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Rendez-vous malien, entre l’AGORA et le TOGUNA

Les Assises nationales de la Refondation ont démarré samedi sur toute l’étendue du territoire national, notamment au niveau communal à la base. Les autorités actuelles de la Transition ont fait de leur tenue la voie indispensable pour jeter les bases d’un Mali nouveau, un Mali kura, qui doit faire le tri des multiples défis qui se dressent sur le chemin de la construction d’un état démocratique et viable.

 

Ces assises, dans leur esprit et dans leur lettre, ont été un point d’achoppement dans le déroulement de la Transition entre les autorités et une partie de la classe politique qui demande plus d’inclusivité. Cette partie a visiblement été entendue et le chef de l’état s’est lui-même jeté dans l’arène pour épauler le gouvernement dans les discussions étroites avec les parties et partis afin de trouver les points de convergence pour embarquer tout le monde dans le train des ANR. Au moment où ces dernières démarrent, certains passagers sont restés à quai, non pas par faute de billet ou de place mais par rejet de la qualité du train ou de certains de ses wagons.

Ce qui est sûr le train est parti. Et dans l’histoire récente du Mali, la plupart des fora de dimension nationale de la sorte n’ont pas eu l’inclusivité totale. Lors de la Conférence nationale du 29 juillet 1991, l’ensemble des forces vives du pays s’étaient réunies. Il y avait à se demander où se trouvaient les militants du parti unique qui avait géré le pays pendant les 23 années précédentes (avec l’épisode du CMLN).

La réponse est simple : le parti ayant été dissout, les militants et responsables restés libres de poursuites judicaires se sont dilués dans les nouveaux ensembles politiques et sociaux créés à la faveur du vent démocratique, s’ils n’ont pas rasé les murs tout simplement. Il en a été de même pour les foras similaires que sont la Conférence d’entente nationale ou le Dialogue national inclusif. Ce dernier tenait tant par ses organisateurs à être inclusif que le mot était dans sa dénomination. Au final, il a souffert du manque d’inclusivité car certaines franges de la classe politique n’y ont pas pris part.

Du coup la question préjudicielle à ces présentes Assises semble être : quand et comment aurons-nous l’inclusivité ? Dans un pays miné par une insécurité lancinante qui alimente le débat public au quotidien, dans un pays où la gouvernance politique et administrative est fragile, l’inclusivité n’est possible que lorsque chacun y met du sien pour mettre le pays au-dessus de tout. Convergence difficile lorsque les divergences idéologiques et politiques l’emportent sur l’essentiel.

En 2021, dans un contexte d’enlisement socio-politique qui fragilise le pays chaque seconde, nous en sommes à solder encore les comptes entre membres du Mouvement démocratique et membres de l’ancien régime tombé par ledit mouvement. Osons dire tout suite : cette inclusivité est impossible entre des gens qui ne s’apprécient guère. Pour autant faut-il maintenir le train en gare lorsqu’il y a des passagers qui veulent partir et que le train a changé son heure initiale de départ ?

C’est en cela que le président de la Transition, chef de l’état doit rester un constant régulateur de ces divergences qui minent la marche de l’état et dont on peut faire l’économie, car les aspirations essentielles des Maliens sont connues : plus de sécurité, plus de justice, plus de pouvoir d’achat.

Il en a d’ailleurs été inspiré dans son discours en parlant de ces ANR comme « une aubaine pour instaurer entre touts les filles et tous les fils de ce pays un dialogue franc, direct et fécond, afin d’atténuer les querelles infécondes qui tendent à miner le processus de transition en cours et nuire à l’espoir de renaissance du peuple malien, pourtant épris de paix et de justice, mais particulièrement attaché à ses valeurs».

Si le Chef de de l’Etat a arbitré les consultations auprès de la classe politique et de la société civile dans la recherche d’une plus grande inclusivité, il n’en demeure pas moins que cet arbitrage doit demeurer en tout et pour longtemps. Il est d’une génération qui peut faire l’économie de cette guéguerre politique et qui a l’opportunité historique de fixer un nouveau cap à notre pays pour dessiner le destin qui convienne à la majorité des citoyens. Un destin dont les ANR doivent fabriquer la maquette.

Les ANR sont un forum populaire qui se situe entre l’Agora grec et le Toguna dogon si l’on se fie à l’esprit tel que décrit dans la méthodologie dont un passage dit : « Les ANR seront conduites suivant une démarche participative et inclusive aussi bien sur le plan local, régional que national. Elles devront mobiliser les Maliennes et les Maliens autour d’espaces de réflexion et de dialogue inter-maliens en vue de dessiner les contours d’un nouvel avenir commun ».

L’Agora antique d’Athènes était, dans l’organisation de la vie publique, à la fois le lieu de rassemblement des citoyens et l’assemblée qui est au cœur du rassemblement, qui parlait de tout ce qui concernait la cité et qui tenait compte de l’avis de tous. Aux ANR, les Maliens dans leur composante plurielle sont appelés à plancher sur les grandes problématiques qui les concernent dans la vie de tous les jours et pour leur pays.

Les ANR sont également envisagés comme un arbre à palabre géant, un vestibule ou « bulon », ou le Toguna mystique chez les Dogons, ces espaces de dialogue qui en appellent à l’esprit de sagesse partagé. Pour que les ANR touchent de près leur esprit, les passions des uns et des autres devraient certes avoir leur place dans un élan cathartique mais chacun devrait garder à l’esprit de respecter l’avis de l’autre et de veiller à apporter une idée lumineuse qui serve à tous.

Dans l’esprit du Toguna, tout le monde s’assoit, parle en maîtrisant sa passion, car le toit du Toguna très bas peut heurter la tête si vite au moment de vouloir se déchaîner et céder à ses passions. Que chacun se dise que la nation malienne au nom de laquelle il parle et agit est ce toit qu’il ne faudrait pas heurter au point de se faire mal soi-même.

La tenue et la réussite des Assises nationales de la Refondation sont un défi pour les autorités aussi bien dans le contexte national que sous-régional sinon international. Dans ces deux contextes, il faut travailler à en faire un forum populaire et démocratique dont les conclusions ne devront souffrir d’aucune méfiance ou défiance au point de croire qu’elles sont tronquées ou truquées. Il y va de la force de la légitimité populaire dont jouissent les autorités de la Transition actuelle et qui leur donne la vigueur de résister aux différentes forces adverses, affichées ou occultes.

Alassane SOULEYMANE,
journaliste

Source : L’ESSOR

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