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Reconfiguration du mandat de la Minusma: différence d’approche entre le Mali et l’ONU

A quelques jours du renouvellement pour un an du mandat de la mission de l’ONU au Mali, la MINUSMA, le Conseil de sécurité a examiné le jeudi dernier son mandat à la lumière des ajustements proposés par le Secrétaire général qui portent notamment sur le renforcement de l’appui apporté par la MINUSMA à la mise en œuvre de l’Accord et du processus de paix.

Ne partageant pas cette approche de reconfiguration des forces de la MINUSMA, le ministre des Affaires étrangères, Tiéman Hubert Coulibaly, qui a fait le déplacement de New York pour l’occasion, a marqué sa préférence pour le maintien et le renforcement du dispositif actuel au vu des défis liés à l’organisation et à la sécurisation des élections présidentielle, législatives et régionales qui doivent se tenir entre juillet 2018 et août 2019.

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a présenté, le jeudi 14 juin, devant le Conseil de sécurité, les recommandations du Secrétaire général concernant le renouvellement du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).

Les raisons d’un choix
Introduisant le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali, Jean-Pierre Lacroix a indiqué que les ajustements proposés portent notamment sur le renforcement de l’appui apporté par la MINUSMA à la mise en œuvre de l’Accord et du processus de paix.
Selon le diplomate onusien, le Secrétaire général a tenu compte des conclusions formulées à l’issue de l’examen stratégique indépendant mené par Mme Ellen Margrethe Loj au cours du premier trimestre de 2018, et qui porte sur le recentrage, la priorisation et la mise en œuvre des tâches mandatées de la MINUSMA.
Voilà pourquoi, il a préconisé d’apporter plusieurs ajustements au mandat de la MINUSMA afin de renforcer son rôle d’appui à la mise en œuvre de l’Accord et du processus de paix, a relevé M. Lacroix. De ce fait, la Mission devra également examiner son empreinte physique à la lumière des priorités politiques, en tenant compte des contraintes liées à son théâtre opérationnel et des défis liés à la mobilisation de ressources pour l’action de l’ONU au Mali. Il conviendra également d’adopter une approche adaptée en matière de protection des civils, notamment dans le centre du pays où la situation est complexe.
Il a assuré que tout changement dans la configuration de la MINUSMA sera évalué avec soin et qu’un calendrier sera élaboré pour privilégier une approche séquencée. L’appui de la MINUSMA, recommande le patron de l’ONU, doit être l’objet d’examens réguliers sur la base des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix, ainsi que des réformes de gouvernance et politiques. En outre, vu la conjoncture critique au Mali, l’ONU compte intensifier ses efforts de suivi, notamment en utilisant des points de références consolidés issus de l’Accord, de l’initiative de paix et du plan de mise en œuvre des recommandations issues de l’examen stratégique.

Les avancées reconnues
Sur le processus politique et la mise en œuvre de l’accord, Jean-Pierre Lacroix a indiqué que les 12 mois qui se sont écoulés depuis l’adoption de la résolution 2364 (2017) ont été les plus encourageants en termes d’avancées dans le processus de paix. Parmi les avancées dans la mise en œuvre de l’Accord de paix, il a cité la mise en place des autorités intérimaires dans les cinq régions du Nord-Mali, le renforcement du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) à Gao et sa mise en place à Kidal et à Tombouctou, ainsi que le démarrage de la phase du pré-enregistrement pour le DDR (désarmement, démobilisation et réintégration), ainsi que l’intégration des combattants.
Le Secrétaire général adjoint a indiqué que bien que ces avancées soient porteuses d’espoir pour l’avenir du processus de paix, elles demeurent encore insuffisantes et interviennent après trois années marquées par des retards et des obstacles persistants dans sa mise en œuvre. Il a aussi déploré qu’au cours de l’année écoulée, certaines étapes importantes pour pérenniser le processus de paix et renforcer le dialogue politique n’aient pas pu aboutir. Il a notamment parlé de la Charte pour la réconciliation nationale et de la réforme constitutionnelle qui a été reportée à après l’élection présidentielle.
M. Lacroix a aussi signalé que les deux dernières semaines ont été marquées par des tensions préoccupantes sur le plan politique, alimentées par l’approche de l’élection présidentielle. Il a notamment regretté les violences qui ont émaillé les manifestations du 2 juin à Bamako, tout en notant que le déroulement pacifique de la marche du 8 juin augure d’un apaisement « qu’il convient de conforter ».
« L’élection présidentielle est une étape cruciale et doit constituer un jalon dans la consolidation de la démocratie malienne », a poursuivi M. Lacroix. Il a précisé que la MINUSMA continuera d’appuyer les autorités maliennes et les acteurs politiques, notamment à travers un soutien logistique et technique et en contribuant à la sécurisation des opérations électorales.

La centralité de l’Accord
Il a fait savoir que les missions de bons offices du Représentant spécial avaient contribué à la révision de la loi électorale, à faciliter le dialogue entre les acteurs politiques et à désamorcer les tensions au lendemain des manifestations de l’opposition du 2 juin. Il a ensuite souligné que les Nations Unies ne sont pas en mesure de certifier les résultats de l’élection, cette activité ne faisant pas partie du mandat de la MINUSMA.
Poursuivant, le Secrétaire général adjoint a indiqué qu’au lendemain de l’élection, l’attention devra être portée sur la mobilisation de tous les acteurs afin de générer de nouvelles avancées dans la mise en œuvre des réformes institutionnelles clefs. Il s’est félicité de ce que le premier rapport de l’Observateur indépendant souligne l’importance, pour les parties, de concentrer leurs efforts sur la création d’une nouvelle architecture de gouvernance pour le Mali, la reconstitution et le redéploiement d’une armée nationale représentative et la création d’une zone de développement pour le nord.
Quant au ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, il s’est tout d’abord félicité de ce que le rapport du Secrétaire général souligne les récents progrès enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, citant notamment le lancement des opérations du Mécanisme opérationnel de coordination à Kidal, Tombouctou et Gao; la poursuite du processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) -Intégration; l’installation des autorités intérimaires dans les régions où elles étaient attendues; la transmission à l’Assemblée nationale du projet de loi portant création des collectivités territoriales des régions de Ménaka et de Taoudéni; ainsi que le début des travaux de la réforme du secteur de la sécurité. Il s’est aussi réjoui de ce que le rapport souligne la détermination des parties maliennes à travailler ensemble pour poursuivre et intensifier la mise en œuvre de l’Accord, ajoutant que cet engagement avait été réaffirmé devant le Secrétaire général lors de sa rencontre avec les membres du Comité de suivi de l’Accord, le 30 mai, à Bamako.

Le mea culpa
Le ministre Tiéman Hubert Coulibaly a ensuite reconnu qu’il est « indéniable » que la mise en œuvre de l’Accord connaît quelques retards. Dès lors que les facteurs de ce retard sont connus, a-t-il ajouté, il revient à l’ensemble des parties de travailler de bonne intelligence pour y remédier. Il a indiqué que la situation dans le centre du pays constitue l’une des préoccupations majeures du Gouvernement au regard des attaques perpétrées par des groupes terroristes et le déficit de production agropastorale pour assurer la sécurité alimentaire.
Évoquant ensuite la tenue, le 29 juillet 2018, du premier tour de l’élection présidentielle, le ministre Coulibaly a sollicité un appui « conséquent » de la MINUSMA, notamment dans les domaines de la sécurité et de la logistique. Il a aussi invité la MINUSMA à diligenter les mesures permettant au Mali de rétablir son autorité sur l’ensemble du territoire ; protéger les populations civiles ; soutenir le redéploiement de l’Administration et appuyer la fourniture des services sociaux de base. La Mission doit aussi renforcer la coopération avec les Forces de défense et de sécurité nationales, et accélérer le soutien prévu à la Force conjointe du G5 Sahel.
Le ministre a également souhaité que les capacités de la Mission soient renforcées en termes de formation et de moyens logistiques et opérationnels, afin de lui permettre d’exécuter pleinement son mandat.
S’agissant de la reconfiguration des forces de la MINUSMA, le chef de la diplomatie a marqué sa préférence pour le maintien et le renforcement du dispositif actuel au vu des défis liés à l’organisation et à la sécurisation des élections présidentielle, législatives et régionales qui doivent se tenir entre juillet 2018 et août 2019.

La position du Mali
Il a notamment averti que la reconfiguration proposée risque de créer « un vide sécuritaire » pouvant compromettre les progrès réalisés dans le processus de paix et la stabilité régionale. De son point de vue, dans ce contexte, l’option la plus crédible serait de diligenter l’application des dispositions pertinentes des articles 21 et 54 de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui stipulent notamment, a-t-il dit :« le redéploiement des forces armées et de sécurité reconstituées s’effectue sous la conduite du MOC avec l’appui de la MINUSMA et la communauté internationale garante de la mise en œuvre scrupuleuse dudit Accord ».
Le Ministre a ensuite tourné son attention sur l’accroissement des cas de violation des droits de l’homme dont le rapport fait état. Il a réaffirmé l’engagement du Mali à faire aboutir les enquêtes sur chaque cas signalé, précisant que des mesures administratives et disciplinaires ont été prises concernant les unités militaires déployées dans les régions concernées. Il n’en a pas moins appelé au respect du principe de la présomption d’innocence pour ne pas condamner d’office les Forces de défense et de sécurité maliennes.

Les assurances du ministre
Revenant à la tenue, le 29 juillet, de l’élection présidentielle, M. Coulibaly a indiqué qu’un cadre de concertation avait été mis en place incluant les partis politiques de la majorité présidentielle, du centre, de l’opposition et de la société civile. Il a assuré que des dispositions matérielles et logistiques sont prises pour assurer un scrutin libre, fiable et apaisé, citant notamment l’audit du fichier électoral, « jugé fiable par les parties prenantes », la mise à disposition de nouvelles cartes d’électeurs et la relecture de la loi électorale. En outre, plus de 11 000 membres des Forces de défense et de sécurité seront déployés pour que l’élection se tienne dans un climat de sécurité sur l’ensemble du territoire national.
Enfin, le ministre a souhaité que la Force conjointe du G5 Sahel soit dotée d’un mandat robuste sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et d’un financement prévisible et pérenne.

Par Mohamed D. DIAWARA

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