et en remettant son « destin » à « Dieu » sur une éventuelle candidature à la présidentielle.
Source : Le Point Afrique