Le Premier ministre chef du gouvernement était ce vendredi devant les membres du Conseil national de Transition qui s’amusent à usurper et à s’affubler le terme honorable. Pour son grand oral, il peut d’avance être sûr du quitus des «députés de la Transition» nommés par Koulouba sur le Plan d’action qui respecte religieusement la Feuille de route de la Junte.
En effet, il s’agit beaucoup de formalisme institutionnelle que d’inventaire, d’autopsie ou d’examen à la loupe d’un Plan d’action qui, pour certains, n’en est que de nom. Pour beaucoup d’observateurs qui se sont exprimé sur les réseaux sociaux, le plat servi ce vendredi par le Chef du gouvernement est à tout point de vue indigeste. Il s’agit, non seulement, d’un plan d’action irréaliste, mais aussi, irréalisable. Moctar OUANE, au lieu de se concentrer uniquement sur ce qui est faisable et réalisable dans les délais impartis (pas que par le Mali), s’est laissé piéger et submerger par ses conseillers pour servir plutôt un projet de société d’un parti populiste aussi vague que le programme d’un candidat impopulaire à l’élection présidentielle.
La Transition n’ayant pas vocation à tout gérer, le locataire de la Primature devrait s’atteler exclusivement à organiser de bonnes élections tout en assurant la sécurité des Maliens. Jamais un régime de Transition n’a pu fédérer les Maliens autour de réformes en profondeur qui ont été rejetées et combattues sous des autorités plus légitimes. Pour satisfaire et rallier une grande partie de l’opinion à la cause de la Transition, Moctar OOUANE a l’obligation de sérier entre les priorités incompressibles et les sujets qui fâchent. Par exemple, si personne ne voit d’objection à la tenue des élections, il faut un miracle pour faire adhérer les Maliens dans leur grande majorité à un référendum ou à une relecture consensuelle de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger.
Si le citoyen lambda n’est pas disposé à tenir grief au PM pour son oubli commode de la pandémie de la Covid-19 parmi les actions à inscrire à l’agenda de la Transition, beaucoup s’interrogent sur la pertinence qu’il met à maintenir cette action aussi impopulaire qu’explosive aux portes de Bamako qu’est la démolition de la zone aéroportuaire de Bamako-Sénou.
Il va falloir aussi beaucoup de diplomatie pour le diplomate qu’est Moctar OUANE de convaincre les partis politiques qu’il tiendra sa promesse de tenir les élections dans les délais sans aucun chronogramme ou pardon avec un agenda aussi approximatif.
Ce qui est reproché à ce Plan d’action ce n’est ni sa conformité avec l’expression de la volonté populaire issue des journées de concertations nationales et ni sa cohérence avec les défis qui se posent à notre pays. Mais comme le dirait l’autre son ambition de tout faire en si peu de temps.
À n’en pas douter, le Plan d’action présenté ce vendredi est un programme très ambitieux, susceptible de relancer l’espoir pour l’émergence d’un Mali nouveau. Toutefois, il faudrait prioriser les aspects urgents, tels que la question de la zone aéroportuaire, celle de l’Accord ou celle des cartes NINA surtout pour la diaspora malienne, sans occulter ou oublier bien sûr d’autres priorités et défis immédiats non moins importantes comme la restauration la sécurité, de la paix, de la réconciliation, de la souveraineté alimentaire et territoriale, de l’école malienne, de la problématique du Genre, du Culte, de la laïcité.
Il faut sortir, pour convaincre les plus sceptiques, du carcan technocratique et des technocrates qui ne prospèrent que durant les Transitions, pour impulser et rassurer les partenaires politiques, sociaux et éducatifs sur la volonté sans malice de mettre en place des cadres et des mécanismes de dialogue et de concertation pérennes et susceptibles de juguler la crise et la crise de confiance.
Dans ce cadre un reformatage du discours s’impose si le Premier ministre veut sortir du bourbier syndical. Il s’agira pour lui de préciser ce qu’il entend par moratoire, en intégrant que ce sésame gouvernemental n’a aucune chance de passer s’il concerne les acquis sociaux.
Par contre, les syndicats sont plus enclins à l’écoute si le moratoire doit concerner uniquement les nouvelles revendications et non un moratoire sur l’application de la loi. Un centime ajouté au statut général sera automatiquement répercuté sur les statuts particuliers (magistrats, enseignants, administrateurs, Policiers…). Sinon le moratoire sera considéré nul et non avenu.
Par ailleurs, tel que présenté, le moratoire s’adresse simplement aux enseignants qui ont légitimement l’impression d’être stigmatisés, indexés comme les insatiables de la Républiques… Alors que tout le monde sait qu’on ne mange pas la craie.
Pour obtenir l’adhésion d’une grande majorité de Maliens à ce plan d’action du gouvernement, l’unanimité étant impossible même si les conseillers occultes et officiels font croire que le reste est superfétatoire, il faudrait d’ores et déjà mettre en chantier une stratégie cohérente, prospective et réactive de communication et d’information en direction des populations. Pour la réussir, le Premier ministre Moctar OUANE va devoir rompre avec les habitudes de facilité de l’administration malienne qui n’a jamais intégré et pratiqué la redevabilité. Or, les époques changent, avec elles les populations qui aujourd’hui sont mieux informées et dont la soif d’informations est plus grande qu’il y a 10, 20, 30 ans. La redevabilité est une exigence de la bonne gouvernance et la communication en un paramètre indispensable. Mais comment communiquer pour atteindre le Malien, les populations maliennes dans leur vécu réel, les toucher, les convaincre, les faire adhérer à la réussite de la Transition ?
Il faudra à Moctar OUANE un sursaut de désaccord total avec tout son parcours et ses conseillers adulateurs et flagorneurs pour intégrer que le français (contre lequel nous n’avons rien) et les réseaux sociaux (qui ont leurs partitions à jouer) ne sont pas les voies et voix les plus indiquées pour atteindre, parler, convaincre et faire adhérer nos populations. L’équation de la langue et de toute la stratégie de communication de la Transition est donc à repenser. Avec un peu de volonté, Moctar OUANE pourra réussir le chalenge de la Transition.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : INFO-MATIN