A la suite de la France dont les troupes ont été invitées à achever leur retrait du Niger d’ici à la fin de l’année 2023, l’Union européenne (UE) s’est vu notifier, le 4 décembre dernier, la fin de son partenariat militaire avec le pays du président Mohamed Bazoum. Le chef de l’Etat déchu a été renversé par un coup d’Etat militaire mené par sa garde rapprochée, le 26 juillet dernier à Niamey. Joignant l’acte à la parole, les nouvelles autorités du Niger ont donné un délai de six mois à la force européenne pour quitter le pays.
Moscou est en train de tisser sa toile en Afrique de l’Ouest
Pendant ce temps, elles déroulaient le tapis rouge à la Russie dont une délégation conduite par le vice-ministre à la Défense, Yunus Bek Yevkurov, a été reçue le même jour par le nouvel homme fort du Niger, le Général Abdourahamane Tchiani. Le moins que l’on puisse dire, c’est que petit à petit, Moscou est en train de tisser sa toile en Afrique de l’Ouest où, à la suite du Mali et du Burkina Faso, le Niger a opté de renforcer sa coopération militaire avec la Russie. Et ce au détriment de l’UE qui a été poussée à la sortie. Un rapprochement entre Niamey et Moscou qui est loin d’être une surprise. D’autant que, tirant leçon du soutien indéfectible dont le Mali et le Burkina ont fait montre dans ses déboires avec la CEDEAO suite au coup d’Etat contre Mohamed Bazoum, tout porte à croire que la junte au pouvoir à Niamey est allée au-delà de l’adage selon lequel « l’ami de mon ami est mon ami », pour faire aussi sien, le dicton qui dit que « l’ennemi de mon ami, est mon ennemi ». Il est donc claire que le Général Tchiani emboite parfaitement les pas du colonel Assimi Goïta du Mali et du capitaine Ibrahim Traoré du Burkina qui, avant lui, ont choisi de tourner le dos aux traditionnels partenaires occidentaux comme la France et l’UE, pour privilégier l’axe de Moscou dans la lutte contre le terrorisme. C’est dire que l’UE a du mouron à se faire. Particulièrement la France qui est en train de perdre du terrain dans ce qui était jadis considéré comme son pré-carré en Afrique de l’Ouest. D’autant plus qu’en prenant pied dans le Sahel, l’Ours russe semble animé de la volonté d’étendre son influence aussi loin que possible dans une sous-région en proie à l’hydre terroriste. C’est dire si l’éviction de la France du Niger hier, et de l’UE aujourd’hui, est la conséquence du rapprochement de Niamey avec Moscou. Et cela pourrait d’autant plus augurer de l’arrivée de Wagner au Niger que le vice-ministre russe à la Défense qui s’est vu dérouler le tapis rouge au palais présidentiel de Niamey, est aussi le nouveau patron du tristement célèbre groupe paramilitaire russe. Il a pris la succession du non moins célèbre fondateur du groupe, Evgueni Prigojine, mort quelque trois mois plus tôt dans un crash d’avion, dans des conditions qui suscitent aujourd’hui encore beaucoup d’interrogations. Et rien ne dit qu’en venant signer le document de renforcement de la coopération militaire avec le Niger, l’officier supérieur russe n’est pas venu déblayer le terrain pour ses troupes, connaissant l’aversion des Occidentaux à collaborer avec le fameux groupe paramilitaire dont ils ne manquent pas d’occasion de dénoncer les méthodes et les pratiques. Toujours est-il que si Wagner devait venir au Niger, cela ne se ferait pas sans contrepartie. De quoi susciter aussi des interrogations sur le rôle qui pourrait être le sien, dans un contexte de relations plutôt tendues avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et ses partenaires occidentaux, et où la transition nigérienne a aussi besoin de protéger ses arrières. En tout état de cause, avec ce nouveau partenariat noué au pays du Ténéré, c’est Moscou qui renforce sa présence au Sahel au moment où l’Union européenne n’est pas loin d’y subir un cinglant désaveu.
Il appartient à l’UE et à la France de changer leur fusil d’épaule dans leurs rapports avec les pays africains frappés par le terrorisme
Et rien ne dit que les exemples du Mali, du Burkina Faso et du Niger, ne feront pas tache d’huile dans une sous-région où bien des pays confrontés au défi sécuritaire, montrent de plus en plus de réceptivité à l’antienne de la diversification des partenaires. Il appartient donc à l’UE et à la France de changer leur fusil d’épaule dans leurs rapports avec les pays africains frappés par le terrorisme, dans un contexte où seuls comptent, aux yeux des populations qui souffrent le martyre de ces attaques lâches et barbares, les résultats dans la lutte contre la bête immonde. Et dans la recherche de nouveaux alliés, c’est à celui qui offrira les meilleures garanties de collaboration aux yeux des Africains. C’est le jeu des intérêts, et l’Afrique semble aussi apprendre la leçon dans un monde bipolaire.
« Le Pays »