C’est demain, vendredi 4 septembre 2015, que le Président de la République boucle ses deux ans de gestion à la tête de l’Etat. Ces deux ans ont été marqués par plusieurs scandales dans le domaine économique qui ont occasionné une brouille avec les partenaires techniques et financiers du Mali. Avec la reprise de la coopération, on annonce un taux de croissance très élevé de 6,3% mais qui semble ne pas profiter à tous. La relance économique reste un slogan sans grand impact et l’économie est toujours en berne.
IBK et la maitrise de l’inflation
L’inflation traduit « la vie chère ». Elle est l’indicateur économique, le plus tenace à gérer en termes de relance économique
Le gouvernement a pris des mesures urgentes pour éviter les dérives des prix. La concertation avec l’ensemble des acteurs participant au processus de production et de distribution des bien et services, la sensibilisation des consommateurs et l’impact des décisions budgétaires ont fait que le taux d’inflation observé au Mali était des plus faibles de la zone Uemoa, malgré la situation de sortie de crise du pays. A savoir, 4,8% en 2013 et 6,3% en 2014. Ces résultats sont obtenus grâce à la normalisation de la situation sociopolitique et la reprise de la coopération économique.
Avec une moyenne de taux de croissance de 6% ces dernières années, le Mali depuis deux ans, connait une croissance prolifique.
Le PIB tourne autour de 5,8% en 2015 et devrait se maintenir à ce niveau jusqu’en 2017.
Le Mali semble retrouver le chemin de la croissance économique avec des taux de 4,8 et 6,3 % prévus respectivement pour l’année 2013 et 2014. C’est ce qui ressort des travaux de la Revue du Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (Cscrp) pour la période 2012 – 2017, révisé et publié le 14 août dernier.
Cette croissance soutenue est imputable aux tendances favorables de la production agricole, à l’essor de la production aurifère, au regain d’activité dans le secteur des BTP et au renforcement de l’offre d’énergie électrique, indique un rapport du gouvernement.
La reprise effective de la coopération avec des partenaires techniques et financiers n’est pas non plus étrangère à ce rebond. Toutefois, la maitrise des prix des denrées est différemment appréciée d’un marché à un autre.
Flux d’investissements directs étrangers au Mali
Les deux premières années du quinquennat du président de la République ont été sanctionnées par de bonnes promesses en termes d’investissements. Une pluie de milliards de nos francs en investissements a été annoncée. Sachant que le flux d’investissements directs étrangers traduit le niveau d’attractivité d’un pays et contribue considérablement à l’équilibre de la balance économique. Ces promesses ont créé au sein de l’opinion nationale beaucoup d’espoir quant à la relance économique à un moment où l’économie nationale était durement éprouvée par une si une longue crise qui a affecté tous les secteurs. Déjà en mai 2013, une conférence s’est tenue à Bruxelles regroupant tous les partenaires techniques et financiers dans le but d’apporter une aide d’urgence au Mali post-crise. Elle a été l’occasion de mobiliser, en plus de la communauté internationale, l’ensemble des acteurs clés du développement du pays, à savoir le gouvernement, les collectivités locales, le secteur privé, la société civile, la diaspora et les médias. Elle a débouché sur la mise en place d’un mécanisme de suivi au niveau politique avec la participation des donateurs. Les engagements d’aider le Mali ont été pris sur la base d’un programme de développement pour la période 2013-2014 à hauteur d’environ 2 155 milliards de F Cfa, dont 25% de prêt et 75% de dons. En termes de bilan, sur les 2155 milliards promis en mai 2013, 1474 milliards ont fait l’objet d’engagement ferme à travers des accords et conventions signés. 965 milliards de F Cfa ont déjà été décaissés, dont 807 milliards en 2013 et 158 milliards en 2014.
En début d’année 2014, du 22 au 24 janvier le président IBK s’est rendu au Qatar et revint avec 44 conventions de financement dans des secteurs tels que les mines, l’agroalimentaire, l’hôtellerie, le pétrole, entre autres. 8 mois après cette visite, rien n’a bougé à ce niveau. Cette visite a été suivie par le forum économique de Chine, du 10 au 12 septembre 2014, 5 500 milliards de nos francs sont annoncés. Cette visite a permis au Mali d’obtenir le financement de plusieurs projets, notamment dans le domaine du désenclavement, du développement de l’Agriculture, et de la création d’emplois. A ce jour encore, cette pluie de milliards se fait attendre, même si à ce niveau une lueur d’espoir se fait ressentir avec la signature, le mois de juillet dernier, de trois conventions d’investissement pour la création d’usine de transformation de tomate et de production d’huile.
La situation avec le FMI aplanie
A peine installé dans ses fonctions, les scandales financiers éclatent. De l’achat de l’avion présidentiel très controversé sur fonds de corruption, de marché passé de gré à gré et de surfacturation au dossier des équipements militaires qui ont fait couler autant d’encre que de salive. Ces scandales ont créé une brouille entre le Mali et les partenaires techniques et financiers, notamment le Fonds monétaire international (FMI) qui a suspendu momentanément sa coopération. Ce qui a mis le pays dans une situation économique très tendue surtout lorsqu’on sait que notre pays est essentiellement lié à cette aide étrangère, qu’il sort d’une crise sans précédent. Pour reprendre sa coopération, le FMI a posé son veto et exigé un certain nombre de reformes, notamment en termes d’engagement au niveau de la fiscalité, de la gestion budgétaire et de la lutte contre la corruption, de l’environnement des affaires, bref tout ce qui concerne la situation macroéconomique et financière du Mali dans le cadre du programme de facilité élargie de crédit. Comme un élève et son maitre, notre pays s’est plié aux exigences de l’institution financière en procédant à deux sessions de relecture de la loi de finance 2015 pour rectifier et inclure certaines dépenses. Ensuite, toujours sur injonction du FMI, le Mali a procédé à des reformes profondes relatives à la politique budgétaire, l’assainissement du cadre des affaires, surtout les passations des marchés publics avec la relecture de l’article 8 du code des marchés publics, la suppression de la subvention du secteur énergétique et des hydrocarbures. Mais aussi, d’une reforme de la fiscalité, notamment sur l’impôt synthétique. Cette reforme lancée en grande pompe peine à se concrétiser, car le taux imposé est pratiquement utopique parce que les acteurs concernés ne tiennent pas de comptabilité pour pouvoir déterminer leur chiffre d’Affaires annuel. A partir de cette date, l’institution financière a décidé de mettre en place un comité de suivi de la mise en œuvre de ces reformes. Ce qui fait dire à certains que notre pays est sous tutelle.
L’assainissement des finances publiques
L’article 8 du code des marchés publics a été sérieusement révisé, corrigé et amélioré avec beaucoup d’innovation. De sérieux verrous ont été mis en place. Ce qui fait que dorénavant, on ne peut plus engager des dépenses comme par le passé. Tous ces changements doivent apporter beaucoup plus de transparence et réinstaurer la confiance entre le Mali et les partenaires.
Les services de l’assiette durement sollicités
Après la brouille avec les partenaires techniques et financiers, notre pays s’est fait beaucoup taper sur les doigts. Les caisses de l’Etat ont été saignées à blanc pour continuer à faire fonctionner l’administration publique. Les services des douanes et des impôts ont été durement sollicités pendant près de 5 mois. Pendant cette période, même les salaires des fonctionnaires ont commencé à tomber avec un retard parfois d’une à deux semaines. Pour camoufler ce déficit de trésorerie, l’Etat a initié un projet dit de contrôle physique de l’ensemble des agents émargeant sur le budget de l’Etat. Ce contrôle physique a pris beaucoup de temps et permis à l’Etat de jouer au faux fuyant. Dans ce contexte aux allures d’une récession, le FMI a exigé et obtenu de l’Etat beaucoup de reformes au niveau des services de l’assiette. Ainsi, un nouveau Directeur Général a été nommé à la tête de la douane. Ce dernier avait des instructions très fermes. Il s’agissait pour lui de faire une thérapie de choc en faisant une restructuration des douanes et procéder au renouvellement de tous les chefs de département. Cette stratégie n’a pas tardé à porter ses fruits. A peine installé, les douanes ont renoué avec la performance. Les douanes ont atteint et même dépassé les objectifs fixés au grand plaisir de l’Etat et des PTF.
Un secteur privé très amorphe
De tous les secteurs d’activités du pays, le secteur privé reste le parent pauvre des deux ans de gestion du Président IBK. A part quelques conventions de bonnes intentions d’investissements ça et là, il n’y a rien de concret sur ce secteur. Aucune nouvelle industrie n’a été créée ou inaugurée. Pourtant ce secteur est le plus grand pourvoyeur d’emplois pour réduire considérablement le chômage afin d’aider le Président dans l’atteinte des objectifs de 200 000 emplois promis aux Maliens pendant son quinquennat. Le secteur privé malien, il faut le reconnaitre est resté très timide malgré l’attractivité du climat des affaires et les potentialités économiques exploitables énormes. Au Qatar, par exemple, les hommes d’affaires qui accompagnaient le Président lors de sa visite n’ont pas pu ficeler un seul bon contrat pour la simple raison qu’ils ne maitrisaient pas la base d’investissement des qataris, estimée à des dizaines de millions de dollars minimum. C’est pourquoi les opérateurs économiques sont revenus bredouilles du Qatar avec beaucoup de remords. Les entreprises, au lieu de se créer, ont plutôt mis les clés sous le paillasson, avec à l’issue, des centaines d’emplois supprimés et des milliers de pères de famille au chômage. L’Etat, pour redresser la courbe vertigineuse, a fait signer des contrats de performance à certaines entreprises pour les sauver de la faillite, à l’image de la Sonatam, de Embal Mali ou de l’usine des terres cuites de Bamako.
Globalement, on peut retenir qu’il est annoncé un taux de croissance très flatteur de 6,3%, mais force est de reconnaitre que cette croissance ne profite pas à tous les Maliens. La distribution des richesses est inégale. Le secteur tertiaire qui est en principe la locomotive de l’économie malienne, compte tenu des potentialités agro-sylvo-pastorales, est en souffrance malgré les efforts du chef de l’Etat de subventionner les intrants agricoles. Il y a encore du chemin à faire pour relancer l’économie malienne grippée par une crise sans précédent. Une chose est sûre, l’état actuel des choses ne plaide nullement en faveur du Président de la République. Son bilan économique est très contrasté.
Harber MAIGA
AN II D’IBK
Bilan mitigé pour la justice
Même s’ils se félicitent d’un relatif apaisement du front social au sein de la famille judiciaire, les syndicats de la magistrature notent toutefois que depuis la prise de fonction du Président IBK, il y a 2 ans, rien n’a changé dans le cadre de l’amélioration des conditions de travail des magistrats.
Le Syndicat autonome de la magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la magistrature (Sylima) ont fait un bref diagnostic de la gestion de la justice malienne depuis l’investiture du président de la République, le 4 septembre 2013. Les conditions des acteurs de justice; l’immixtion de l’Exécutif dans la sphère judicaire; l’immunité accordée aux bandits armés; le projet de reforme de la justice. Voilà, entre autres, les sujets abordés par les présidents des différents syndicats de la magistrature pour parler du bilan des deux ans d’Ibrahim Boubacar Keïta à la tête du Mali.
Si le président du SAM, Issa Traoré, pense que de 2013 à nos jours, les actes posés en termes d’amélioration des conditions de la justice sont insignifiants, celui du Sylima, Adama Yoro Sidibé, note une approche plus ou moins positive dans la forme, même s’il relève par ailleurs un certain statuquo dans le fond.
Selon le Président du SAM, l’atmosphère au niveau de la famille judiciaire était très tendue suite à l’arrivée de Me Mohamed Ali Bathily à la tête du département de la Justice. Ce dernier, rappelle-t-il, avait décidé de mener une politique de vas-t-en guerre contre les acteurs de justice.
En effet, le magistrat estime que le ministre Bathily a passé le clair de son temps à ‘’bavarder’’ plutôt qu’à poser des actes concrets allant dans le sens de l’amélioration des conditions de la justice. Les lignes auraient commencé à bouger avec l’arrivée de Mahamadou Diarra à la tête du ministère de la Justice. S’il note un léger regain d’espoir, Issa Traoré décrie cependant les conditions de vie et de travail des magistrats maliens. «La justice est le plus pauvre de tous les services de l’Etat. Il y a seulement 0,7% du budget qui est consacré au Ministère de la justice. Et on a tendance à dire que les magistrats sont les mieux payés de la République. Faux, car la justice malienne est un géant au pied d’argile. Pour s’en convaincre, il faut faire un tour dans la sous-région pour voir les conditions de travail des magistrats. La première des tâches dans un pays qui se veut réellement démocratique, c’est de mettre la justice au centre des exercices visés en mettant les acteurs de la justice dans les conditions idoines. C’est vraiment regrettable de constater aujourd’hui que notre justice n’a pas encore pris le départ. La justice malienne était mourante, mais aujourd’hui elle est malade. Elle a besoin d’être diagnostiquée et secourue», interpelle le magistrat.
Parlant de l’immunité accordée aux bandits armés, Issa Traoré dira que cette mesure est intervenue dans des conditions totalement irrégulières car, dénonce-t-il, la loi a été violée à tout bout de champ. «En se plaçant dans le cadre des circonstances exceptionnelles, c’est plutôt une décision politique intervenue dans le cadre de la recherche de la paix. Mais il faut savoir qu’il n’y aura jamais de paix tant que la justice n’est pas rendue. On ne doit pas ignorer ces nombreuses victimes. Oui pour un pardon qui reconnait le droit des victimes», nuance M. Traoré.
De son côté, le Président du Sylima, Adama Yoro Sidibé, dira que rien n’a changé dans le fond. Mais, dans la forme, apprécie notre interlocuteur, il y a une approche plus positive que sous l’ère ATT. Selon lui, depuis la prise de fonction d’IBK, les magistrats ne sentent pas tellement l’interférence manifeste de la Présidence dans les affaires de la justice, encore moins cette volonté de diviser les magistrats ou de créer une tension artificielle pour arriver à des fins. En outre, il se réjoui de l’arrivée du Ministre Diarra à la tête du département de la justice. Ce dernier a, selon lui, une approche plus acceptable de la famille judiciaire.
Adama Yoro Sidibé affirme par ailleurs que le Ministre Bathily, en son temps, avait élaboré un document de projet de reforme de la justice. Ce document, selon lui, prenait en compte beaucoup de préoccupations des magistrats. Le Ministre Diarra a, son tour, lancé un programme d’urgence pour le renforcement du système judiciaire. «Il y a beaucoup de promesses dans ce document. Mais attendons de savoir si ça aboutira ou pas. De l’arrivée d’IBK au pouvoir à nos jours, rien n’a été fait pour l’amélioration des conditions de travail des magistrats. Notre cahier de doléances est là-bas depuis, et on ne nous a jamais appelés. En lieu et place, on nous a sorti le document de projet de reforme de Bathily que nous avons salué. Est-ce qu’il [le ministre Diarra Ndlr] va carrément oublier ce qui a été fait par son prédécesseur ? Chose qui me préoccupe, car nous avons salué le document de projet de reforme de Bathily, même si le projet n’a jamais vu le jour», affirme M. Sidibé.
Parlant du cas de la libération de Wadossène, il dira que cette situation était tout simplement une évasion organisée. Car, selon lui, le juge en charge du dossier n’en était même pas informé.
Ibrahim M.GUEYE
source : Le Prétoire