A la faveur du sommet extraordinaire tenu dimanche, 7 novembre 2021 à Accra, au Ghana, les chefs d’État de la CEDEAO se sont penchés sur le sort du Mali et de la Guinée Conakry, deux pays dirigés par les militaires, suite à un coup d’État. A la différence de la Guinée, l’organe sous régional a brandi deux sanctions contre les autorités transitoires : interdiction de voyager et gel de leurs avoirs. Des Maliens se sont prononcés sur le sujet.
Jeamille Bittar, membre du M5-RFP : « Ce n’est pas à la CEDEAO de nous dicter ce que nous devons faire »
« Je m’attendais à pire que tout ça. Nous sommes dans une situation où ce n’est pas à la CEDEAO de nous dicter ce que nous devons faire. Ces sanctions ciblées sont sans effet. Mais qu’à cela ne tienne, dire que nous allons bâcler cette transition pour aller à des élections, je crois que ce serait un danger pour notre pays. Le moment n’est pas propice, parce que les conditions ne sont pas réunies pour aller à des élections. Il faut être réaliste, il faut regarder les choses en face. Nous devons faire ce que nous avons à faire. Tant mieux si la CEDEAO nous accompagne, mais le cas échéant, nous serons toujours là. Parlant des conséquences que cela pourrait engendrer, c’est comme si nous demandons à ce qu’il y ait des conflits post électoraux ».
Fousseynou Ouattara, membre du CNT : « Cette résolution est un non évènement »
« La résolution de la CEDEAO était prévisible, mais pour moi, c’est un non évènement, parce que rien de nouveau. Les sanctions ont été déjà prises. Comme ils veulent les élargir à des organisations et associations, je sais que c’est nous qui sommes indexés. Où était la CEADEO quand la France a interdit à l’armée malienne d’entrer à Kidal ? Où était-elle quand la France a collaboré avec un groupe rebelle en violation de la constitution ? Donc si la CEDEAO se souciait du Mali, elle devrait faire des déclarations sur ces différents sujets. On ne voit pas la CEDEAO quand le Mali a besoin d’elle. Mais elle est là quand il s’agit d’imposer la volonté de la France. Les Maliens doivent donc s’unir derrière le président de la transition pour panser les plaies, redéployer l’administration par tout dans le pays… C’est après tout cela qu’on peut parler de politique et des élections. C’est au gouvernement d’assurer le droit de vote aux citoyens, or plusieurs parties du territoire sont hors contrôle des autorités. Comment peut-on mettre de pression sur les autorités pour la tenue des élections dans cette condition et à quelle fin ? Le but de cela est de mettre un gouvernement de marionnette qui va se plier à la volonté de la France ».
Mahamadou Abdoulaye Doumbia, président du parti MPC : « Nous ne devons pas avoir peur »
« Ces sanctions sont des moyens pour qu’on puisse mobiliser les efforts afin d’aller aux élections. Ça ne nous solde pas, nous ne devons pas avoir peur. Nous devons garder le sang-froid et faire comprendre à la CEDEAO que ce sont les Maliens qui organisent les élections. Ce sont les Maliens qui donnent les dates des élections, pas à la communauté internationale, ni à la CEDEAO. Elle doit écouter les maliens. Ça ne vaut pas le coût de précipiter les élections. En le faisant, cela pourrait avoir un coût dévastateur pour le pays. On doit s’écouter entre maliens pour prendre des décisions sages. Je crois qu’elle a été, pour une 1ère fois, sage en évitant de sanctionner tout le Mali. Ces sanctions individuelles n’auront pas assez d’effet ».
Sory Ibrahim Diarra, président de l’AMVC : « Le Mali est en train d’être isolé »
« Cette sanction n’est pas du tout surprenante, dans la mesure où le premier ministre est en train d’agresser la CEDEAO en expulsant son représentant spécial. Il fallait alors s’attendre à des retombées. On peut dire Dieu Merci, parce qu’il n’y a pas eu de sanctions collectives. Les autorités sont encore dans le temps pour que la situation ne soit pas encore pire. Mon inquiétude est que le Mali est en train d’être isolé, sur le plan international. Chose qui n’est pas bonne dans ce contexte où les maliens vivent dans une situation très précaire. Les autorités ont tout intérêt à prendre leur responsabilité .Assimi Goita doit s’assumer ».
Abdoulaye dit Allaye Koita, président du parti Mouvement en Avant : « Rien ne doit nous précipiter pour aller à des élections »
« La CEDEAO est dans son rôle par rapport aux sanctions individuelles. Mais déjà, c’est une très bonne chose qu’il n’y ait pas eu d’embargo sur le Mali. Je ne pense pas que ces sanctions peuvent gêner les autorités dans l’exercice de leurs fonctions. Que les autorités fassent leur travail pour qu’on puisse sortir de cette situation d’insécurité. Rien ne doit nous précipiter pour aller à des élections, rien du tout. Les autorités doivent tout faire pour amener la sécurité et la paix dans le pays. Cela n’est pas un travail d’un jour. Les chefs d’Etat de la CEDEAO ont quand même été très modestes par rapport à leurs sanctions.80% des maliens veulent qu’on donne un peu de temps aux autorités pour qu’on aille aux élections. Je ne pense pas que la CEDEAO nous comprenne. Tout le monde sait qu’on ne peut pas tenir les élections dans cette condition. La situation est plus chaotique aujourd’hui qu’avant.
Abdoulaye Fofana dit 120, président de l’association Action pour Intérêt du Peuple : « Nous prenons acte des résolutions issues du sommet des sous-préfets de la France »
« Nous avons pris acte des résolutions du sommet extraordinaires des sous-préfets de la France. Qu’ils sachent que l’heure n’est plus à la récréation, ni à la comédie au Mali. Nous sommes un Etat souverain et décidons de ce qui est bon pour nous, sans pression, ni intimidation. Nous considérons ce sommet comme du folklore et d’une rencontre théâtrale. Sanctionner le Mali, c’est sanctionner toute l’Afrique de l’Ouest, compte tenu de notre position stratégique. Le peuple malien a prouvé son soutien aux autorités à travers une démonstration de forces, lors du meeting du 29 octobre 2021, au boulevard de l’indépendance de Bamako. Nous invitons les autorités à ne pas décevoir les Maliens.»
Adama Ben Diarra, membre du CNT : « La CEDEAO a compris le message du peuple »
« Nous estimons que la CEDEAO a vraiment compris que le message du peuple qui s’est mobilisé derrière les autorités. Le peuple veut faire face aux exigences en ayant la sécurité, la justice et les réformes, pour qu’il y ait un Mali nouveau. En épargnant le peuple souffrant déjà des problèmes de ses sanctions collectives, la CEDEAO a compris le message des Maliens. Les élections sont l’essence même de la démocratie. Mais à des moments précis, il faut savoir faire face à des exigences. Nous pensons que limiter l’objectif de la transition à l’organisation des élections, c’est ignorer les revendications et les aspirations réelles du peuple. Nous voulons aller à ce changement de système pour que puisse naitre le Mali nouveau, et pour qu’il y ait des élections propres, acceptables et crédibles ».
Mamadou Diarra