Depuis quelques semaines, de nombreux mélomanes se balancent par téléphones et par courriels la dernière chanson « Faso Kunkan » du jeune artiste populaire Soumaila Doucouré dit Master Soumi. Ce rappeur malien de renommée internationale(il a joué sur des scènes africaine et européenne) vient de produire ce morceau « Faso Kunkan » ( Les échos de la nation ). Un morceau de viande ou plutôt de chanson bien salé et trop pimenté. Salé dans la bouche de ceux qui le trouve succulent. Pimenté sur la langue de ceux qui le croient dérangeant.
L’auteur compositeur de cette chanson salée-pimentée, a bien voulu nous recevoir chaleureusement chez lui à Bamako.
C’est à quelques 500 mètres du marché de Magnambougou, dans le quartier périphérique de Sokorodji qu’habite Master Soumi qui est, sans doute, depuis des années, une valeur sûre de la musique malienne à cause de la bonne qualité de sa composition musicale et la grande clarté de sa parole très compréhensible.
Vers 13 heures, dans la cour de leur maison, nous avons trouvé un vieil homme sous un grand manguier. Au milieu de la cour, une jeune femme qui sortait sa moto « Diakarta », fit demi tour et posa, non loin du vieillard, une chaise avant d’informer, de notre présence, l’auteur de l’album Soosoribougou(Bidon ville).
Après les salutations d’usage, Master Soumi me proposa, avec humour, d’interviewer d’abord « ce vieux rappeur, mon grand père, qui a toujours envie de parler. » Celui-ci répliqua d’une voix rauque « Ne me provoque pas, vaurien qui ne connait rien » Le chanteur m’invita à m’installer près de lui sous une spacieuse véranda pour une conversation tranquille après avoir ordonné aux fillettes qui s’y trouvaient de quitter.
Lors de notre entretien, l’artiste talentueux et audacieux qui est détenteur d’une maitrise en Droit des Affaires, me parla d’un ton bien posé. D’abord de sa source d’inspiration dans la composition de sa chanson « Faso Kounkan » très critique envers la gouvernance du président de la république IBK « Dans cette chanson, je n’ai fait aucune invention. J’ai seulement fait la création de la musique qui accompagne les paroles que j’ai entendues de la bouche du citoyen lambda. Des propos que des gens tiennent dans les sotrama(transport en commun moins cher), dans les marchés, dans les grins(lieux de causerie entre gens de même génération) et même dans certains bureaux. En un mot, je n’ai fait que transmettre artistiquement les propos de déception de ceux qui n’ont pas les moyens de se faire entendre », a détaillé cet artiste qui a aussi critiqué courageusement l’ancien régime du général président Amadou Toumani Touré dit ATT.
A notre question de savoir s’il a une ou des pistes de solution à proposer pour résoudre les problèmes qu’il dénonce, Master soumi, qui a obtenu Le Mali Hip-hop Award du meilleur parolier pour l’année 2008 et 2009 nous a précisé :
« Le président doit être à l’écoute de son peuple. Ce qui n’est pas le cas présentement. Les dirigeants doivent communiquer aux populations, à temps réel, des informations telles quelles sont au lieu de les laisser apprendre ces choses par les radios et les télévisions étrangères ? Il y a une carence de communication entre les dirigeants et les dirigés », a-t-il mentionné avant d’insister :
« Deuxièmement… Désormais, les dirigeants ne doivent jamais, plus jamais réintégrer dans notre Armée nationale des bandits armés qui ont déserté pour ensuite blesser gravement et tuer leurs compatriotes », a martelé, Master Soumi.
Ce gagnant de Tamani(victoire de la musique malienne) du meilleur artiste rap de 2009, ne souhaite pas que les dirigeants dérapent lors des négociations qui débutent aujourd’hui 16 juillet 2014 à Alger comme ce fut le cas dans le passé dans la même ville. Ainsi, Master Soumi fait cette mise en garde aux autorités maliennes :
« Troisième point, nous savons tous que toute guerre finie par la signature d’un accord. Nos dirigeants ne doivent jamais signer un Accord dont le contenu n’est pas clair, comportant des non-dits, des parties floues et ambigües. Cela ne résoudra aucun problème. », a averti, Master Soumi qui est aussi un ingénieur de son dont le 3eme Album « Saraka » ( Sacrifice) sorti en novembre 2011 a obtenu, un mois après, le trophée du meilleur album de rap 2011. Il termine sa série de proposition en ces termes :
« C’est le peuple qui, dans toutes ses couches sociales, a majoritairement élu le président IBK. Si ce président veut retrouver la confiance de ce peuple, il doit arrêter de donner la priorité à sa famille dans la gestion des affaires de l’Etat »
Pour ceux qui pensent que Master Soumi joue le jeu de l’opposition, il veut les rassurer :
« Je n’ai jamais rencontré le chef de l’opposition. Je ne critique pas une personne mais un système. L’opposition fait son travail, moi Master Soumi étant la voix des sans voix, je fais le mien. Même si l’opposition pose des actes à l’encontre des principes de la démocratie, je le critiquerais », a conclu l’auteur de cette chanson « Faso Kounkan » d’une durée de 3 minutes 49 secondes seulement mais dont les paroles poétisées restent longtemps dans la tête.
Lacine Diawara, journal Option