Depuis un mois, un atypique chantier de construction d’immeubles a débuté sur l’emprise des de Dakar-Bamako Ferroviaire. Les constructions appartiennent à plusieurs conseillers municipaux véreux de la mairie de la Commune I du District, dont le maire Mamadou B. Keïta et son 4ème adjoint Bagniny Sangaré. Outre la spoliation de l’emprise des rails, le problème est que ces constructions illégales, contiguës aux concessions de plusieurs propriétaires détenteurs de titres fonciers en bonne et due forme, obstruent leurs sorties du côté nord.
Jusqu’à l’injonction du Procureur Général près la Cour d’appel de Bamako pour faire arrêter les travaux, ni la police, ni la justice ne s’étaient évertuées à prendre en compte les nombreuses plaintes faites à l’encontre des spoliateurs. Afin d’éclairer la lanterne de l’opinion nationale et interpeller davantage les autorités compétentes, Adama Sidibé, porte-parole des victimes, assisté de Djénébou Sissoko et Oumar Djibo, a rencontré « Le Challenger » sur le site controversé pour lui faire vivre la réalité. Que se passe-t-il donc à l’emprise des rails ?
« Il y a près d’un mois, des conseillers municipaux, avec à leur tête le maire Mamadou B. Keïta et son 4ème adjoint Bagniny Sangaré, se sont mis à spolier impunément l’emprise des rails, allant du carrefour du 3ème pont à l’est jusqu’à 150 mètres à l’ouest, construisant des immeubles avec des titres d’occupation illégaux et sans aucune autorisation de construire. Ces travaux, comme vous pouvez le constater, ont complètement obstrué le côté nord de nos concessions en nous empêchant d’écouler nos eaux usées ou de pluie et de jouir de nos servitudes naturelles que nos titres nous autorisent à aménager en aires de repos.
Dès le début des travaux, on est allé inlassablement auprès du Commissariat de police du 12èmearrondissement et au tribunal de 1ère Instance de la Commune I, à travers la commission d’un soit-transmis, pour qu’ils interviennent et fassent arrêter les travaux de constructions illicites qui nous causent des ennuis physiques et environnementaux. Mais sans succès, car les ouvriers ont travaillé de façon discontinue, jour et nuit.
D’après nos investigations, les constructions seraient en réalité destinées à une famille commerçante du nom de Simpara. La bande mafieuse a même eu le culot de faire complètement disparaître les rails dans la zone concernée. Ce que vous pouvez constater de visu. Autrement dit, ces gens-là ont décidé
que le train ne va plus siffler entre Bamako et Koulikoro. Pour récapituler, on vous dira que ce sont des gens qui ont impunément commis trois crimes graves contre l’Etat et des tiers : établissement de faux titres d’occupation, installation illégale sur l’emprise des rails et destruction (voire disparition) des rails appartenant à DBF. Il faut donc que les autorités compétentes, notamment au plus haut niveau, agissent afin que justice soit rendue pour sanctionner avec la dernière énergie ces criminels sans foi ni loi qui se foutent pas mal de l’intérêt général », témoigne Adama Sidibé, porte-parole des victimes. Sera-t-il entendu ?
Une mission mixte de la Direction nationale de l’urbanisme et de la Direction régionale du District, composée de plusieurs fonctionnaires, nous a rejoints sur les lieux. Nous avons tenté en vain de recueillir quelques bribes d’informations mais ces fonctionnaires n’ont pas voulu se prêter à nos questions. Munis d’appareils photos et de calepins, ils nous ont simplement fait savoir qu’ils sont venus faire le constat. Lorsqu’elle sera amplement informée sur cette affaire foncière, leur hiérarchie va certainement agir et faire tomber les sanctions afin de corriger le préjudice.
Dans le cas contraire, comment les trains de Dakar-Bamako Ferroviaire pourraient continuer leurs trafics sur Koulikoro, alors que les rails sont carrément absents sur un long tronçon au niveau de l’ACI Sotuba ? Surtout lorsque l’on sait qu’avec la finition de l’autoroute Bamako-Koulikoro et la mise en service du pont de Kayo sur le fleuve Niger, Koulikoro deviendra une véritable zone industrielle et le transport ferroviaire se fera aux côtés de celui des camions pour acheminer les marchandises dans les deux sens au bénéfice de nos populations ?
Nous n’avons pas pu avoir la version des faits de l’édile de la Commune I. Tout de même, Bahini Sangaré, que l’on a pu joindre au téléphone, reconnaît avoir occupé l’emprise des rails pour faire des constructions. Mais le 4ème adjoint au maire de la Commune I qui nous a fait comprendre que plusieurs dignitaires sont impliqués dans cette affaire, parce qu’ayant en leur nom des parcelles, affirme n’en posséder qu’une seule.
Nous avons approché un cheminot pour tenter de comprendre ce qu’est une emprise et si des citoyens ont le droit d’occuper ou de faire disparaître les rails d’un chemin de fer. Il nous a répondu sous anonymat, qu’en phase d’exploitation, la surface de terrain strictement nécessaire au fonctionnement, à l’entretien et à la sécurité d’une ligne de chemin de fer correspond à l’emprise. Elle comprend la plateforme de la voie ferrée (environ 15 mètres) et, selon le profil de la voie, la zone de déblai ou de remblai nécessaire, les voies d’accès localement aménagées pour permettre l’entretien des équipements ferroviaires (rails, signalisation, caténaires…), les protections acoustiques et les aménagements passagers.
A cet effet, l’emprise ferroviaire ne peut faire l’objet d’aucune vente tant que l’exploitation ferroviaire n’est pas définitivement arrêtée. Et ce n’est pas n’importe quelle entité qui peut le faire. Ce qui est le cas pour l’emprise des rails de Dakar-Bamako Ferroviaire (DBF), une entreprise qui est actuellement en quête d’un nouveau souffle. Le déplacement récent du ministre en charge des Transports, Zoumana Mory Coulibaly, pour rencontrer ses homologues sénégalais, n’en est-il pas la preuve ?
Gaoussou Madani Traoré
Source: Le challenger