L’élu est resté fidèle à des convictions bien arrêtées. Grâce auxquelles il s’est attiré le respect des populations
La situation à Kidal où la souveraineté du Mali ne s’exerce toujours pas totalement continue d’alimenter le débat national. Elle a été omniprésente dans les différentes interventions lors des cérémonies de présentation de vœux au chef de l’Etat lundi et mardi. C’est dire si la question constitue une préoccupation fondamentale pour la communauté nationale. Dans un climat dominé par l’exaspération et la frustration, il y a des voix à la légitimité incontestable qu’il convient d’écouter. C’est le cas du nouveau député Ahmoudène Ag Iknass élu à Kidal dès le premier tour des législatives avec 67,60 % des suffrages sur sa « Liste indépendante pour la paix et l’union nationale ». Dans une brève, mais instructive rencontre que nous avons eue avec lui, l’élu de la nation et fils de la Région assène des vérités bien senties.
Ahmoudène Ag Iknass, Tamasheq bon teint, est l’un des témoins privilégiés de l’évolution politique, économique et sécuritaire dans la Région de Kidal depuis la création de la 8è Région administrative en 1990. Pendant tout son parcours atypique, l’homme a toujours cru au Mali et est resté fidèle à ses convictions malgré les soubresauts qui ont secoué le Septentrion. Contrairement à bien d’autres qui ont succombé aux sirènes faisant miroiter la probabilité d’une « République de l’Azawad ».
D’abord un bref survol de son parcours. Après les études primaires et secondaires à Gao, Ahmoudène Ag Iknass poursuit son cursus en Algérie, où il obtient un diplôme d’attaché d’administration. Dans la vie professionnelle, ce fonctionnaire de l’administration fait ses premiers pas à l’arrondissement de Tin-Essako comme secrétaire d’arrondissement entre 1978 et 1986, date à laquelle il est affecté à la même fonction à Tinzawaten. Une année plus tard, il est muté à l’arrondissement central de Kidal toujours au même poste jusqu’à la création de la Région de Kidal en 1990. Ahmoudène Ag Iknass est alors mis à la disposition du gouvernorat comme secrétaire particulier du gouverneur, rôle qu’il remplira jusqu’en 1998.
Après une formation qualifiante et diplômante en comptabilité et finances, il devient comptable matière au gouvernorat de Kidal, puis régisseur. Poste qu’il occupera jusqu’aux dernières élections législatives qui le voient passer dès le premier tour.
Personnalité très respectée à Kidal, aussi bien par les natifs de la Région que par ses collègues de l’administration et de la vie professionnelle, le nouveau député de Kidal n’a pas connu deux partis politiques. De l’instauration du multipartisme dans notre pays en 1991 jusqu’en décembre de l’an passé, Ahmoudène Ag Iknass milite au sein du CNID-FYT dont il était le secrétaire général de la section de Kidal jusqu’en 2012.
TROIS ENFANTS DANS L’ARMÉE MALIENNE. Syndicaliste chevronné, il fut secrétaire général de la section UNTM de Kidal pendant plus de 10 ans. Aux élections communales de 2009, il devient conseiller communal pour la commune urbaine de Kidal. Le quinquagénaire très actif est aussi le coordinateur de la fraction des Imghad qui dans son ensemble est restée loyale et fidèle à la République. C’est d’ailleurs à cette même fraction qu’appartiennent le général El-Hadj Gamou qui n’est plus à présenter et beaucoup de cadres qui servent actuellement dans l’Administration.
Revenons maintenant au sujet du jour. Que pense le nouveau député de la situation actuelle à Kidal ? Sa réponse est sans équivoque : « Kidal est dans de mauvaises mains. Les groupes armés qui y agissent ne représentent pas les Touaregs, encore moins toutes les populations de Kidal. Mon élection comme député en est la preuve la plus tangible. Moi, je n’ai jamais pris part à une rébellion. Au contraire, j’ai mes trois enfants qui servent dans l’armée malienne. Et pourtant, les habitants de Kidal m’ont accordé leur confiance en me choisissant comme leur élu. Cela, malgré la candidature de personnes se réclamant des groupes armés. Je pense que l’autorité de l’Etat doit être et sera exercée à Kidal. En tout cas, c’est à cela que je vais travailler », martèle l’élu de la nation.
Ahmoudène Ag Iknass le dit à qui veut l’entendre : Kidal est aujourd’hui otage de groupes armés. Il est impératif que les partenaires du Mali comprennent cela. « Les écoles sont devenues des abris pour les groupes armés. L’économie locale est morte, parce que les commerçants sont de manière quotidienne victimes de harcèlements et d’arnaques. Je suis Touareg, je suis né dans cette région et durant toute ma carrière professionnelle j’ai n’ai servi que dans la Région. Je connais toutes les fractions, les moindres coins et recoins de cette région. Je peux vous dire qu’il n’y aura pas de paix à Kidal tant que l’autorité de l’Etat ne s’exercera dans toute sa plénitude. Le retour de la paix et de la réconciliation se feront forcément sous l’autorité de l’Etat malien », insiste l’élu.
Des convictions, Ahmoudène Ag Iknass en a décidément, et de très fortes. En politique, il a une conception qui est aux antipodes des pratiques malheureusement encore courantes sous nos cieux comme le clientélisme. « Le clientélisme représente à la fois l’iniquité et la lâcheté. Iniquité, car aucune règle objective ne s’applique alors. Lâcheté, car il s’agit d’une réponse facile de l’élu qui se donne un passe-droit, de l’élu qui n’a pas le courage d’expliquer les principes qui doivent prévaloir dans un Etat démocratique. J’ai milité pendant plus de 20 ans au CNID malgré les nombreuses opportunités qui m’étaient offertes pour intégrer des partis plus puissants.
Après les évènements de 2012, j’ai compris que les orientations de mon parti ne répondaient plus à mes convictions profondes. J’en ai démissionné. Et c’est en candidat indépendant que j’ai été élu. Je dois dire que pour la présidentielle, j’ai soutenu la candidature du président Ibrahim Boubacar Keïta. Dans cette logique, je compte donc soutenir son action en travaillant avec le RPM», argumente Ahmoudène Ag Iknass.
Le député élu se dit décidé à faire savoir partout où il aura l’occasion que les groupes armés qui sévissent à Kidal ne représentent guère les Touaregs, encore moins la Région de Kidal. « Kidal doit être et sera ce que l’Etat décidera. Pas ce qu’un groupe d’individus décrètera. Cette question est sans équivoque. C’est avec ce slogan que j’ai été élu et je le défendrai jusqu’à ce que Kidal retrouve toute sa place au sein d’un Mali uni, réconcilié et prospère », promet l’élu de la nation, visiblement exaspéré par le statu quo actuel.
D. DJIRE