« Vos harcèlements et abus de pouvoir ne tentent-ils pas de camoufler vos implications dans les affaires nébuleuses dénoncées par le SPN ? »
Le Ministre de la Sécurité intérieure et de la protection Civile, le Général Sada Samaké était face aux députés Jeudi dernier pour répondre aux questions de l’élu de Kolondièba l’honorable Oumar Mariko. Les questions du jour avaient trait au Syndicat de la Police Nationale (SPN), la non-disponibilité des passeports, les spéculations autour de la carte d’identité, le prétendu vol de véhicule d’un citoyen et des questions sécuritaire. A l’issue de cet exercice, le Ministre est resté muet dans ses tentatives de réponse et se fait du coup épinglé par le Dr Oumar Mariko. En tout cas l’assistance est restée sur sa faim.
Cette interpellation du Ministre par le député tire son fondement dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. L’article 90 stipule que «tout député qui désire poser aux membres du gouvernement des questions orales, doit remettre celles-ci par écrit au Président de l’Assemblée Nationale qui les communique à leurs destinataires. Les questions orales sont inscrites sur un rôle spécial au fur et à mesure de leur jour de la première séance de chaque plénière. Les débats ne peuvent, en aucun cas, excéder 60 mn. La conférence des Présidents indique la répartition des temps entre les différents orateurs .Le ministre et l’auteur de la question disposent seuls de la parole. Lorsque, par suite de deux absences successives du ministre, une question est appelée pour la 3ème fois en séance publique, si le ministre est de nouveau absent, l’auteur de la question peut la transformer séance tenante en interpellation du Gouvernement».
A l’entame des travaux, une minute de silence a été observée en la mémoire de l’ensemble des disparus.
Ensuite, l’honorable Oumar Mariko de prendre la parole et de rappeler que le Ministre Sada Samaké avait promis à la nation de faire un communiqué radiodiffusé pour informer les citoyens du prix exact de la carte d’identité et du passeport. «Vous avez promis, sans jamais vous exécuter. La spéculation continue !… Nous ne pouvons pas dire que nous allons aider le Président IBK à faire le changement et accepter les marchés douteux, à faire de l’abus qu’on continue à écorcher notre souveraineté. Nous n’aurons aucun sens d’être à la majorité… C’est une atteinte grave qu’on est en train de préparer contre notre souveraineté et contre les caisses de l’Etat» a martelé l’élu de Kolondièba.
Affaire du Syndicat de la Police Nationale – SPN
L’honorable Oumar Mariko de préciser que moins d’un mois de l’interpellation le ministre Sada Samaké aurait radié le SG du SPN Adjudant Youssouf Fofana. « Quels en sont les supports juridiques ? Combien vous sortez des fonds publics par weekend pour les patrouilles ?… Dans la décision n°2014-38-69, vous dites que l’Adjudant Youssouf Fofana est licencié de la police après 22 ans de service pour abandon de poste depuis le 19 Juillet 2013. Il se trouve que le même agent écopait une suspension de tout service depuis le 17 Juillet 2013. Peut-on radier un syndicaliste pour abandon de poste alors qu’il est en suspension de service prononcée par vous-même ? La suspension équivaut-elle à l’abandon de poste ? Après la suspension, vous lui avez adressé une demande d’explication. Cela obéit à quelle espèce de procédure administrative du règlement intérieur de la police ?
« Vous vous êtes permis de couper le salaire de l’Adjudant Youssouf Fofana avant même la prise de sanction. A la rencontre entre la CSTM et le Gouvernement, vous n’avez pas pu prouver l’abandon de poste, ni justifier le gel de son salaire. Pourquoi avez –vous geler le salaire des policiers détenus, non encore condamnés ? Vos harcèlements et abus de pouvoir ne tentent-t-ils pas de camoufler vos implications dans les affaires nébuleuses dénoncées par le syndicat de la police ? Aussi, vous avez fait le zèle en retournant le salaire de feue Siriman Fanè au Trésor public, indifférent à la misère de ses femmes et enfants. Cette attitude est-elle compatible avec les dispositions légales et humanitaires ? ».
Des dessous de tables
« Et pourtant, poursuit l’Honorable Mariko, vous avez dit devant les élus qu’on traite les policiers de voleurs et si eux sont voleurs ce que vous êtes le premier voleur (…)
« Dans mes fouilles ce n’est pas une simple transitivité, mais une réalité…, j’ai découvert qu’il existe trois réseaux qui s’articulent autour de l’immigration, de la CCR et des commissariat autour de la section carte d’identité. Chaque commissaire est au service fidèle du DG de la police qui à son tour est à votre service. Il ne s’agit pas seulement de rapport hiérarchique, mais de redevance morale voire de soumission. Tous les mardis matin, les commissaires des 15 commissariats de Bamako rencontrent le Directeur Régional de la police pour lui remettre des sommes qui varient entre 100.000 et 50.000 FCFA ; qui à son tour rend compte à la hiérarchie. Le commissariat du 3ème Arrondissement, c’est clair, donne 100.000 FCFA. Quel est votre part monsieur le ministre ? Cet argent sert à quoi ? J’ai toutes les preuves».
«Ce qui est sûr chaque Mardi si vous fouillez les différents commissaires à l’entrée de la Direction Régionale de la police, je suis convaincu que vous allez les trouver avec au moins 50.000 FCFA» a indiqué l’élu.
Du vol de véhicule BMW X6
«M. Niakaté fait aujourd’hui l’objet de harcèlement. Ce n’est pas lui qui a acheté la voiture. Et la voiture n’est pas non plus déclarée « volée » à Interpol d’Abidjan. Il se trouve que c’est une voiture achetée selon le même Interpol de Bamako. Elle a été vendue par le propriétaire qui s’est ensuite plaint au niveau de son assurance pour dire que le véhicule était volé. Une manière pour lui d’escroquer son assurance. Qu’est-ce que les maliens ont à voir dedans ? Et votre commissaire a pris 400.000 F CFA sortis des poches de Niakaté 600.000FCFA sortis des poches de ceux qui sont venus pour intervenir pour le relaxé. 1.000.000 F CFA pour le sortir de la prison. Cela après lui avoir fait rembourser l’argent du véhicule. Pourquoi votre Directeur Général se transporte dans ce véhicule à travers le Mali avec une plaque d’immatriculation de la police nationale ? Celui-ci ne serait-il pas un receleur ? C’est le jeune Niakaté qui perd ainsi 23.000.000FCFA. Ce dernier a porté deux plaintes qui n’ont jamais été examinées par la justice. Et par des tours de passe-passe, on le rend responsable du vol de son propre véhicule qu’il n’a pas volé. Et tout est parti de la police qui doit assurer la sécurité. Cette attitude du DG est-elle conforme à la réglementation policière en matière de vol ?
En réponse le Ministre de la Sécurité Intérieure et de la protection civile Gal Sada Samaké dit ne pas vouloir s’appesantir sur la question : «je laisse la justice faire son travail le dossier étant pendant devant elle». Trop facile (lire encadré).
Du Passeport et la carte d’identité : La spéculation continue !
«Lors d’une session plénière, il avait été dit de faire un communiqué radiodiffusé pour informer les citoyens du prix exacte de la carte d’identité. Vous avez promis, sans jamais vous exécuter. La spéculation continue ! La carte coûte 3.500 FCFA à Koumantou, 5000 à 15.000 F CFA à Ouéléssébougou, 5000 F CFA parfois et par endroit à Bamako».
«Votre refus de communiquer pour éclaircir les citoyens ne signifie-t-il pas votre complicité dans les spéculations ? Quel est le prix de revient d’un passeport ? Pourquoi avez – changé d’opérateur ? Y a-t-il eu défaillance de sa part ?
Et pourtant le DG de la police Hamidou Kansaye avait dit à la télé que dans dix jours, il n’y aura plus de pénurie de passeport. Après les 10 jours, le problème est devenu plus grave. Saviez-vous que le passeport coûte 150.000 F CFA aux citoyens à cause des spéculations ? ».
L’honorable Mariko de se porter en faux contre les propos du ministre relatifs à la suspension du commissaire Divisionnaire Jean Pierre Porna Dembélé en charge du 6ème arrondissement. Il estime au contraire qu’il aurait reçu une promotion. Sa mutation est antérieure à la décision du ministre. Il s’agit donc d’une poudre aux yeux.
Et d’ajouter que le Commissaire Arby de l’immigration est muté depuis le 18 Février 2015, mais continue toujours de signer les passeports alors que son successeur M. Youssouf Koné est là mais n’arrive pas à récupérer sa place. Aussi, «Mme Coulibaly qui est partie à la retraite, au lieu de la faire remplacer par l’officier le plus gradé, vous avez fait venir quelqu’un d’autre pour des considérations très douteuses».
Parmi cette pluie de questions adressées par l’honorable Oumar Mariko, le Ministre Sada Samaké seulement a répondu de façon sélective. Il s’est contenté de donner le prix de la carte d’identité chiffré à 1000 FCFA en plus des frais de timbre soit 700 F CFA. Quant au passeport, il est de 50.000FCFA. Aussi d’ajouter qu’il sait pourquoi Mariko s’acharne sur lui.
En tout cas l’assistance attendait certaines réponses du ministre notamment pour le carburant en ce qui concerne les patrouilles. Les policiers n’hésitent pas à demander le carburant pour se déplacer et peu importe la distance. Mariko précise que ce sont 6.500 F CFA, l’équivalent de 10 Litres qui leur sont octroyés. Alors qu’on parle de 60.000.000FCFA.
En tout cas l’élu de Kolondièba demande une enquête parlementaire pendant 20 jours seulement :«nous allons savoir ce qui se trame dans la police malienne et nous allons nous rendre compte que ce ne sont pas des simples policiers de gauche à droite sur lesquels on tombe que ça se passe. Mais plutôt au niveau de la hiérarchie. Et en ce moment, en tant que majorité il faut changer cette hiérarchie». Et d’inviter le Ministre Sada à «retourner dans le bois d’où il est sorti».
- Coulibaly
Encadré
«L’affaire en instance devant la justice» :
Piètre défense !
Naturellement, s’il s’agissait d’un combat de boxe ou d’un match de foot, l’arbitre aurait systématiquement déclaré Oumar Mariko vainqueur par forfait ou abandon de l’adversaire. Mais il ne s’agit pas d’un sport encore moins d’un jeu. Mais de questions relevant de la gouvernance, donc de la Nation. Et le ministre Sada Samaké ne s’est montré à la hauteur.
L’interpelé a usé et abusé de la sacro-sainte argutie selon laquelle tels dossiers (celui du syndicaliste, du vol de voiture, entre autres), se trouvaient en instance devant la justice. Pour ce motif, motus et bouche cousue !
Des questions avaient pourtant trait à des actes administratifs posés par lui ainsi que par certains de ses subordonnés comme le Directeur Général de la Police. Tenez par exemple :
- «La suspension équivaut-elle à l’abandon de poste ? Après la suspension, vous lui avez adressé une demande d’explication. Cela obéit à quelle espèce de procédure administrative du règlement intérieur de la police ? »
- Pourquoi avez –vous geler le salaire des policiers détenus, non encore condamnés ?
- Aussi, vous avez fait le zèle en retournant le salaire de feue Siriman Fanè au Trésor public, indifférent à la misère de ses femmes et enfants. Cette attitude est-elle compatibles avec les dispositions légales et humanitaires ?
- L’attitude du DG est-elle conforme à la réglementation policière en matière de vol ? Autrement dit, est-ce que le DG de la Police a droit d’utiliser un produit supposé de vol dans la mesure où c’est le même DG qui a indiqué que l’engin a été volé ?
L’on n’a nullement besoin qu’une affaire soit en instruction ou pas pour répondre à ces questions. Il s’agit manifestement de faux-fuyant et personne n’est dupe.
S’agissant de la justice malienne derrière laquelle se ministre prend un malin plaisir à se cacher, l’on sait d’ores et déjà qu’elle fonctionne désormais sur la base d’affinités sociales et autres liens sacrés.
En tout état de cause, l’on comprend parfaitement le silence assourdissant du Procureur Général, présumé défenseur de la veuve et de l’orphelin. Un homme visiblement usé et piégé qui ne trouve aujourd’hui refuge que dans le silence. Les temps ont visiblement changé. Nous rappelons ceci à toute fin utile : «La justice est rendue au nom du peuple Malien».
- Diarrassouba
«Sortir du bois » :
L’expression qui a fâché le Ministre Sada Samaké: les raisons profondes
Il paraît que le français, de par sa subtilité, est la langue des diplomates au siège de l’ONU ; parce que permettant, par son fin utilisateur de «parler du feu sans se brûler la langue». Enfin, comme nos différentes langues d’ailleurs. Mais c’est celle de Molière qui nous intéresse aujourd’hui…
Honorable Oumar Mariko, lors de l’interpellation (la quatrième du genre) du Ministre en charge de la sécurité intérieure :
«Vous êtes sorti du bois, mais je ne suis pas sûr que vous ayez réussi à vous adapter à la société des hommes. Est-ce qu’il ne serait pas mieux que vous retourniez dans les bois».
Pourquoi diantre, l’interpellé s’est-il senti blessé par cette expression lancée en plein visage par l’Honorable Oumar Mariko ? Pour le savoir, nous avions consulté «le petit Québécois». Voilà ce qu’il en dit : «L’expression québécoise « il n’est pas sorti du bois » est similaire à « Il n’est pas sorti de l’auberge». « Un Québécois qui n’est pas sorti du bois est donc dans le pétrin, dans une situation difficile. Il peut donc à la fois vivre dans une tour d’habitation en plein centre-ville de Montréal et ne pas être sorti du bois».
Ça, c’est pour le sens. Voilà pour l’étymologie : «sortir du bois », s’apparente à « sortir de l’auberge ». Cette expression, nous enseigne, « Le Petit Québécois» est issue de « l’argot des voleurs du XIXe siècle qui désignait de façon ironique la prison comme «une « auberge » puisqu’on y bénéficiait gratuitement du gîte et du couvert, mais d’où il n’était pas aisé de sortir».
Mais, c’est surtout par rapport au loup que l’expression est née. Ce carnassier, on le sait, n’a pas bonne presse dans la croyance populaire occidentale et hexagonale. L’attestent, ces autres expressions populaires qui le citent :
- Les loups ne se mangent pas entre eux(Les méchants, les gens malhonnêtes ne se nuisent pas réciproquement. C’est la loi du milieu).
- Se jeter dans la gueule du loup (s’exposer à un danger grave, le plus souvent inconsciemment. Aller au-devant des risques et des embêtements par provocation.
- Hurler avec les loups(témoigner d’un conformisme, d’une hypocrisie et d’un souci de son propre confort moral pouvant aller jusqu’à se montrer injuste, voire cruel, pour ne pas déplaire à la majorité. Finalement c’est « suivre le troupeau » mais dans les situations qui peuvent être graves (pour celui contre lequel on se met à hurler).
- Quand on parle du loup on en voit la queue (il suffit que l’on parle de quelqu’un pour qu’aussitôt il apparaisse, alors qu’on ne l’attendait pas forcément. L’expression s’emploie souvent en laissant en suspens la seconde partie de la phrase : « Quand on parle du loup… », ce qui permet d’évacuer plus commodément le symbolisme viril exprimé par « queue ».
- Un vieux loup de mer(un vieux marin endurci et expérimenté. Pourquoi loup ? Parce qu’à l’origine, il s’agissait d’un marin sauvage et solitaire, comme le vieux loup de la meute).
- L’homme est un loup pour l’homme(les hommes sont féroces entre eux, parfois même plus impitoyables et cruels que les animaux les plus méchants.
- Le loup meurt dans sa peau(quelqu’un qui est né méchant ou vicieux le reste jusqu’à la fin de sa vie).
- Faire entrer (ou enfermer) le loup dans la bergerie(introduire un élément nuisible, malfaisant, dans l’endroit, parmi les gens que l’on devrait défendre ou protéger…).
Les deux dernières expressions que voici, nous renvoient spécifiquement sur le fait de «sortir du bois» :
- Avoir une faim de loup: (avoir vraiment très faim. Le loup famélique prêt à se jeter voracement sur la première proie qui passe à sa portée se tient en arrière-plan de cette image dévorante).
- La faim fait sortir le loup du bois: (la nécessité oblige à se montrer ; certaines circonstances obligent à commettre des erreurs ou des imprudences. Ou bien : certaines occasions permettent de révéler la véritable nature de quelqu’un qui, jusqu’à présent, ne se montrait pas. Cette locution est plus employée au sens figuré qu’au sens propre (pour ce qui est de la faim) bien qu’on l’emploie aussi dans ce sens avec une lueur d’ironie) [source : « Le Chevaucheur Royal»]
Le mot «bois», rappelons-le, est utilisé comme synonyme de «forêt », «brousse», « tanière», etc.
On le voit donc : «sortir du bois» a spécifiquement trait au loup. Mais pourquoi l’élu de Kolondiéba a expressément utilisé l’expression à l’intention du Ministre Sada Samaké ? Ceci est une autre histoire que nous vous contons.
A la faveur du tout premier conseil des ministres présidé par le président IBK à la date du 09 septembre 2013, l’équipe de reportage de l’ORTM entrepris de recueillir les impressions des nouveaux membres du gouvernement. Voilà ce que le Ministre de la Sécurité Intérieure trouva comme excuse pour se subtiliser : «Désolé ! Moi, je viens juste de sortir du bois».
Réaction du député Oumar Mariko lors de la séance d’interpellation, courant semaine dernière : «Vous êtes sorti du bois, mais je ne suis pas sûr que vous ayez réussi à vous adapter à la société des hommes. Est-ce qu’il ne serait pas mieux que vous retourniez dans les bois».
Voilà toute l’histoire ! Alors, à vous de juger : la colère de Sada se justifie-t-elle ?
B.S. Diarra
source : La Sentinelle