La Haute Cour de justice du Mali, habilitée à juger les dirigeants et ex-dirigeants du pays, a rejeté la plainte pour “haute trahison” déposée contre le président Ibrahim Boubacar Keïta par un collectif d’associations, selon un de ses responsables lundi.
“Ce document a été rejeté par la Haute Cour”, a déclaré à l’AFP un responsable de cette institution dont les membres sont choisis parmi les députés à chaque renouvellement de l’Assemblée nationale.
La même décision est publiée dans un document interne de la Haute Cour consulté par un journaliste de l’AFP.
Le collectif baptisé Bloc d’intervention patriotique pour la réunification entière du Mali (Biprem) avait annoncé avoir déposé le 2 mars une plainte contre le président Keïta “pour haute trahison et gestion calamiteuse” du pays auprès de la Haute Cour.
Le Biprem reprochait à M. Keïta d’avoir échoué dans le serment prêté lors de son investiture en septembre 2013 de “garantir l’intégrité territoriale” du Mali, ajoutant que la ville de Kidal (extrême nord-est) échappait toujours au contrôle de l’Etat et que le pays demeurait en proie à l’insécurité.
La Haute Cour “ne considère pas ça comme une plainte, c’est un tract dans sa présentation (et) ces associations ne sont pas habilitées à déposer une telle plainte. Et surtout, ce n’est pas du tout la procédure à suivre”, a expliqué le responsable, qui a souhaité conserver l’anonymat.
La Haute Cour, dont les membres actuels ont été nommés en 2014, est habilitée à juger les ministres, présidents, ex-ministres ou anciens présidents de la République mis en accusation devant elle pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions.
D’après les dispositions en vigueur, “la mise en accusation est votée par scrutin public à la majorité des deux tiers des députés composant l’Assemblée nationale”.
Selon la loi, “lorsque le président de la République est susceptible d’être inculpé à raison des faits qualifiés de haute trahison, l’Assemblée nationale en est saisie par son président”.
L’annonce par le Biprem du dépôt de la plainte a suscité depuis la semaine dernière une polémique au Mali, marquée par le démenti d’intellectuels ainsi que d’un homme politique cités comme étant des membres du collectif ou signataires de la plainte.
Parmi eux, figurait l’écrivain Seydou Badian Kouyaté, auteur notamment de “Sous l’orage” et de “La saison des pièges”, qui fut également ministre durant le régime du premier président malien Modibo Keïta (1960-1968).
“Je déments catégoriquement. Je ne suis pas membre du Biprem, et je ne suis pas signataire du document. Je ne vois pas pourquoi mon nom est cité” a déclaré M. Kouyaté à l’AFP lundi.
Le Biprem est présidé par Lassine Diawara, journaliste, qui avait déclaré soutenir le capitaine Amadou Aya Sanogo, meneur du coup d’Etat ayant renversé en mars 2012 le président Amadou Toumani Touré.
M. Diawara a ensuite soutenu la candidature d’Ibrahim Boubacar Keïta pour l’élection présidentielle de 2013, avant de rejoindre l’opposition.
M. Keïta a été élu en 2013 alors que le Mali tentait de se relever de près de deux ans d’une crise politico-militaire marquée par une rébellion indépendantiste à dominante touareg et la prise de contrôle, en mars-avril 2012, de la moitié nord du pays par des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda.
Les jihadistes ont été en grande partie chassés du Nord à la suite du lancement en janvier 2013 d’une intervention militaire internationale, toujours en cours.
Un accord de paix censé isoler définitivement ces islamistes extrémistes a été signé en mai-juin 2015, notamment par Bamako et la rébellion. Cependant, des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères.