Près de 2000 militaires sont arrivés, jeudi 31 mars 2016, à Lubumbashi, la capitale de l’ex-province cuprifère en provenance de Kinshasa. « Pourquoi viennent-ils chez nous, et pas ailleurs, notamment dans les Kivu, là où se trouvent les troubles », demande Gaston, un chauffeur de taxi vivant à Kamalondo. Une interrogation partagée par une grande majorité des Lushois.
L’inquiétude est d’autant plus vive que ce déploiement de troupes s’accompagne de l’envoi de chars d’assaut. 18 ont été recensés, vendredi 1er avril, en gare de Lubumbashi. Et 22 autres étaient en route depuis Kamina, en direction de la capitale de l’ex-Katanga. Cette nouvelle inquiète d’autant plus les Lushois que, déjà en janvier dernier, les forces terrestres des FARDC avaient réceptionné 40 chars achetés en Ukraine par le général François Olenga. Sur décision de Joseph Kabila lui-même, ils avaient été entreposés au port de Kinshasa avant leur transfert vers le port fluvial d’Ilebo avec, pour destination finale, l’ex-province du Katanga.
« Depuis la mi-septembre 2015, on assiste à une forte militarisation de l’ex-province cuprifère, et du Haut Katanga en particulier », explique un fonctionnaire provincial sous couvert d’anonymat. « En fait, cette situation a commencé au lendemain de l’exclusion de la Majorité parlementaire (MP) des partis du G7. Elle s’est exacerbée cette semaine avec l’appel lancé par le G7à Moïse Katumbi Chapwe de se porter candidat à l’élection présidentielle en novembre prochain », poursuit-il.
Les Lushois, dans leur écrasante majorité, ne cachent plus leur agacement face à cette démonstration de force orchestrée par le Président Joseph Kabila dans leur paisible capitale. « Il n’y a pas de conflit armé ici », s’exclame Martine, une commerçante originaire de Kampemba. « Il ferait mieux d’aller dans le Nord Kivu. Là-bas, rien que sur le Territoire de Beni, plus de 800 personnes ont été massacrées depuis octobre 2014 ».
Un sentiment largement répandu au sein de la population qui, dans le même temps, s’interroge sur le coût d’achat de ce type de matériels, pour le moins inutiles dans l’ex-Katanga, dans un contexte de ressources budgétaires supposées rares. Dans son discours du 28 novembre 2015 d’annonce de la convocation du « dialogue politique national inclusif », Joseph Kabila avait rappelé que la CENI a fixé à un milliard deux cent millions le coût total du processus électoral. Il avait également souligné que, pour l’année 2016, l’Exécutif national n’avait pu prévoir qu’une enveloppe de plus de cinq cent millions de dollars, « soit moins de la moitié du budget précité et avec pour contrainte de débloquer plusieurs dizaines de millions de dollars par mois. Ce que la capacité de mobilisation actuelle des recettes ne permet pas », avait-il ajouté.
« Comment peut-on expliquer que Kabila et son Gouvernement trouvent l’argent nécessaire pour acheter des chars mais disent ne pas avoir les moyens suffisants pour financer le processus électoral ? », s’interroge Christian, étudiant à la Faculté de droit au sein de l’Université de Lubumbashi, avant de conclure, un brin exaspéré : « C’est de la mauvaise foi. Mais de toute façon, quoi qu’il arrive, Joseph Kabila ne sera plus Président au soir du 19 décembre prochain ».
Enfin, il reste une ultime question : Pourquoi cibler ainsi le Katanga ? « Joseph Kabila, qui en avait fait son fief, a complétement perdu la main sur la province », décrypte notre fonctionnaire provincial. « Face à la montée en puissance de Moïse Katumbi, dont la popularité ne se dément pas au sein de la population, il ne fait visiblement pas le poids. Le Président montre donc ses muscles et ses armes, en pensant peut-être l’intimider », conclut-il. Mais il en faudra sans doute beaucoup plus pour ébranler la volonté de Moïse Katumbi, qui est aujourd’hui considéré comme le principal rival du Président Kabila. Le très charismatique président du Tout Puissant Mazembé, qui s’emploie à faire l’union au sein d’une opposition congolaise historiquement atomisée, est en effet plus que jamais déterminé à ce que l’élection présidentielle puisse se tenir en novembre 2016, conformément aux dispositions de la Constitution.
Source: Afrik