L’ouvrage intitulé : « Dialogue national au Mali : leçons de la Conférence nationale de 1991 pour le processus de sortie de crise » est désormais disponible en version PDF en ligne dans les langues française et anglaise. Ce livre édité en Allemagne est une œuvre collective de trois auteurs : Ousmane Sy, Ambroise Dakouo et Kadari Traoré. Le premier est un ancien ministre qu’on ne présente plus. Quant à Ambroise Dakouo, il diplômé de l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève et de l’ENA de Paris. Enseignant-chercheur à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako, Kadari Traoré est diplômé de Sciences Po Bordeaux et titulaire d’un doctorat en sciences politiques.
Les auteurs font un véritable diagnostic de la crise et livrent quelques pistes de réflexion notamment sur l’organisation de la Conférence d’entente nationale.
Au Mali, la crise de 2012 a ébranlé la paix et le vivre ensemble et fragilisé l’Etat et les institutions. Les auteurs soulignent cette réalité avant d’indiquer que tous les acteurs maliens réclament un processus de débat national afin de permettre à tous les citoyens de se retrouver et de se concerter sur le nouveau contrat social.
A cet effet, l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger a prévu une Conférence d’entente nationale «en vue de permettre un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne sur les causes profondes du conflit ».
Dans toute société, le dialogue national intervient dans une conjoncture socioéconomique, politique et sécuritaire qui est particulière. En effet, dans le cas malien, le débat sur le dialogue national intervient dans un contexte caractérisé par l’instabilité au plan sécuritaire. Cette fragilité de l’Etat est à appréhender à l’aune de la faiblesse de l’offre politique, de la crise sécuritaire, de la montée de la radicalisation et de l’extrémisme, diagnostiquent les auteurs qui soulignent que d’après les personnes qu’ils ont interrogées, l’on ne saurait aborder la réflexion sur le dialogue national sans questionner l’état de la nation, le rapport des citoyens avec les institutions républicaines, mais aussi l’économie de la rébellion et ses conséquences sur les structures politiques au niveau local et national.
Les entretiens réalisés ont par ailleurs révélé la constance des références aux formes traditionnelles du dialogue. « En cas de problèmes particuliers ici chez nous, nous avons aussi notre manière de nous concerter pour trouver des solutions. Ici à Mopti, c’est le vestibule du chef de village. Quand le problème est sérieux, le chef du village de Mopti convoque les chefs de quartier et associe les imams, les chefs de griot, les chasseurs, etc. pour en discuter. A chaque fois qu’il y a des problèmes, cela se conclut par une résolution fructueuse, car nous avons toujours eu recours à nos « règles de jeu » qui sont basées sur nos valeurs traditionnelles, sur l’honneur et la dignité », peut-on lire parmi les témoignages recueillis dans l’ouvrage.
Ainsi, dans la perspective de la tenue de l’organisation de la Conférence d’entente nationale de nombreux acteurs maliens soulignent la nécessité d’articuler les mécanismes traditionnels et modernes dans un processus novateur pour la tenue du dialogue national, la nécessité de la prise en compte des nouveaux espaces de dialogue qu’offrent de nos jours les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Beaucoup soulignent aussi l’inclusivité de l’ensemble des acteurs dans le sens de la légitimité et de la représentativité des acteurs territoriaux et politiques, de la société civile, etc., la nécessité de concevoir l’organisation du dialogue national à travers une démarche ascendante, à travers la prise en compte des échelles de base (hameaux, fractions, villages, communes). Des voix réclament aussi la nécessité d’une temporalité plus longue (au-delà de celle qu’a été la Conférence nationale de 1991 qui a duré une dizaine de jours), la nécessité de faire un diagnostic exhaustif de l’état de la nation avant la tenue du dialogue national, la nécessité de nommer une personnalité indépendante pour conduire le processus du dialogue national, afin d’en assurer l’indépendance et la crédibilité.
Dans le cadre des recommandations opérationnelles, les auteurs estiment que le processus méthodologique d’organisation de la Conférence d’entente nationale doit s’étaler sur une période de trois mois au moins, à travers une démarche ascendante partant des collectivités vers le niveau national.
Le dispositif de pilotage et de coordination pour la mise en œuvre doit comprendre au plan national : un comité national de coordination, une cellule d’appui technique au niveau de chaque région, du district de Bamako et au niveau de chaque cercle. Un texte pris au niveau du Premier ministre précisera le mandat, la composition et les modalités de fonctionnement de chacune de ces structures.
A. DIARRA
Source : L’Essor