La montée des discriminations, mauvais traitements et attaques verbales incitent des dizaines de Maliens à réclamer leur évacuation.
Le discours raciste s’est invité sur les antennes radios. Déjà le 1er janvier, sur l’antenne de Diwan FM, Khalifa Chibani, ancien porte-parole du ministère de l’intérieur, a déploré ces « Africains qui commencent à devenir trop nombreux » dans la ville de Sfax – ce à quoi la journaliste a répondu que les Tunisiens sont « tous des Africains ». Le lendemain, l’homme politique et ancien ministre Mabrouk Korchid agitait sur la radio IFM le risque d’un « grand remplacement », cette fois sans être contredit. Si les Tunisiens continuent d’émigrer, « les Africains vont venir se marier chez nous et nous remplacer », a-t-il expliqué. Aussi, le président Kaïs Saïd a annoncé des « mesures urgentes » et drastiques contre ce qu’il qualifie de « hordes de migrants clandestins » venues de l’Afrique subsaharienne.
Le pays possède une tradition d’accueil, mais les autorités affirment souvent être davantage une « terre de transit » pour les Subsahariens, qui demeurent sur le territoire et travaillent sans être déclarés dans l’attente de pouvoir financer un départ vers l’Europe. Leur nombre est estimé à entre 30 000 et 50 000 par les associations. L’an dernier, la moitié des 22 000 migrants arrivés clandestinement en Italie depuis la Tunisie étaient d’origine subsaharienne.
Outre les difficultés économiques que connaît le pays et la complexité des procédures de régularisation, les mauvais traitements et les attaques verbales dont sont victimes les subsahariens expliquent aussi souvent la volonté de départ. Rafles, insultes, violences, une véritable chasse à l’homme noir prend forme. Plusieurs témoignages font état de migrants et étudiants subsahariens qui se font expulser de chez eux comme l’a souligné Ousmane Diarra, président de l’Association malienne des expulsés (AME). Tout simplement, l’État demande à ce que tout Tunisien qui héberge un étranger qui n’est pas en règle de le sortir immédiatement de sa maison. Une vingtaine de personnes expulsées de leurs maisons sont présentement hébergées par l’ambassade.
Les rues sont investies par les policiers et les noirs systématiquement arrêtés, fouillés. Et même quand ils sont en situation régulière, les subsahariens se disent aujourd’hui empêchés de vaquer librement à leurs occupations. Et ce, malgré les assurances données par Le président de l’association malienne des étudiants et stagiaires en Tunisie, Béchir Ould Saleck qui signale la mise en place de dispositions visant à sécuriser tous les étudiants africains sur place. « Sur l’ensemble, il y a eu un bilan de trois cents à quatre cents personnes qui sont arrêtées. Mais la majorité, c’est des migrants qui sont rentrés de manière illégale », précise. « On a mis un numéro vert à la disposition de tous les étudiants. En cas d’urgence, il suffit de contacter ce numéro, la cellule de crise intervient sur place ».
Les boucs émissaires
Avalanche de réactions en Tunisie et au sein de l’Union africaine qui condamnent un discours haineux et dénoncent un racisme d’Etat. L’Union africaine (UA) juge « choquantes »les déclarations du président tunisien tout en appelant tous ses Etats membres à « s’abstenir de tout discours haineux à caractère raciste ». Et, des milliers de Tunisiens sont descendus dans la rue pour non seulement fustiger les propos de leur président, mais aussi exprimer leur solidarité aux migrants subsahariens que l’on tente de présenter comme étant à l’origine de tous les malheurs de la Tunisie. « Les Tunisiens ne sont pas racistes ; c’est un peuple accueillant. La Tunisie est la capitale de la paix et on sera toujours Africains avec nos frères et sœurs Africains. On partage le même continent, et en Tunisie, il n’y aura jamais une place pour les fachos », a laissé entendre, avec un brin de colère, un manifestant.
Au regard de ces développements, les autorités maliennes étudient sérieusement l’option d’une aide au retour volontaire visant à soutenir les étudiants ou migrants qui ne peuvent ou ne veulent pas rester en Tunisie et qui souhaitent retourner au bercail. Se sont portés candidats à ce programme de rapatriement plus d’une centaine de personnes. La liste pourrait s’élargir dans les prochains jours. Tant le président tunisien ne faiblit pas dans son acharnement à trouver des boucs émissaires à l’état désastreux de l’économie du pays et espérait ainsi reconquérir une opinion publique perdue.
Plus de 150 Maliens en attente de rapatriement. 159 maliens vivants en Tunisie se sont inscrits sur une liste de rapatriement volontaire dans leur pays d’origine. L’annonce est faite par le ministère des maliens établis à l’extérieur. Ce retour volontaire est initié par l’ambassade du Mali en Tunisie. Il intervient suite aux violences que subissent des migrants des pays subsahariens en Tunisie.
Fanfan
Source : L’Informateur