Une dizaine de ministres en fonction et de hauts fonctionnaires dans le collimateur de la justice française
Au moment où les Maliens s’attendaient à des interpellations de la part de la justice suite à la surfacturation de 29 milliards FCFA sur les contrats passés par le ministère de la Défense, c’est de l’Hexagone que sont parvenues les nouvelles faisant état de l’interpellation par la justice française de l’ancien ministre de la Défense d’IBK, Soumeylou Boubèye Maïga. Provoquant moult commentaires dans la capitale malienne où selon certains, l’ancien ministre tombé en disgrâce à la suite de la débâcle de l’armée malienne à Kidal, le 21 mai 2014, se serait présenté lui-même devant la justice française dans le but de » tout cracher » afin d’enfoncer des proches du régime voire IBK lui-même. En tout cas, l’intéressé a été entendu sur principalement deux dossiers : celui de l’avion présidentiel acheté entre 17 et 20 milliards F CFA et l’affaire des contrats d’équipements passés pour l’armée malienne où des surfacturations à hauteur de plusieurs milliards FCFA ont été décelées. Après cette interpellation de Soumeylou Boubèy Maïga (SBM), des sources rapportent que ce sont une dizaine de ministres en fonction et des hautscadres de l’administration qui sont désormais dans le collimateur de la justice française.
C’est le jeudi 2 octobre 2014, au moment où il passait un séjour calme et tranquille au bord de la Seine que la police française a interpellé l’ancien ministre et ancien chef des services de renseignement malien, Soumeylou BoubèyeMaïga. Mais il aura fallu le lendemain, où il a été mis en garde en vue pour que la nouvelle se propage dans la capitale malienne telle une traînée de poudre. Chacun allant de son propre commentaire. Si pour les uns, il ne s’agirait, à travers cette interpellation, que d’une simple manœuvre de ce grand stratège qui ne chercherait qu’à sauver sa tête à la suite de l’annulation de juteux mais douteux contrats d’achats d’équipements militaires très controversés. C’est comme s’il était allé se rendre de son propre chef devant la justice hexagonale en disant » Me voici, interrogez-moi ! « . Pour d’autres au contraire, la justice française n’étant pas manipulable comme c’est le cas dans plusieurs pays sous nos tropiques, Soumeylou Boubèye est tombé dans une véritable embuscade posée par des Français afin de serrer un peu plus l’étau autour de nos autorités dans le cadre de l’affaire Michel Tomi et des contrats militaires dont le Fonds monétaire international (FMI) vient d’obtenir l’annulation auprès des autorités de Bamako.
C’est Michel Tomi qui aurait vendu au Mali l’avion présidentiel
En tout, l’ancien ministre qui a passé 48 heures de garde à vue dans les locaux de la Direction centrale de la police judiciaire a parlé. Selon des sources concordantes, il a été interrogé dans le cadre de l’enquête pour corruption visant l’homme d’affaires français Michel Tomi, qui a été mis en examen, en juin dernier, » pour corruption d’agent public étranger, faux et usage de faux, abus de confiance, recel d’abus de bien social, complicité d’obtention indue d’un document administratif et travail dissimulé « . Michel Tomi est accusé également par la justice française pour blanchiment d’argent.
Dans notre pays, il aurait financé la formation d’agents de sécurité du président IBK, qui l’a qualifié un jour de » frère « . Mais ne n’est pas à ce seul niveau que SoumeylouBoubèye Maïga, en sa qualité de ministre de la Défense à l’époque des faits, est concerné. L’os même – pardonnez l’expression – de son interpellation a trait à l’avion présidentiel acheté à 17 ou 20 milliards FCFA, selon les différentes versions des officiels maliens qui se sont prononcés sur l’affaire. Comme on le sait dans tous les pays du monde, l’avion présidentiel est immatriculé au compte du ministère en charge de la Défense. Il en est de même en ce qui concerne l’avion d’IBK dont la commande a été faite par le ministre de la Défense à l’époque des faits, SBM.
A part cela, selon des sources concordantes, le reste de la procédure d’acquisition de l’avion présidentiel a été menée par d’autres. Qui sont-ils ? C’est certainement la réponse à cette question qui aurait intéressé la justice française en retenant l’ancien ministre et très proche d’IBK – en tout cas jusqu’à son départ le 27 mai dernier du gouvernement de Moussa Mara- dans les locaux de la police judiciaire à Nanterre (Hauts-de-Seine).
SBM a-t-il collaboré ?
Ou au contraire a-t-il essayé de sauver la tête des personnes directement impliquées dans l’affaire de surfacturation de l’avion d’IBK ? Un aéronef qui aurait coûté sur la facture présentée au Trésor public malien la bagatelle de 20 milliards FCFA. Une chose paraît désormais claire : pour la justice française, l’avion d’IBK n’a été acheté ni à 17 milliards FCFA encore moins à 20 milliards FCFA. Là aussi, il semble qu’il a y a eu une énorme surfacturation évaluée à des milliards FCFA.
Une autre certitude : c’est l’homme d’affaires corse, Michel Tomi qui aurait vendu au Mali le Boeing présidentiel aujourd’hui au cœur de moult spéculations et controverses. Certains allant jusqu’à dire que l’avion n’aurait pas été vendu mais fait cadeau au Mali par le même Michel Tomi. D’où cette interpellation de SBM par la justice française. Celui-ci a quand même eu de la chance, car après 48 heures de garde à vue, il a pu regagner son pays le dimanche dernier. D’après certaines sources, le gouvernement avait constitué un avocat pour le soutenir lors de son interpellation.
La dizaine de ministres en fonction et d’anciens ministres et de hauts fonctionnaires suspéctés dans ce dossier de surfacturation de l’avion présidentiel n’auront certainement pas la même chance que lui. Ceux-ci sont, d’ailleurs, désormais dans le collimateur de la justice française. Quant à SBM, il été libéré sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui.
Mamadou FOFANA