C’est du moins, la question que beaucoup de Maliens se pose. Surtout, au moment où des opposants regroupés au sein du mouvement du 5 juin, Rassemblement des Forces Patriotiques (M5 RFP) réclament la démission immédiate du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita. Aussi, quand on sait que les porteurs de ce projet difficile sont aussi comptables, d’une façon ou d’une autre, de la situation qui prévaut actuellement dans le pays.
Si certains Maliens se retrouvent dans les doléances du M5-RFP dont la principale demeure la démission du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, d’autres au contraire, restent réticents.
Le président de la République, garant de la constitution et de la souveraineté de l’état a certes failli au regard des résultats peu élogieux qui se présentent aux Maliens. Mais il est exagéré de l’attribuer tous les problèmes que connait le Mali aujourd’hui. Dans la mesure où, les problèmes qui gangrènent le Mali ne datent pas aujourd’hui. Nul n’est sans savoir quick a hérité d’une situation difficile.
Aujourd’hui, tous les Maliens ou presque sont unanimes que le Mali dans une posture difficile. Aussi, la plupart des doléances du M5-RFP qui concernent la crise scolaire, la crise sécuritaire, la mauvaise gouvernance, la corruption, le truquage des élections législatives sont pertinentes. Mais le seul problème est qualité et la moralité des leaders qui conduisent le M5-RFP. Nombre d’entre eux ont été déjà vus à l’œuvre depuis 1991 et sous le régime d’IBK. D’où, la méfiance des analystes de la scène politique à leur ’égard. Ceux-là qui dénoncent la mauvaise gouvernance d’BK et exigent sa démission, ont contribué, hier comme aujourd’hui, à la destruction du Mali. Autrement dit, les résultats de la gouvernance d’IBK sont aussi les résultats de ces leaders du M5-RFP. Comme IBK, ils ont tous occupé des hautes fonctions et de responsabilités de l’avènement de la démocratie au Mali à ce jour. Sans aucun résultat. Le hic est que quand certains d’entre eux étaient très allergiques aux critiques, il y a quelques mois, quand ils étaient le gouvernement d’IBK. On se rappelle encore des propos de Me Mohamed Aly Bathily qui défendait IBK en ces termes : «IBK a hérité d’un Mali qui se trouvait au fond du puits… Il est difficile de cacher les rayons du soleil avec les mains ». Des propos qui frisent l’hypocrisie. D’autres, griots pardon porte- parole du gouvernement ont également brillamment défendu le bilan d’IBK. Il s’agit Me Moutaga Tall et Choguel Kokala Maiga. L’imam Mahaoud Dicko qui tire aujourd’hui les ficelles du M5- RFP entend que autorité morale, n’a-t-il pas, durant son règne au Haut Conseil Islamique, passivement assisté à la destruction du Mal ? Aucun acte n’a été posé au Mali à l’insu du Haut conseil islamique depuis sa création.
La vérité est que quand certains goûtent aux délices du pouvoir, tout devient normal, mais quand ils sont écartés, tout redevient anormal à leurs yeux. Toutes chosent qui laissent à croire que certains leaders du M5 RFP ne font pas le combat du Mali, mais celui de leurs intestins. En tout cas, des anciens ministres du régime IBK sont devenus méconnaissables aujourd’hui en se faisant passer pour des donneurs de leçons en démocratie.
Aujourd’hui, le projet ou encore les doléances du M5-RFP, en dehors de celle relative à la démission du président de la République, sont perçues comme pertinentes. Mais le changement tant prôné à travers ce projet restera un simple rêve tant que ce Mouvement sera dirigé par des politiques hybrides et malhonnêtes. Des hommes politiques qui ont toujours su profiter de la naïveté et de l’ignorance de la population désespérée pour assouvir leurs ambitions politiques ou régler des comptes. Plus grave, pour l’atteinte de leurs objectifs, ils n’hésitent pas à conduire des enfants d’autrui à l’abattoir. Pendant que leurs enfants poursuivent tranquillement leurs études dans les écoles prestigieuses de l’occident. Ce qui s’est passé lors des manifestations du 10 et 11 juillet dernier illustre parfaitement cette situation. Au nom de leurs intestins, des politiciens insatiables ont décrété une désobéissance, laquelle s’est soldée par une hécatombe. Une quinzaine de manifestants sont tombés sous les balles des forces de l’ordre et une centaine de blessés ont été enregistrés. Il n’est pas exagéré de dire que ceux qui sont morts ces jours- là, sont morts pour rien. Surtout, quand on sait que, tôt ou tard, la résolution de la crise actuelle se fera autour de la table de négociation où, quelques éléments du M5-RFP négocieront des postes et se tairont à jamais sur le reste.
Autre chose qui jette le doute sur la sincérité des acteurs du M5- RFP : leur incapacité à montrer un plan de sortie de la crise aux maliens et l’absence d’un programme de gestion du pays après un éventuel départ d’BK du pouvoir. Tout ce qui leur intéresse c’est de prendre le pouvoir par tous les moyens. Le plus inquiétant dans ce mouvement, c’est la divergence et la discordance de vues entre ses principaux acteurs. La preuve, au sein du même mouvement, les uns font recours à la violence pour exiger la démission d’IBK et d’’autres, avec en tête l’iman Dicko, s’y opposent. Du coup, d’aucuns soupçonnent l’autorité morale du mouvement, Mahmoud Dicko d’avoir un agenda caché autre l’intérêt général du M5 RFP et du pays. Cela prouve à suffisance que les acteurs du M5- RFP ne se font pas confiance. Doit-on, dans une telle cacophonie, faire confiance à des leaders qui se contredisent et qui ne se font pas confiance.
Par ailleurs, d’autres analystes politiques vont plus loin en mettant le président IBK et les dirigeants du M5- RFP dans le même panier. Pour eux, il n’y a aucune différence entre le président IBK et ceux qui crient aujourd’hui à la malgouvernance, car ce sont les mêmes personnalités qui défilent au pouvoir depuis 30 ans. Ce serait donc une erreur de casting de compter sur ces leaders du M5-RFP pour sortir le Mali de l’ornière.
Aboubacar Berthé
Le Serment du Mali