Roger Federer, même pour le profane en tennis, c’était avant tout l’élégance. Sur le court, d’abord. Le Suisse flottait. Dansait. Virevoltait. Il dégageait une telle impression de facilité et de fluidité que le regarder, c’était presque admirer un ballet – y compris à l’aube de la quarantaine. « Même quand il fait un coup droit en bout de course, on a l’impression qu’il a le temps de bien remettre sa mèche pour les photographes au bord du court », plaisantait à moitié le Français Gilles Simon, ancien numéro 6 mondial. Avant lui, à en croire les observateurs comme les anciennes gloires du tennis, aucun joueur n’avait aussi bien incarné le jeu.
Là où cette grâce s’exprimait le mieux, c’était sur le gazon de Wimbledon, le « temple du tennis », devenu au fil du temps son jardin : il y détient le record de finales jouées (douze) et de victoires (huit, dont cinq d’affilée, de 2003 à 2007). Aucun autre de ses contemporains ne s’inscrivait aussi bien dans cette épreuve ancrée dans la tradition, lui qui était l’un des plus attachés à l’histoire de son sport. Il ne manquait d’ailleurs jamais de rendre hommage à ses illustres aînés, au premier rang desquels Rod Laver. C’est en l’honneur du joueur australien qu’il a créé, en 2017, la Laver Cup, compétition-exhibition opposant une équipe européenne à une autre composée de joueurs du « reste du monde ». C’est aussi à l’issue de la Laver Cup (du 23 au 25 septembre) que le Suisse a annoncé, jeudi 15 septembre, se retirer des courts à 41 ans, au terme d’une carrière qui aura duré près d’un quart de siècle. « On m’a doté d’un don pour jouer au tennis et je l’ai élevé à un niveau que je n’aurais jamais pu imaginer et pendant bien plus longtemps que je ne le pensais possible », s’épanche le futur retraité dans un message vidéo et un long texte sur ses réseaux sociaux.
Les membres du vénérable All England Club n’ont pas oublié cette image du tenant du titre en 2008 débarquant sur le court central vêtu d’un cardigan écru et la signature « RF » en guise d’écusson, quelques heures avant de céder les clés de son royaume à son rival espagnol Rafael Nadal. Une finale sublimée par sa dramaturgie (6-4, 6-4, 6-7, 6-7, 9-7) et terminée à la bougie, considérée par beaucoup comme « le plus grand match de l’histoire du tennis ». On était loin du style négligé que l’adolescent attardé de 21 ans, barbe de trois jours et catogan, arborait lors de son premier sacre en Grand Chelem en 2003, dans ce même décor.
Pourtant, c’était loin d’être gagné. Ses entraîneurs, ses camarades d’alors et ses parents n’ont eu de cesse de le répéter : le jeune « Rodgeur » était un gamin colérique, qui gaspillait son énergie à passer ses nerfs sur ses raquettes. L’échec lui était insupportable. « Il m’a fallu beaucoup de temps pour devenir vraiment sérieux, et c’est peut-être mon petit regret, de ne pas avoir compris ni réagi plus tôt, confiait en 2019 l’intéressé, passé professionnel en 1998. Cela m’a pris plus de temps que d’autres joueurs pour percer, mais, une fois que j’ai percé, tout était en place. »
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Source: Le Monde