Le président de la Commission de rédaction de la nouvelle Constitution (CRNC), Fousseyni SAMAKÉ, a remis au Président de la Transition, Assimi GOITA, ce mardi 11 octobre, l’avant-projet de texte de la Loi fondamentale, dans un contexte de divergence entre les partis politiques sur le processus.
L’équipe de la Commission de rédaction de la nouvelle Constitution (CRNC) a remis son rapport sur l’avant-projet de loi au Président Assimi GOITA, après 4 mois de travail marqué par les écoutes citoyennes, des experts, des chercheurs, des partis politiques, entre autres.
Ce chantier est l’un des axes majeurs des réformes annoncées dans le Programme d’actions du gouvernement adopté sans surprise par le Conseil national de Transition (CNT), lundi 2 août, avec 102 voix pour, deux voix contre et neuf abstentions.
Il est attendu de ce processus de corriger les lacunes de la Constitution en vigueur depuis février 1992, après des tentatives infructueuses des régimes successifs. Aussi, l’élaboration d’une nouvelle Constitution prend en compte les résolutions des Assises nationales de la refondation tenues décembre 2021.
« L’élaboration d’une nouvelle Constitution répond aux aspirations profondes du peuple malien, exprimées lors des Assises nationales de la refondation », a expliqué le président de la CRNC.
Pour lui, cette nouvelle Constitution, qui est un marqueur important du processus de refondation de l’État malien, résume les préoccupations et les observations des personnes écoutées lors des différentes séances d’échanges avec les forces vives de la nation.
Le Président de la Transition a dit suivre « avec beaucoup d’intérêt [les différentes] activités et particulièrement la méthode de travail […] adoptée ».
Selon le Chef de l’État, notre « espoir commun d’une démocratie rénovée, ainsi que d’un État mieux organisé et à la hauteur des défis nationaux et internationaux » reposent sur cet avant-projet de Constitution.
Le Président GOITA a félicité et remercié les membres de la Commission pour le travail remarquable accompli en un temps record. Il a également adressé ses remerciements à l’ensemble des Maliennes et des Maliens qui ont compris les enjeux auxquels nous faisons face aujourd’hui et ont participé massivement et activement au processus en apportant leurs contributions.
Cependant, ce document qui doit être validé en Conseil des ministres avant d’être envoyé au Conseil national de Transition pour examen et vote ne fait pas l’unanimité, notamment au sein de la classe politique.
De nombreuses formations politiques estiment que cette mission n’incombe pas à une Transition ou que le contexte sécuritaire ne s’y prête pas.
Des voix discordantes
Lors de la séance d’échanges entre la commission et les partis politiques, tenue le mardi 26 juillet, le parti la Convergence pour le développement du Mali (CODEM), à travers son représentant Abba Alassane, a soutenu l’inopportunité d’aller à la rédaction d’une nouvelle Constitution. Donc, avait-il déclaré que son parti ne s’associerait pas à l’initiative.
« Nous pensons que le problème au Mali ce sont les hommes, la justice. Le Mali n’a pas de problème de texte, mais d’hommes. Le Mali a les meilleurs textes. On ne fournira pas de document pour l’élaboration d’une constitution », avait affirmé Abba Alassane.
Selon lui, avant d’enclencher le processus, l’idéal aurait été de demander si le peuple est favorable à l’élaboration d’une nouvelle Loi fondamentale ou une révision de celle en vigueur.
Joint par nos soins, hier mardi, le président du parti, Housseini Amion GUINDO, soutient que la CODEM conserve sa position initiale parce que le parti ne souhaite pas participer à une aventure non consensuelle.
Également, la CODEM soupçonne les autorités de la transition de non-transparence sur le respect du délai du chronogramme des élections en démarrant le processus par le référendum constitutionnel. Parce que, l’adoption de cette nouvelle Loi fondamentale pourrait avoir des impacts sur les autres élections (législatives, présidentielle).
« La nature et le délai des élections peuvent changer dans la nouvelle Constitution. On peut dire que ce n’est pas au suffrage universel direct que le président est élu. Dès lors que tu fixes un chronogramme et qui commence par l’écriture d’une nouvelle Constitution est synonyme de la non-sincérité sur le reste. Il n’y a aucune garantie que le communal soit organisé de la même manière que les législatives », a déclaré le président GUINDO.
Selon lui, le processus cache des intentions non avouées. Sinon à sa place, a-t-il suggéré, pour éviter toute équivoque le référendum devait venir à la fin du chronogramme.
Idem pour le parti RPM qui rejette ce processus de rédaction de la nouvelle Constitution. Selon l’ancien ministre Baber GANO, la démarche dans le fond et dans la forme viole la constitution en vigueur. Et politiquement, le processus n’a pas été inclusif, a ajouté M. GANO, l’un des responsables du RPM, un parti en crise de leadership.
« Le problème de la légalité des dirigeants de la Transition à rédiger une nouvelle Constitution se pose. Aujourd’hui, ils ne peuvent pas conduire les initiatives d’une nouvelle constitution. Ensuite, pour permettre aux acteurs de se prononcer sur le sujet, la commission devrait les adresser un draft de propositions pour nous exposer les points sur lesquels la rédaction va porter. Ce qui n’a pas été fait », a-t-il dénoncé.
Selon Me GANO, si on devait toucher à la Constitution pour corriger ses lacunes, « ça serait à minima » pour créer notamment le Senat, intégrer la Cour des comptes.
« Du moment où on ne va pas changer la réforme républicaine de la nation, sa laïcité, le mandat du Président de la République, la révision peut prendre en compte tous les autres aspects », a expliqué l’ancien ministre Baber GANO.
Le parti Adema PASJ, selon des responsables contactés par nos soins, n’affiche pas une position uniforme sur la situation. Mais une grande partie des responsables du parti est favorable à une révision à minima, précisent nos sources.
Les partisans de la
nouvelle Constitution
En revanche, le parti Union pour la sauvegarde de la République du Mali (USR) de Nouhoum TOGO soutient l’initiative de la rédaction en estimant qu’il faut aller à une nouvelle Constitution. Car, pour lui, c’est une des étapes majeures de la refondation du pays tant clamée lors des Assises nationales de la refondation.
Sur la réticence de certains partis politiques, il déclare : « on ne peut pas aller avec tout le monde. Il faut aller avec la majorité et personne ne nous prendra en otage ».
Aussi, Abdoulaye Amadou SY, ancien diplomate et membre de la Coalition des forces patriotiques (CoFoP), soutient que la Constitution en vigueur ne convenait pas au pays. Il estime que l’initiative en cours est nécessaire pour sortir définitivement de l’actuelle Constitution qui n’est en fait, selon lui, que la copie de la Constitution de la 5e République française.
C’est le moment, a-t-il indiqué, de mettre en œuvre les dispositions du KuruKan Fuga et procéder à une réelle refondation du Mali, « Le Mali Kura ».
Dans cette nouvelle constitution, la CoFoP propose que le chef de l’État du Mali soit élu suite à un scrutin organisé par l’Organe unique de gestion des élections. De même, pour ce regroupement la nouvelle Constitution doit intégrer que le Président de la République soit élu sur une liste électorale comprenant l’élection d’un Président et d’un vice-président. Le vice-président sera le chef de l’administration en lieu et place d’un Premier ministre.
PAR SIKOU BAH
Source : Info-Matin