«Historiquement, les guerres ont été pour l’Amérique la cause directe et immédiate de cycles d’expansion… Toute opération politique a des sources et des effets économiques, même si ceux-ci se trouvent hors du champ de vision des politiciens. Réciproquement, toute hypothèse économique suscite des opérations politiques correspondantes, même si l’économie ne s’en soucie pas», écrit l’américain Eliot Janeway dans l’introduction de son livre, «L’Economie des crises». Et d’ajouter, dans «le contexte américain, les guerres étaient les seules crises qui obligeaient les autorités politiques à assumer la responsabilité pour la marche de l’économie. Ces crises surmontées, l’impact des guerres suffisait au progrès de l’économie. En temps de paix, l’économie n’a été une charge pour le gouvernement qu’à l’époque de la grande dépression».
Et, assure-t-il, «cette tendance ne s’est pas démentie. De la déclaration d’indépendance au 25 juin 1950, l’Amérique s’est trouvée mêlée à huit guerres. A chaque fois, celles-ci étaient en relation avec des problèmes qui ne pouvaient être résolus par les méthodes politiques ou économiques habituelles. A chaque fois le gouvernement s’est trouvé obligé d’appliquer des techniques nouvelles et de résoudre des problèmes qui, dans le passé, ne semblaient du ressort de l’autorité politique. Ces techniques nouvelles ont permis la victoire, en même temps que la résolution des problèmes».
Face à la guerre qui nous est imposée depuis dix ans, il nous revient de sortir des paradigmes idéologiques, politiques et économiques de l’impérialisme en faisant preuve d’imagination, de créativité pour sortir des ténèbres de la domination néocoloniale. Le malheur de notre peuple est que ses politiciens et cadres n’arrivent pas à se soustraire de la culture d’esclave soumis et dépendant. Pour eux, nous ne pouvons pas vivre sans l’aide extérieure. Ce qui dénote de leur incapacité à sortir de l’ornière. Il est pourtant impérieux de profiter de nos ressources et de contraindre le reste du monde à se conformer aux exigences de notre développement. Le Rwanda, le Botswana, l’Ethiopie, la Chine, l’Algérie (avec son pétrole depuis 1970) sont des exemples éloquents qui doivent nous inspirer en cette période où nous nous retrouvons une fois de plus à la croisée des chemins.
Il nous faut assumer ce choix comme socle de notre Vision du Mali Kura (Mali nouveau) qui nécessite des transformations profondes des structures politiques, économiques et sociales. Et cela, d’une part, à travers le triple réarment culturel, politique et économique. Et, d’autre part, la réalisation des 3 Binômes en tant que colonne vertébrale de toute bonne gouvernance. Ce sont des conditions préalables à la conduite efficiente de la bataille de rupture des liens tributaires internes et externes qui bloquent le relèvement de la patrie.
Dans ce schéma, il est important de savoir et pouvoir réunir les moyens et les conditions d’une paix durable à proposer aux camps adverses, notamment séparatistes (groupes armés) et djihadistes maliens. Il faut naturellement une offre de paix durable préservant, dans les faits, l’intégrité territoriale, la laïcité de l’Etat et la devise du Mali comme cadre du vivre ensemble et du développement. L’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali (APR) de mai et juin 2015 est une insulte à l’intelligence et à la dignité de notre peuple. Là réside la faiblesse de notre vainqueur (la France), à savoir son incapacité à proposer un processus de paix acceptable par le peuple malien.
Aujourd’hui, il faut impérativement une reprise en main de l’économie nationale avec l’implication des forces vives du pays (opérateurs économiques, syndicats, société civile…)… Un État qui fonctionne au gré des intérêts mafieux ou de clans n’en est pas un. Il faut sortir de la situation de l’empire Ottoman qui, après avoir ponctionné à outrance les sujets de l’empire, finit par «cannibaliser» ses propres fonctionnaires. Nous mettons également en garde contre l’intolérance de l’échec. Une société qui n’admet pas l’échec ne peut être créative. Par contre nous devons sanctionner, sans état d’âme, la banqueroute qui découle du non-respect de la morale, de l’éthique et de la déontologie de bonne gouvernance.
Se réveiller alors qu’il est temps est désormais une question de vie ou de mort pour le Mali, mais aussi et surtout pour ceux qui ont le courage de défier l’impérialisme libéral et ses valets locaux, qui mettront tout en œuvre pour sauver leurs têtes et leurs biens. Marcher sur un plan, motivation, conscience et consistance patriotiques sont les conditions de réussite de la sortie du puits et de l’avènement de Mali Kura par le relèvement de notre patrie. Pour cela, nous considérons que depuis le 24 mai 2021 les acteurs du putsch du 18 août 2020 et tous les patriotes ont en main le pouvoir d’agir sur le cours de l’histoire de notre pays. Serons-nous à la hauteur des enjeux et défis d’avènement de Mali Kura ? C’est une question de vie ou de mort pour le Mali et les vrais patriotes.
Comment financer la rupture des liens tributaires avec l’impérialisme et ses valets locaux ?
«Le particulier engendre le particulier», dit-on. Au Mali, de 1960 à 1980, les Maliens pensaient et agissaient en toute souveraineté culturelle. A partir de 1980, avec l’application de la Politique d’ajustement structurel (PAS) néolibéral sous des contraintes multiformes, les Maliens ont cessé de penser par eux-mêmes. C’est pourquoi les perroquets de la politique croient que le Mali ne peut pas survivre aux pressions de l’impérialisme. C’est pourquoi tout est à refaire sur le plan du triple réarmement culturel, politique et économique, comme préalable à l’avènement de Malikura.
Nous sommes dans un monde sous domination des cinq monopoles de l’impérialisme libéral, à savoir le contrôle des technologies de pointe, de l’accès aux ressources naturelles de la planète, du système monétaire et financier intégré à l’échelle mondiale, des systèmes de communication et d’information, des armements de destruction massive. Sur ces cinq monopoles, le Mali ne peut agir que sur une seule, à savoir l’accès aux matières premières. Sur ce plan, notre pays est doté au-delà de toute espérance. Et ce sont ces immenses ressources naturelles qui expliquent le complot international pour dépecer le Mali en plusieurs micros états taillables et corvéables entre les mains des multinationales occidentales.
Economiquement, comme militairement, il n’est pas possible de concevoir une stratégie en faisant abstraction de la géographie, mais aussi de ses forces et faiblesses face à l’adversaire. Le Mali, vaste pays sans accès à la mer d’une part et sans infrastructures porteuses de développement, d’autre part, doit faire face de façon exceptionnelle à la situation particulière que vit le pays. Pour cela nous proposons la voie la plus difficile à savoir l’approche «4 M» (Magnificence, Magnificence, Magnanimité et Mutation). Face à l’ampleur titanesque de la nécessité de gagner la guerre et d’apporter la prospérité au peuple, les acteurs maliens doivent être guidés par «les quatre vertus» qui, rattachées à la force, donnent de la grandeur aux personnes comme aux nations. Il s’agit primo de la magnificence qui fait voir grand malgré les difficultés de l’entreprise ; la magnificence qui fait voir grand malgré le coût des opérations à engager ; la magnanimité qui fait voir grand sans souci d’en tirer égoïstement du profit, enfin et surtout la mutation de Maliba à travers des transformations profondes structurelles, politiques, économiques et sociales qui seront des apports nouveaux de Mali Kura et de l’Afrique à la socialisation et au progrès de l’humanité au 21e siècle. Pour paraphraser Machiavel, je dirai que misérable et vaincu d’avance est le peuple qui nourrit de médiocres projets.
La clé de ce grand basculement réside dans «la capacité à mobiliser les populations autour d’un projet collectif, autour d’une vision, et dans le fait d’être suffisamment crédible et légitime pour que la population accepte des sacrifices afin que demain soit meilleur qu’aujourd’hui». Mais, cela passe nécessairement par des préalables comme la soumission des rapports de gouvernance avec son environnement interne et externe, aux exigences de notre développement. Les dirigeants doivent créer les conditions de l’implication effective du peuple dans la conception et la réalisation des programmes et projets de développement. C’est ce soutien populaire qui rend un régime fort et non la force.
En plus des préalables, il faut également faire des offres de bouquets synergiques de mise en valeur efficiente de nos ressources naturelles. Et les hydrocarbures sont des richesses insoupçonnées en la matière. Ainsi, le dossier introduit en conseil des ministres du 13 octobre 2021 évalue à 900 000 km2 la superficie du territoire censé contenir des hydrocarbures, soit plus de 72 % du territoire national. Pourtant, cette présentation des potentialités ne prend pas en compte le triangle Diéma- Bafoulabé-Yélimané, mis en exergue en 2007. Sans compter que le Mali regorge de métaux lourds (fer, bauxite, manganèse…), des pierres et métaux précieux, des terres arables, un énorme potentiel d’énergies renouvelables et d’autres ressources naturelles.
Tout dépend aujourd’hui de la manière de tirer le maximum de nos ressources en tirant les enseignements de l’exploitation calamiteuse qui en est faite ces dernières décennies. Les offres doivent essentiellement porter (en contrepartie) sur des moyens et conditions de financer la guerre, mais aussi et surtout de soutenir confortablement une croissance économique et le développement humain durable. Il faut alors élaborer des voies et moyens de l’avènement de Mali Kura à travers la transformation industrielle locale des ressources objets des dites offres ; la création d’infrastructures et d’équipements manquants aux pays (désenclavement, énergies renouvelables à hauteur des besoins d’industrialisation et de bien être des populations), la formation des Maliens afin d’acquérir des infrastructures et des équipements clés en tête et non clés en main.
Autrement, si nous voulons réellement qu’une ère de prospérité succède à la crise multidimensionnelle que nous traversons depuis une décennie, nous devons faire preuve de courage (assumer nos options de développement à travers l’exploitation avantageuse pour le pays de nos richesses) et réfléchir à la création du cadre et des conditions d’un développement humain durable (santé, éducation, formation, emploi et revenus, cadre et conditions de vie et de travail…). L’essor socio-économique et politique que chaque Malien est en mesure d’attendre du Mali Kura !
Diatrou Diakité
Consultant indépendant