Notre héroïne du jour de la rubrique ” Que sont-ils devenus ? ” s’appelle Sokona Sissoko dite Fifi. Elle est diplômée de l’Institut national des sports. Elle a été le porte étendard de ce groupe du Djoliba AC qui a pris la relève quand les Maïmouna Diallo dite Bibi, Penda N’Diaye dite Pinpin, Aminata Fofana dite la Panta, Salamata Maïga dite Bébé, Adiza Maïga et autres ont décidé de prendre leur retraite. C’était au lendemain de la finale de la Coupe du Mali de 1979. Ayant atteint la limite, ces anciennes gloires ont mis un terme à leur carrière. Après un parcours honorable au Djoliba et en équipe nationale, Fifi a ensuite pris les rênes du Djoliba, sans salaire, pendant des années. Auparavant, en 1985 (elle était encore en activité), elle avait été appelée à la rescousse pour accompagner les Aiglonnes aux Jeux de la Confejes en Côte d’Ivoire. L’entraineur principal, Zoumana Fané, avait reçu une bourse à la veille du départ de l’équipe nationale. A bâtons rompus, Sokona revient sur sa carrière, les anecdotes, notamment une liée au maraboutage qui s’invite officieusement dans le sport afin d’engranger de bons résultats.
les anciennes compagnonnes de Sokona Sissoko dite Fifi en équipe nationale gardent d’elle de bons souvenirs.
Aïssata Guinto du Stade malien de Bamako l’a décrite comme une dame qui donnait un sens à la relation humaine durant tout le temps qu’elles ont passé ensemble à l’internat lors des campagnes africaines et stages de l’équipe nationale.
Quant à Aminata Coulibaly dite Waraba 10 du COB, elle retient de Fifi une joueuse qui avait le don des dribbles éliminatoires. C’est-à-dire qu’elle effaçait ses vis-à-vis avec une facilité déconcertante et par ses mouvements de diversion, faisait démarquer ses partenaires, en leur offrant des opportunités de réussir des paniers sous le cerceau. Rarement, Sokona Sissoko marquait. Elle se contentait de faire marquer grâce à sa dextérité. Avec de tels témoignages, il fallait rencontrer Fifi pour en avoir le cœur net. Ce pari nous l’avons réussi quand, au détail précis, elle nous a indiqué son domicile sis à Djanéguela, en commune VI de Bamako. Comme tous les héros de cette rubrique et surtout les Dames, l’accueil chaleureux était au rendez-vous. Une fois en face d’elle et avec son âge, faut-il l’appeler par son surnom Fifi ? Elle nous l’autorise et nous met à l’aise, tout en expliquant que ce sobriquet lui a été collé par sa mère qui n’a donné d’autres explications qu’un simple plaisir en prononçant le mot “Fifi”. Après cette introduction amicale, nous l’informons de tous les commentaires reçus de ces anciennes coéquipières. Très humble, l’ancienne joueuse du Djoliba dit que notre société déconseille la vantardise. Elle se contente d’affirmer que ces éloges lui font chaud au cœur et en est fière.
Comment le basketball s’est-il invité dans la vie de Sokona à un moment où les jeunes filles de son âge étaient plutôt attirées dans les rues par des jeux, après les classes ? Fifi revient sur ses débuts dans le quartier de Bamako Coura Bolibana.
“J’ai épousé le basketball à travers un match à la radio. Sur les cris du commentateur, j’ai demandé des explications à mes grands frères qui m’ont dit qu’il s’agit d’une rencontre de basketball. Immédiatement, j’ai décidé de pratiquer la discipline. Mais quelle allait être la réaction de mon père ? Voilà toute la question. Parce qu’il avait des principes souvent durs pour l’éducation de ses enfants. Contre toute attente, il m’a mise dans toutes les conditions, avec une alimentation différente de celle de la famille. Malgré le fait qu’il ne soit plus de ce monde, vous me donnez l’occasion de le remercier et de lui rendre hommage pour son soutien”.
Destin orienté
Nous sommes dans les années 1976 quand Sokona Sissoko dite Fifi, piquée par le virus du basketball, apprenait les techniques de la discipline à l’école de la base aérienne, à deux pas de son quartier. Avec ses amies, qu’elle est parvenue à convaincre pour l’accompagner, Fifi sera améliorée dans son apprentissage par un de ses enseignants du nom de Aly Diam Diallo. C’est ainsi qu’est née l’équipe de la base aérienne, qui se fera d’ailleurs distinguer lors des compétitions inter scolaires. Fifi est aguerrie et a une maîtrise parfaite du ballon pour se faire du chemin. Le séjour d’une joueuse des Rouges, Ramata Sall, dans son quartier lui offre l’occasion d’intégrer le Djoliba AC. Cette dernière était venue passer les vacances chez sa grande sœur. Fifi est allée lui expliquer son désir d’évoluer au Djoliba. Un geste que son ainée a apprécié à sa juste valeur. Effectivement, elle l’amena pour la présenter au coach et en janvier 1977, Fifi signa sa première licence, en même temps que sa grande sœur Mariam Sissoko, ses camarades Awa Diarra, Badiallo Sylla, Ramatoulaye Traoré, Kadiatou Diarra. Certes, elles ont été encadrées par les grandes, mais Fifi a eu plus de chance pour accéder au grade supérieur, c’est-à-dire en équipe A.
Face aux absences répétées de Penda N’Diaye dite Pinpin pour des raisons d’études, l’encadrement technique ayant déjà découvert les qualités de Fifi, lui fait appel. Au bout d’un an, c’est-à-dire en 1977, elle est une véritable amazone sur laquelle on peut compter. Au même moment, elle est sélectionnée pour renforcer l’équipe de Bamako, lors de la Biennale 1978. Immédiatement après cet événement de retrouvailles de la jeunesse malienne, Sokona Sissoko dite Fifi est devenue une Aigle qui n’a aucun état d’âme pour s’envoler avec ses proies. Elle a passé huit ans en équipe nationale, durant lesquels elle a participé à deux championnats d’Afrique féminins, cinq tournois de l’Amitié, cinq tournois de la Zone II du Conseil supérieur du sport en Afrique (Cssa).
Notre héroïne est tellement fière de sa carrière qu’elle a balayé d’un revers de la main notre question relative à l’ombre de Tiécoro Bagayoko qui pouvait planer partout où le Djoliba évoluait. D’ailleurs, elle n’a connu l’homme que durant une saison, Tiécoro ayant été arrêté début 1978. Elle attribue plutôt la performance de sa génération à la qualité du groupe dont elle était un élément incontournable. Voilà pourquoi elle n’a pas cherché loin les temps forts de son parcours qui se résument à l’ambiance du club, les regroupements, l’entente et la cohésion entre les joueuses du Djoliba.
Les pouvoirs des sciences occultes
Au-delà du soutien de Tiécoro Bagayoko, de la qualité du groupe et autres raisons pouvant entrer en ligne de compte pour expliquer en un moment donné la suprématie du Djoliba, y avait-il d’autres facteurs officieux ?
En réalité, nous voulions amener Fifi sur le terrain de la chimie noire. Elle a compris et a tenté de dévier la question. Mais à notre insistance, Fifi a fini par nous faire une révélation sur une affaire qui se rapporte à une scène de maraboutage. Elle explique : “Le Djoliba était devenu en 1984 une proie facile pour le Stade malien de Bamako et le COB. L’équipe alignait défaite sur défaite. Nous étions méconnaissables. L’idée de consulter un marabout fut avancée dans le groupe. A la suite de cette consultation, le marabout nous avait effectivement dit que les joueuses étaient maraboutées et que l’équipe ne pouvait pas gagner. Donc, il lui fallait donner des potions de divers arbres de la brousse, sinon les conséquences pouvaient même nous rendre célibataires jusqu’à la mort. Nous avions pris les choses au sérieux. C’était à la veille d’un match et le marabout avait même dit à notre capitaine, Hamchétou Traoré, que le Djoliba allait perdre la rencontre qui pointait à l’horizon. En responsable, la capitaine avait gardé ce secret pour elle-même. Mais après, ledit marabout avait purifié les dames et à la suite de cette séance, l’équipe avait retrouvé ses marques pour renverser la tendance”.
Inutile de savoir si la chimie noire est une réalité en matière de sport. Parce que la façon dont Fifi explique les choses et la manière dont le marabout est parvenu à embarquer l’équipe du Djoliba prouvent à suffisance que les sciences occultes en matière de sport ont une influence sur les pratiquants.
Les repères qui manquent le plus
C’est en 1989 que Sokona Sissoko dite Fifi a pris sa retraite pour cause de mariage. Dès lors, elle s’est retirée, les contraintes du foyer ne lui permettant plus d’être fréquente sur ou autour du plancher. A défaut d’avoir accédé à la Fonction publique, elle s’est consacrée au commerce. Cela ne l’a pas empêché d’assister ses filles lors du dernier Afro Basket Women que notre pays a abrité. La brèche est toute trouvée pour qu’elle fasse un parallèle entre deux générations qui n’ont pas évolué apparemment dans le même univers.
Pour avoir côtoyé la nouvelle génération en sa qualité d’entraineur, Fifi est la mieux placée pour connaitre sa mentalité face aux exigences du drapeau national. Autrement dit Sokona Sissoko dite Fifi soutient, à l’instar de ses autres camarades de génération, que l’argent s’est greffé dans la gestion du sport malien. Ce qui a tendance à faire disparaitre l’aspect patriotique au moment de défendre les couleurs du pays. C’est regrettable, mais une remise en cause s’impose. Faudrait-il en vouloir à leurs filles ? Difficile de répondre par l’affirmative. Cependant, Fifi pense qu’autant les mamans se sont battues dans des conditions misérables pour honorer le pays, autant les filles doivent produire les résultats escomptés, liés à leurs bons traitements.
Jusque-là nous n’avons pas fait allusion au nombre de coupes du Mali qu’elle a remportées avec le Djoliba durant sa riche et brillante carrière. La raison est simple : Fifi ne se rappelle pas exactement du nombre.
Cet état de fait est fréquent dans l’animation de cette rubrique. La plupart de nos héros ont des similitudes par rapport à certains détails. Ils ont des difficultés à situer certains événements dans le temps. Cela peut s’expliquer par deux faits : en leur temps, pas de télé, ni de téléphones portables, le monde n’avait pas connu cette révolution technologique. Mieux, ils jouaient pour le plaisir donc beaucoup de nos héros ne se donnaient pas la peine d’écrire leur parcours sous la forme d’un agenda.
Autre facteur qui puisse expliquer ces similitudes, c’est la déception. Les uns et les autres ont été tellement déçus qu’ils aient tendance à retourner des pages sombres de leur histoire. Ce qui complique parfois notre tâche, parce que nous avons l’obligation d’évoquer tous les paramètres de la carrière de nos héros pour donner tout le sens à la rubrique.
Face à ces difficultés, il nous arrive de nous en référer à certains éléments de la même génération que notre héros, parce qu’il faut reconnaitre qu’il y en a qui ont tout écrit et ces écrits constituent des repères pour nous débloquer. En la matière, Djibril M’Bodge a dans un classeur tout son parcours. Baba Djourté en a autant, mais dans un mini-ordinateur. Que dire du cas de Aïssata Guinto qui en sa qualité d’ingénieure en informatique, a créé un dossier jusqu’au détail près de sa carrière. De Bamako à Dakar et en passant par l’ex Urss, elle a tout noté. C’est pourquoi, nous faisons toujours recours à elle chaque fois que nous rencontrons une ancienne gloire de son temps. Mais pour Fifi, il y a eu des moments où elle s’est absentée du plancher malien, pour des raisons d’études à l’extérieur.
O. Roger Sissoko
Source: Par Aujourd’hui-Mali