Au cours d’un entretien qu’il a bien voulu nous accorder autour du bilan des deux ans de gestion d’Ibrahim Boubacar Keïta, M. Koné dresse un tableau des moins reluisants. Responsable d’un parti qui se réclame de l’opposition républicaine, notre interlocuteur rejette encore une fois l’Accord de paix et qualifie le statut de chef de file de l’opposition de gadget.
Si le parti «Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare)» de Modibo Sidibé s’est démarqué de l’Accord de paix et de réconciliation au Mali, ce n’est pas par goût de paradoxe, ou par une simple volonté de contester qui que ce soit, précise le 1er vice-président des Fare. Lui qui rappelle que s’il y a un bon accord, c’est un accord pour le Mali. Seulement, explique l’orateur, l’Accord issu du processus d’Alger est organisé autour du communautarisme qui explique pour l’essentiel les difficultés auxquelles notre pays fait face.
«Si le Mali a souffert de quelque chose parce que nous n’étions pas habitués à cela, c’est le communautarisme : le fait qu’une communauté se lève, s’arme et attaque le pays au nom de tous les prétextes fallacieux et met le pays presque à genoux», regrette Souleymane Koné. Et notre interlocuteur de poursuivre: «lorsqu’on veut légiférer cet état de fait, on soumet l’ensemble des communautés du pays à rude épreuve, on leur indique que le processus démocratique dans lequel nous nous sommes engagés n’est pas viable et qu’il faut que chaque communauté s’organise pour prendre ce qu’il a à prendre, ça c’est extrêmement dangereux parce que cela met la nation malienne en péril».
De son avis, si le gouvernement s’était donné les moyens de rassembler les Maliens, de discuter avec eux, d’arrêter des consensus sur un certain nombre de points qui auraient du être la trame de toutes les discussions sur le Mali, il aurait eu plus de légitimité dans ses prises de position, proche de l’opinion de la population malienne et le gouvernement aurait une plus grande figure dans ses négociations. Ce manque de concertation fait que les Maliens, dit-il, se sont retrouvés avec un accord pratiquement difficile à appliquer. «La preuve: la situation que nous vivions aujourd’hui à Anefis donne la mesure. Ce n’est qu’un début, parce qu’on peut imaginer demain, à vouloir appliquer d’autres mesures, que nous aurons d’autres difficultés. On ne sait pas comment conseiller la mise en œuvre d’un mauvais accord et mon problème personnel c’est cela. Je ne sais pas comment conseiller un gouvernement d’appliquer un mauvais accord», dénonce le responsable politique.
A la question de savoir si la création du statut de chef de file de l’opposition n’était pas une avancée politique, notre interlocuteur estime qu’il s’agit plutôt d’un gadget politique. Selon lui, le statut de l’opposition doit s’intégrer dans une reforme globale de notre système démocratique. Après avoir rappelé une série de réflexion allant dans le sens de cette reforme globale, notamment le Comité Daba Diawara, Souleymane Koné a estimé ne pas pouvoir imaginer le statut de l’opposition sans vouloir mettre fin à la transhumance des élus. «Vous ne pouvez pas prendre un élément d’une reforme globale et le faire pour dire qu’il va prospérer. Aujourd’hui, le statut de l’opposition donne l’impression de miroiter ou de faire croire à une certaine opinion que l’opposition participe à la gestion du pays. Ce qui n’est pas le cas. Au même moment, le parti au pouvoir débauche les députés de l’opposition…», fait-il remarquer, rappelant que ce statut n’est qu’un prétexte pour montrer que l’opposition sert à quelque chose, alors qu’on fait tout pour l’empêcher d’émerger. A preuve, l’accès aux médias d’Etat est devenu, dénonce-t-il, une calamité. «Comment vous pouvez penser que depuis le début du processus jusqu’ à aujourd’hui, l’Ortm n’a jamais voulu organiser une confrontation entre la majorité présidentielle et l’opposition ou la société civile sur un sujet aussi sérieux que la question du Nord ? », regrette notre interlocuteur. Toujours est-il que le 1er vice-président des Fare estime qu’il ne sert à rien de donner un statut à l’opposition, quand de l’autre côté, on la musèle. Cela relève, dit-il, de la pure incohérence.
Bakary SOGODOGO
Source: Le Prétoire