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Séisme au Maroc : « Même si on avait construit en parasismique, on aurait eu de gros dégâts »

Les trois pays du Maghreb étant régulièrement frappés par des séismes, des normes de construction ont été adoptées ces dernières décennies. Mais pour le sismologue marocain Lahsen Aït Brahim, ces obligations parasismiques ne sont pas respectées partout et ne suffisent pas toujours.

En 1960, Agadir était ravagée par un violent tremblement de terre qui fit 12 500 morts. À la suite de cette catastrophe, le Maroc a revu son cadre législatif en matière de construction parasismique, mais, comme on l’a malheureusement observé lors du séisme qui a dévasté la région d’Al Haouz, dans la nuit du 8 au 9 septembre, dont le bilan approche maintenant les 3 000 morts, il reste difficile, voire impossible, de faire face à un séisme de magnitude 7.

Le problème concerne d’ailleurs l’ensemble du Maghreb, qui reste une terre propice aux secousses sismiques. Les trois pays présentent les mêmes caractéristiques géologiques, avec parfois les mêmes conséquences dramatiques. En Algérie, les séismes d’El Asnam, en 1980, et de Boumerdès, en 2003, ont fait chacun 5 000 victimes, le premier étant considéré – avec une magnitude de 7,3 – comme le plus violent à avoir touché l’ouest de la Méditerranée. Quant à la Tunisie, elle a connu trois séismes importants qui ont provoqué de gros dégâts matériels dans les années 1970 et reste régulièrement frappée.

Y a-t-il des mesures à prendre, en particulier sur les normes de construction, pour essayer de limiter les effets des tremblements de terre à venir ? Lahsen Aït Brahim, professeur à l’Université Mohammed-V de Rabat-Agdal et expert en sismologie, répond par l’affirmative, tout en nuançant son propos.

Jeune Afrique : Le Maroc est-il plus exposé que les autres pays du Maghreb au risque de secousses sismiques ? 

Lahsen Aït Brahim : Le risque sismique marocain a ses spécificités par rapport aux autres pays maghrébins, en ceci que le pays a une façade sur l’Atlantique. Dans cet océan, au niveau de l’archipel des Açores, on a la jonction des plaques nord-américaine, eurasiatique et africaine. Les frictions dans cette zone ont un impact direct sur le territoire marocain. Les séismes qui prennent naissance au sud-ouest du Portugal ont un impact sur les villes côtières marocaines, de Tanger jusqu’à Agadir.

Pour absorber ces chocs, la topographie marocaine contient deux chaînes montagneuses qui encaissent une quantité importante de l’intensité du rapprochement entre la plaque eurasienne et la plaque africaine : la chaîne du Rif et la chaîne de l’Atlas. C’est cette dernière qui est concernée par le séisme du 8 septembre, et c’est justement cette chaîne intracontinentale que nous partageons avec l’Algérie et la Tunisie. Au Maroc, le séisme le plus fort jamais enregistré a été celui d’Agadir, en 1960, d’une magnitude de 5,7, qui a fait plus de 10 000 morts et 70 % des constructions détruites.

Mais généralement, on est autour de magnitudes de 5 à 5,3. On ne s’attendait pas à ce qu’il y ait un séisme de cette ampleur. D’ailleurs, le séisme d’Agadir avait été moins intense que celui de la semaine dernière. S’il a fait bien plus de morts, c’est que les constructions de l’époque n’étaient pas celles d’aujourd’hui.

Quelles sont les stratégies de préparation au risque sismique ? Le Maroc a-t-il pris des mesures différentes de celles de ses voisins dans ce domaine ?

Depuis le séisme d’Agadir, le pays a une stratégie en matière de construction parasismique, d’abord seulement localisée au niveau de cette ville. Puis, en 2000, a été élaborée une loi de construction parasismique devenue contraignante dans tout le pays. Il y a eu une mise à jour de ce règlement en 2013, à la suite du séisme d’Al Hoceima, en 2004. Il y a également des cartes d’aptitude à l’urbanisation qui tiennent compte des séismes, des inondations et des glissements de terrain. Ces cartes indiquent où l’on peut construire, et comment.

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Et en tant que membre de la commission maghrébine de génie parasismique, je peux vous confirmer que les Algériens et les Tunisiens ont aussi leur code. L’Algérie, qui a connu des tremblements de terre d’assez forte intensité, en est à sa cinquième réactualisation de la règlementation parasismique (RPS). Mais aujourd’hui, avec ce qu’il vient de se passer, je pense que le Maroc va revoir ses calculs.

Comment se fait-il que malgré toute ces règlementations, il y ait eu autant de dégâts matériels dans les campagnes ? La situation est-elle la même dans les zones rurales algériennes et tunisiennes ?

La RPS à l’échelle nationale est relativement récente. Il y a pas mal de communes qui ne l’exigent pas et qui ferment les yeux. Et dans les campagnes, elle coûte cher. Ce sont les grandes villes (Rabat, Casa, Tanger, Agadir…) qui arrivent à en supporter les coûts. Mais dans les zones rurales, on construit « à l’ancienne », avec de la tôle, du bois, de l’argile rouge. Si le séisme avait eu lieu chez nos voisins, les dégâts dans les campagnes auraient été similaires.

Mais je tiens à rappeler que même si on avait construit avec du parasismique, on aurait eu de gros dégâts, car on prévoyait une magnitude de 6,5 maximum. Pas de 7, comme ça a été le cas le 8 septembre.

Est-ce que les séismes au Maghreb sont plus puissants qu’ailleurs ?

Les séismes les plus destructeurs au Maghreb ont, jusqu’à maintenant, eu lieu en Algérie. Au Maghreb on a en moyenne des magnitudes de 6 ou 7. Mais c’est une région qui a un risque et une intensité sismiques faibles à modérées. Cela n’a rien à voir, par exemple, avec ce qu’il se passe au Japon, où on est dans un contexte de subduction, c’est-à-dire d’enfoncement d’une plaque lithosphérique sous une autre plaque. À Fukushima, en 2011, on était à une magnitude de 9 ! Idem pour le tsunami de 2004 en Indonésie. Quant au séisme de février 2023 qui a frappé la Turquie et la Syrie, et qui a pris corps dans la faille anatolienne, il était à une magnitude de 7,8.

jeuneafrique

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