Alors que la Feuille de route de la Transition prévoit de «diligenter la relecture, l’appropriation et la mise en œuvre de l’accord », la métastase ou du moins la contestation rendent difficile de garder le cap et le tempo. Si le Mali ne passe pas une nouvelle fois sous fourches caudines, en raison de la résistance obtuse de certains mouvements signataires.
La trouvaille du Premier ministre d’une ‘’révision intelligente’’ de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali (APR) ne convainc visiblement pas encore les grincheux de certains mouvements signataires, dont la fronde se fossilise.
Ainsi, pour Moussa Ag Acharatoumane du Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), une relecture de l’Accord reviendrait à ouvrir la boîte de pandore.
« Il faudra expliquer en quoi consiste l’Accord à un maximum de Maliens », poursuit le leader du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA). Car la majorité d’entre eux pensent qu’il prône la séparation ou la division du Mali, ce qui n’est pas le cas. Soyons pragmatiques, et voyons voir quelles dispositions on peut appliquer ».
En déclarant, il y a deux jours, sur les antennes d’une station internationale que la révision n’est pas d’actualité, mais plutôt qu’il faut appliquer l’Accord, il est aisé de déceler un durcissement dans la position de ce responsable.
Bien avant lui, les caciques de la Coordination des mouvements armés (CMA) étaient montés au front pour mettre en garde contre toute tentative de modification de l’Accord. Certains hiérarques de ce mouvement montent la surenchère : si le Mali veut réviser l’Accord, alors qu’il se prépare à la guerre.
Pour les grognons de la République, c’est le principe même de la révision de l’Accord qui est en cause. ‘’Touche pas à mon accord’’. Normal, lorsqu’on sait que les privilèges sont pour eux et les engagements pour l’Etat. ‘’L’Etat s’engage à…’’ C’est la ritournelle du document qui le rend récusable et hérisse l’opinion malienne dans sa frange importante.
Pourtant, la révision prônée ne vise qu’à corriger les défauts ou points litigieux de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali qui fait l’unanimité sur un seul point : le retard dans son application, plus de 5 ans après sa signature. Certains mouvements signataires estiment qu’il n’est pas appliqué à plus de 20%.
Pourtant, l’Accord porte en lui une disposition prévoyant sa révision, dans des conditions bien définies. Donc, il ne devrait pas y avoir à reprendre les armes, à se crêper les chignons, si ce n’est pour préserver des privilèges perçus ou réels.
« Les dispositions du présent Accord et de ses annexes ne peuvent être modifiées qu’avec le consentement express de toutes les Parties signataires du présent Accord et après avis du Comité de suivi ». Article 65 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.
En clair, aucun passage en force n’est possible pour la révision de ce document qui est loin de faire l’unanimité au sein de l’opinion nationale, même si dans la douce euphorie de sa signature, beaucoup d’observateurs internationaux ont salué le meilleur compromis possible. Rapidement, il est apparu comme une compromission pour une partie, en l’occurrence l’Etat qui est buté à des blocages objectifs l’empêchant de tenir ses engagements.
Aux considérations ci-dessus évoquées, il faut ajouter une recommandation du Dialogue National Inclusif (DNI) de décembre 2019.
« Procéder à une relecture de certaines dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation, selon les mécanismes prévus par l’article 65 de l’Accord ».
En persistant dans la sédition, en vitupérant contre la révision de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, certains mouvements signataires oblitèrent l’application d’une recommandation venant de l’ensemble des forces vives de la Nation. Se prennent-ils pour des super Maliens ?
Ainsi, face à la résistance obtuse d’une partie des signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, de quel gris-gris pourrait disposer le nouveau Premier ministre Choguel Kokalla MAIGA, lui qui a dû commencer par la case réconciliation sa mission à la Primature ? Le label ‘’application intelligente’’ de l’Accord a-t-il un sens, lorsqu’il est porté un coup de canif ravageur au principe même de l’Accord par des mouvements signataires? Voilà le casse-tête de la Transition qui court au casse-cou en ayant suspendu sur la tête l’épée de Damoclès d’une remise en cause des acquis. Parce que si l’Accord est faiblement appliqué, il n’en demeure pas moins qu’il a permis d’engranger des résultats précieux à préserver.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : Info-Matin