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Sénégal : Amath Dansokho, le révolutionnaire de tous les régimes, est mort

Figure majeure de la politique sénégalaise depuis l’indépendance en 1960, l’homme était de tous les combats et a participé aux deux alternances en 2000 et 2012.

 

Au siège du Parti pour l’indépendance et le travail (PIT), à Dakar, ce soir du 27 août, le silence est glacial une fois le seuil de la porte franchi. La tristesse se lit encore sur les visages des militants qui quittent leur salle de réunion en chuchotant. Et pour cause : le leader historique de la formation, Amath Dansokho, est décédé le 23 août des suites d’une maladie. Figure majeure de la politique sénégalaise depuis l’indépendance en 1960, l’homme était de tous les combats et a participé aux deux alternances en 2000 et 2012.

Militant de gauche dès son plus jeune âge, il découvre Maurice Thorez à 14 ans et adhère aux jeunesses de l’Union démocratique sénégalaise. La lecture du Fils du peuple accentue son intérêt pour la politique que le président Senghor avait fait naître chez lui. Le jeune garçon lui voue alors une véritable admiration. Lors des législatives de 1951, il n’hésite pas à sécher ses cours pour suivre à la campagne. L’aventure sera toutefois brève car le jeune Amath Dansokho est de plus en plus sensible aux idées nationalistes et à la justice sociale.

Sa première participation à un défilé du 1er-Mai a d’ailleurs lieu en 1954, en soutien à l’indépendance du Vietnam. Et dès la création du Parti africain pour l’indépendance (PAI) en 1957, de tendance marxiste-léniniste, il y prend sa carte de membre. Très vite, il s’oppose au pouvoir colonial en organisant une grève dans son lycée, à Saint-Louis. Il pense alors que l’indépendance passera par la lutte armée. En 1959, l’étudiant, qui poursuit ses études à l’université de Dakar, se rend en Guinée-Conakry pour y récupérer des armes envoyées par le Front de libération nationale (FLN) algérien par le biais de Frantz Fanon, confie-t-il en 2012 lors d’un long portrait qui lui est consacré sur RFI. Son parti bascule dans la clandestinité un an plus tard. Accusé d’insurrection contre le régime de Senghor en 1964, ses membres sont condamnés.

Exilé pendant treize années

S’ensuit un exil de treize ans pour Amath Dansokho. « Il a toujours refusé de parler des difficultés de cette période. Il évoquait seulement le côté formateur », précise Ibrahima Sène, son camarade de parti avec qui il chemine depuis ses débuts. Le jeune militant trouve refuge à La Havane où il se lie d’amitié avec Joséphine Baker, à Bamako, à Alger, à Prague ou encore à Moscou et se prépare à la révolution. Au Mali, en 1964, c’est Che Guevara en personne qui lui offre un texte de Régis Debray. Le séminaire économique de solidarité afro-asiatique, organisé l’année suivante en Algérie, participe à sa formation. Fort de cette expérience, il rentre au Sénégal en 1976 qui vit une ouverture progressive au multipartisme. Le PAI est alors reconnu. Il se divisera cinq ans plus tard lorsque le président Abdou Diouf décide de supprimer la limitation du nombre de partis politiques.

Amath Dansokho fonde alors le Parti pour l’indépendance et le travail (PIT) avec d’autres militants communistes. Il bat campagne pour le mouvement Sopi (« changement » en wolof) d’Abdoulaye Wade lors du scrutin présidentiel de 1988. Charismatique, « il haranguait les foules lors des manifestations, place de l’Obélisque », se souvient Momar Guèye, historien. Un soutien qui lui vaudra quelques mois de prison avec M. Wade pendant la crise post-électorale. Mais, en 1991, il rallie le socialiste Abdou Diouf et devient ministre de l’habitat et de l’urbanisme (1991-1996). Pour autant, sa liberté de ton et ses critiques contre la gestion du chef de l’Etat lui coûtent son poste.

Il est de retour dans l’opposition. Et si son parti ne pèse pas sur l’échiquier politique, le communiste sait mobiliser autour de lui. « Il savait résonner comme une tempête pour dire non et comme une trompette pour rassembler au combat », résume le journaliste Ousmane Sène. Avec d’autres partis de gauche, Amath Dansokho organise une alliance autour d’Abdoulaye Wade, le Front pour l’alternance (FAL). Les réunions se tiennent à son domicile où se réunit spontanément l’opposition.

Contre la dérive autoritaire d’Abdoulaye Wade

« C’était un homme de cœur et qui aimait recevoir », témoigne Samba Sy, secrétaire général du PIT. Si seulement son salon pouvait parler. Dans l’intimité, il y a eu beaucoup de tractations », se souvient-il, ému. « Le quartier général de l’opposition, c’était finalement chez lui. Comme en 2011, lorsque les dirigeants politiques acceptent de participer ensemble à la manifestation du 23 juin contre le changement de Constitution voulue par le président Wade », se souvient le militant des droits de l’homme, Alioune Tine.

Car si Abdoulaye Wade a remporté l’élection présidentielle de 2000 et nomme alors Amath Dansokho ministre, l’entente entre les deux hommes va être de courte durée. Quelques mois seulement après sa prise de fonction, Amath Dansokho est démis pour son opposition au nouveau pouvoir dont il combattra la dérive autoritaire. En 2010, il cédera la tête du PIT à l’universitaire et homme politique Maguette Thiam. Pour autant, il participe aux manifestations de 2011 visant à faire partir Abdoulaye Wade, ainsi qu’à la coalition qui a porté Macky Sall au pouvoir. Ainsi, Amath Dansokho aura rallié et combattu tous les régimes au pouvoir depuis les années 1950.

Mais depuis cette deuxième alternance en 2012, les sorties virulentes du leader au franc-parler légendaire s’étaient amoindries. « On ne l’a pas entendu sur l’affaire Karim Wade, qu’il disait aimer comme son fils, ni concernant le dossier Khalifa Sall avec qui il a marché en 2011. Pas publiquement, du moins. Peut-être le faisait-il dans l’intimité, ou était-ce dû à son état de santé », avance l’historien Momar Guèye. Pour autant, Amath Dansokho avait toujours des projets : il voulait « faire un tour du Sénégal pour rencontrer les populations », raconte Samba Sy. Un vœu resté inachevé pour cet éternel opposant, disparu à 82 ans. Enterré à Saint-Louis qu’il a préféré à sa ville natale de Kédougou, dans l’est du Sénégal, un vibrant hommage lui a été rendu à la levée du corps, le 25 août.

Source: Le monde.fr

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