Le baccalauréat malien session de juin 2023 a donné des enseignements que les responsables de l’école devraient capitaliser pour un redécollage de notre système éducatif. Avec cette période de Transition, l’insécurité, des écoles fermées et toute l’effervescence politique, les filles semblent en recul au niveau du nombre d’admission. Y a-t-il un lien de cause à effet ?
25,73 % des 170.695 candidats réguliers inscrits ont été déclarés admis au bac de cette année, soit 40.027. En plus, si on ajoute aux réguliers les auditeurs libres, on peut dire que plus de 212 000 candidats étaient inscrits pour le bac 2023. On peut trouver minime les 25 % d’admis, mais ils n’étaient que 20 % lors de la session de juin 2022.
En parcourant la liste des dix premiers admis dans les filières lettres et sciences humaines, il y a des constats qui s’imposent. Le premier national au bac, filières lettres et sciences humaines est en fait une première. Sur les dix premiers dans cette filière, deux sont des filles. Tous les dix sont des candidats réguliers.
Parmi ces excellents, ayant tous obtenu la mention très bien au bac, le plus jeune a 15 ans (2008) et le plus “vieux” a 25 ans (1998). Ils sont majoritairement de Bamako, car à part un de San, un de Kayes et un de Sikasso, tous les autres sont de Bamako.
Sur 162.170 candidates présentes, 50.181 filles sont admises soit 30,54 % contre 31,04 % en 2022 et 28,78 % en 2021. Concernant les garçons, sur 178.043 présents, 58.985 sont admis soit 33,13 % contre 30,56 % en 2022 et 29,60 % en 2021.
“On a remarqué aussi que les filles sont actuellement plus nombreuses que les garçons dans les établissements scolaires. Donc, il faut relativiser leur taux d’échec. Sinon, en général, elles paraissent plus studieuses. Quand on voit le pourcentage dans les classes, surtout chez nous, au lycée Prosper Kamara, il y a plus de filles que des garçons, donc les filles sont plus nombreuses que les garçons dans la classe”, explique Yaya Bagayogo du Syndicat des travailleurs de l’enseignement catholique et professeur d’allemand au lycée Prosper Kamara.
“Je ne pense pas, ajoute-t-il, que la situation actuelle du pays soit en cause. Je remarque d’ailleurs que les parents accordent plus d’importance à l’éducation des filles que des garçons, car si l’éducation d’une fille est ratée, les conséquences seront vraiment désastreuses”.
Par contre, le lycée Notre Dame du Niger fait figure d’exception. Selon sa proviseure, la Sœur Denise Kodio : “Chez nous au lycée Notre Dame du Niger, le nombre d’admissions au bac est plutôt en progression. Nous avons enregistré 50 % d’admission, contre 45 % une année plut tôt. En plus, la première nationale de la série TESCO est de notre établissement”.
Cependant, Tidiani Kané, promoteur et coordonnateur général du Complexe scolaire Emergence, a constaté le recul des filles. “Pour moi, les causes sont nombreuses et multiformes. Et ce n’est pas lié seulement à la situation du pays mais aussi au contexte global dans la mesure où le téléphone impacte beaucoup les enfants, en particulier les filles. Donc, nous avons fait le constat amer, pendant que le professeur est en classe, il y a d’autres filles qui sont là sur les réseaux sociaux comme Tik Tok, WhatsApp, Facebook où ils échangent. Des fois, les filles, en classe, reçoivent un message de quelqu’un de l’extérieur. Elles abandonnent le cours”.
- Kané admet “qu’en dehors du téléphone, la situation socio-politique aussi du pays impacte beaucoup. Un pays où il y a la guerre, un pays où il n’y a pas de stabilité, un pays où les parents cherchent à manger, les conséquences sont énormes sur la vie des enfants. Cela les déséquilibre et entraîne automatiquement une chute drastique des résultats scolaires, que ça soit du côté des filles ou des garçons. Dans les régions, les zones en guerre, par exemple, lorsque vous partez dans le centre du Mali ou bien au nord du Mali combien de parents ont-ils abandonné leur domicile ou bien combien d’hommes ont abandonné leur foyer pour fuir les mouvements djihadistes en laissant derrière eux leur famille et les enfants” ?
Pour Souleymane Bourama Konaté, secrétaire général du Syndicat de l’enseignement de base, “on constate que les résultats des filles chutent plus qu’avant parce que quand on prend les taux locaux et les taux nationaux, on trouve que vraiment il y a un net recul”.
Pour Moussa Diarra, parent d’élèves, “non seulement les filles sont plus nombreuses dans les classes mais en termes d’admission au bac ou au DEF, elles sont parmi les meilleures”.
Pour Mariam Famanta, autre parent d’élèves, “le constat est général, le taux d’admission au baccalauréat semble en recul. Et je crois que ce fait est en partie dû à la transition parce depuis que les autorités au pouvoir se sont installées, les choses paraissent très difficiles du côté de l’éducation”.
Aminata Agaly Yattara
Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les droits humains (JDH) et NED
Mali Tribune