Alors qu’un mandat d’arrêt avait été émis contre lui dans le dossier de tuerie des manifestants du 10, 11,12 juillet 2020 par la justice, Oumar Samaké, commandant de la FORSAT a été libéré de la maison centrale d’arrêt de Bamako, le vendredi 3 septembre, par les éléments de la police. En tant que président de l’association malienne de veille citoyenne (AMVC), Sory Ibrahim Diarra, homme politique nous livre ses impressions.
Le Pays : Que pensez-vous de l’évènement du vendredi, où les policiers en colère sont descendus à la MCA pour demander la libération le commandant de la FORSAT ?
Sory Ibrahim Diarra : Je tiens d’abord à déplorer et condamner l’acte. C’est une chose qui n’honore pas le pays. Il est important qu’on se ressaisisse un peu aujourd’hui, parce que le pays tend vers quelque chose qui est très grave. Ce pays tend vers l’inexistence, l’anarchie et vers la non application de la loi. On tend vers une justice de partialité, c’est ce qui a fait que l’évènement d’hier (vendredi 3 septembre 2021) reste déplorable. Qu’il s’agisse de la justice, de la police nationale ou du citoyen lambda, nous devons tous nous remettre en cause pour savoir ce qu’il y a lieu de faire aujourd’hui.
A votre avis, la belle manière pour la police d’agir devrait être quoi ?
Les policiers ne devraient peut-être pas agir de la sorte. Je ne les accuse pas, mais je ne les félicite pas non plus. Parce que tout simplement, il y a une logique dans n’importe quelle chose qu’on fasse dans ce monde. La logique aurait voulu que la parole soit donnée à ces gens pour les écouter. On veut une justice dans cette affaire de tuerie des manifestants du 10,11 et 12 juillet 2020, mais pas une justice sélective. Il était vraiment important d’interpeller ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui et qui sont aussi concernés dans le dossier. Au CNT, comme dans le gouvernement, des gens qui sont au pouvoir aujourd’hui ont appelé lesdits manifestants à sortir. A mon avis, tous ceux-ci devraient être interpellés en amont, avant d’interpeller ce commandant de la Forsat. Il n’est qu’un exécutant et ne prend pas de décision. Ceux qui ont donné l’ordre à ce commandant sont là, sans être inquiétés. On ne peut pas dire qu’ils ne sont pas coupables, cela n’est pas possible. Je crois que les policiers ont vu l’interpellation de leur commandant sous cet angle. Ils pensent être trahis dans la mesure où ceux qui ont donné l’ordre, ou qui ont poussé les manifestants à sortir ne sont pas inquiets. À mon avis, si les interpellations commençaient par les membres du CNT concernés ou ceux du gouvernement, les policiers n’allaient pas agir comme ça. On ne peut pas non plus féliciter les policiers parce que nous sommes dans un Etat de droit. Il y a des procédures à suivre par la justice, quelle que soit la défaillance : vice de forme ou de fond, les avocats étaient mieux placés pour, en bonne et due forme, libérer le commandant de la prison. Je pense que les juges doivent revoir ce dossier en interpellant même les ministres au pouvoir concernés dans l’affaire. C’est là où la population saura qu’on tend vers le changement.
Vous n’êtes pas de ceux qui pensent qu’il faut sanctionner ces policiers manifestants ?
Bien sûr qu’il faut les sanctionner, mais la sanction ne doit intervenir que lorsqu’on a repris la procédure de façon normale. C’est-à-dire : chercher à écouter toutes celles et ceux qui sont de près ou de loin impliqués dans le dossier, quel que soit leur rang. Organisateurs de manifestations du M5, tout comme ceux qui ont donné l’ordre de tirer sur les gens, tout le monde doit être écouté. C’est la frustration qui a occasionné cet évènement. Les policiers eux-mêmes disent que les commanditaires des tueries sont là sans inquiétude.
Que pensez-vous des interpellations de certaines personnalités du pays dans le dossier « d’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires ? »
Nous ne sommes pas contre ces arrestations, mais nous voyons qu’il y a un problème quelque part. Parce que les déclarations faites par les syndicats de l’association malienne des procureurs et poursuivants(AMPP) et de la référence syndicale des magistrats(REFSYMA) parlent « d’une procédure biaisée ».Suivant les différents propos, on peut supposer que la cour Suprême a agi sans l’avis de certains membres. Ces arrestations ne sont pas synonymes de condamnation. Soumeylou Boubeye Maiga n’est pas mieux que les autres détenus de la maison centrale d’arrêt de Bamako, mais on devrait chercher un autre endroit pour sa détention. On peut, de nos jours, penser qu’on tend vers une bonne justice, mais il ne faudrait pas que ça soit une justice sélective, de vengeance ou de partialité.
Comment voyez-vous, de façon générale, le secteur de la justice ?
La justice est un pouvoir à part et ne doit pas être inquiète pour son fonctionnement, quand elle travaille conformément à la loi. Nous devons tous avoir peur si cette justice est bafouée. Parce que les voleurs et les criminels ne vont plus avoir peur, si la justice est bafouée. Nous souhaitons que les arrestations en cours ne soient pas des manipulations pour faire plaisir à quelques personnes, mais plutôt pour l’intérêt de tous. Mon avis n’est autre chose que la justice reste indépendante pour servir le peuple. Elle joue un rôle important dans la stabilité de la nation. Ça ne va pas partout au Mali aujourd’hui, on doit mettre la stabilité de l’Etat au centre de tout. On souhaite que les choses se normalisent. Les jeunes doivent se donner la main pour sauver ce pays, notre patrimoine commun.
Réalisée par Mamadou Diarra
Source: LE PAYS