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Que sont-ils devenus : Seydou Traoré N° 2 : La tour de contrôle

Le sport en général, et le football en particulier, est un domaine qui demande le sérieux et la discipline pour réussir ou se faire un chemin.  Parmi la génération post indépendance, un homme s’est fait distinguer par ces qualités au sein de son équipe, l’AS Réal de Bamako et l’équipe nationale du Mali. Son nom est Seydou Traoré N°2, le portier Guatigui étant Seydou Traoré N°1. Après ses débuts dans sa région natale, Sikasso, il confirme son talent à Bamako et s’impose comme la tour de contrôle des Scorpions. Par sa bonne conduite, il est demeuré un joueur constant. Nous avons rencontré Seydou Traoré N° 2  à son domicile, à Titibougou, en commune I du district de Bamako,  dans le cadre de la rubrique ” Que sont-ils devenus ? “. Notre héros du jour nous a entretenus sur son parcours et des anecdotes spectaculaires.

Seydou Traoré N° 2 était un joueur discipliné. Sur le terrain il ne répliquait pas, même face aux cartons des arbitres. Il était une cible en termes d’agression volontaire  pour anéantir la vitesse de croisière des Scorpions. Parce qu’il était la tour de contrôle de l’AS Réal.

Un garçon sérieux

Toujours sur sa moto Vespa, sa mine partout traduisait le sérieux d’un type qui savait là où poser les pieds. C’est l’une des raisons fondamentales qui expliquent d’ailleurs sa réussite, même en dehors d’un terrain de football. La preuve est qu’il n’a pas chômé depuis la fin de ses études. Pour des raisons de famille, Seydou Traoré N°2 a choisi un cycle court au Centre Père Michel de Bamako. C’est ainsi qu’après ses études, il travailla d’abord à la Régie des Chemins de Fer du Mali (Rcfm) en 1974, avant de quitter la même année pour la Somiex (Société malienne d’importation et d’exportation).

Après la compression au niveau de cette société en 1983, suite au Programme d’ajustement structurel, il retourne à la terre dans sa ville natale à Sikasso. Peu de temps après, Cheickna Traoré dit Kolo national et Ousmane Traoré dit Ousmanebleni le font recruter à Shell, comme superviseur du dépôt d’hydrocarbures à l’Aéroport du Mali. Et ce jusqu’en 1995.

Seydou Traoré (D) avec son coéquipier Antoine Sah

Par la suite, à travers le canal d’un ami d’enfance, il deviendra le représentant de l’Entreprise de réalisation et de construction dont le siège est en France.

Après sa retraite en 2003, il est récupéré par l’ancien joueur du Stade malien de Bamako, Cheick Oumar Sangaré. Lequel lui confie le poste de directeur technique de son entreprise (Ecos). Voilà pourquoi il ne peut être ingrat pour le football malien.

Il a commencé à taper dans le ballon dès le bas âge. Plus précisément à Sikasso, où le sport était dominant dans les années 1967-1968. C’était au Cours privé normal. Toutes les disciplines étaient pratiquées, avec des entraineurs expérimentés. Seydou Traoré avait une passion pour le football. Son intégration au Stade malien de Sikasso a été rendue possible par l’intermédiaire d’un tailleur, Diakaridia Berthé dit 3 bébés,  qui lui offrit une paire neuve de crampons. Ce coup de piston lui donna aussi l’occasion de figurer dans la sélection régionale pour un tournoi d’amitié en Haute Volta. Cela s’est passé en 1968 en compagnie des Aly Ouattara, Moussa Dembélé, Moctar Maïga, Mamadou Sidibé ” Décossaire “, Oumar Danté. A la fin de la même année, il rejoint Bamako pour des raisons d’études, où il est orienté au Centre Père Michel. A peine les cours reprennent-ils que les compétitions inter scolaires sont pour lui une circonstance favorable pour étaler son talent.

Quatre prétendants, un joueur

Seydou Traoré n’est pas encore dans le giron des  clubs de Bamako. C’est plus tard qu’il sera découvert, à la suite d’un match avec le FC Etoile de Bamako Coura, par l’équipe de Moussa Konaté. Après cette rencontre qui a permis de découvrir un jeune plein de qualités, Tiécoro Bagayogo prendra ses nouvelles auprès de Moussa Konaté. Celui-ci l’informa du bout des lèvres, parce qu’il voulait lui aussi que Seydou Traoré joue dans son club, le COB. L’ancien directeur des Services de sécurité met Karounga Keïta dit Kéké sur la piste. Et pour qui connait le baobab de Hérémakono, il a l’art de convaincre, de détourner les mentalités chaque fois qu’il s’agit des intérêts du Djoliba. Kéké ramenait tous les soirs Seydou Traoré de l’école. En cours de route, il le cajolait. Le jour où Kéké ne partait pas, c’est Tiécoro lui-même qui se chargeait de ramener Seydou à la maison. Les deux monuments du Djoliba parviendront finalement à l’embarquer dans le bateau des Rouges. Il ne s’est entrainé que pendant quelques mois.

Au même moment, un de ses colocataires, un grand supporteur du Stade malien de Bamako lui fait des avances en faveur de son club. Seydou Traoré N° 2 ému par la démarche de son voisin lui demanda un délai de grâce. Entre temps, le colocataire invite toute l’équipe du Stade dans la famille. C’étaient les Moussa Traoré dit Gigla, Cheick Diallo, Issa Yattassaye, Moussa Fané, une façon d’influencer le jeune Sikassois. Mais celui-ci trouvera un moyen  pour se dérober tout en évitant le piège. C’est sous cet orage qu’Idrissa Touré dit Nany entre dans la danse, pour les intérêts de l’AS Réal de Bamako. Il passa par le canal du grand frère de Seydou Traoré N°2 pour ne pas échouer. Adama Traoré dit Sud-Américain convoqua son cadet et lui présenta la licence. Seydou s’exécuta sans murmure. Le lendemain de son engagement chez les Scorpions, Kéké le fait venir à la Banque centrale et lui proposa une moto et de l’argent pour le motiver à changer d’avis.

L’ex entraineur du Djoliba AC s’est buté au refus poli de Seydou Traoré N° 2. A l’époque, une telle attitude d’un joueur à ses débuts peut paraitre paradoxale. Comment Seydou a résisté à toutes ces tentations des grands clubs de Bamako ? Il donne ses raisons dans une émotion, qui met en évidence la sincérité de ses propos : ” Dans ma famille, mes ainés sont partagés entre le Djoliba et le Stade malien de Bamako. Chacun voudrait bien que j’évolue dans son club de cœur. Mais parmi mes grands frères, il y’en a un du nom de Moumoune Traoré dit Pelé. C’est un supporter de l’AS Réal. Il a tout fait pour moi et je lui dois ma réussite dans la vie, pour m’avoir entretenu de mon enfance jusqu’à ma maturité. Jouer dans le club qu’il aime était, pour moi, une façon de lui gratifier toute ma reconnaissance pour services rendus à son cadet que je suis “.

Sa longue et riche carrière avec l’AS Réal de Bamako débute en 1972. L’on comprend qu’il est de la même génération que son homonyme Seydou Traoré N° 1 dit Guatigui, Idrissa Maïga dit Métiou, Isaac Soumaoro, Soumaïla Traoré dit Sergent, Idrissa Kanté dit Gorgui et autres. L’année suivante, en 1973, il est sélectionné en équipe nationale, pour renforcer le groupe de la CAN de Yaoundé 1972. Il a passé quatre ans sous le drapeau, avec comme parcours deux tournois Amilcar Cabral, les éliminatoires des CAN de 1974 et 1976. Sa chute à ce niveau a été provoquée en 1977, par une blessure à la cheville et une fracture de la mâchoire.

L’étrange finale de 1973

Avec son club, Seydou Traoré N° 2 a demeuré un titulaire jusqu’à sa retraite en 1983. Sauf qu’en 1978, il a perdu une  saison à cause d’ennuis de santé. C’est-à-dire qu’il a participé à toutes les campagnes africaines des Scorpions, notamment les éliminatoires des coupes d’Afrique des clubs champions et des vainqueurs de coupes.

Comme temps forts de sa carrière, il retient ses sélections en équipe nationale, l’ambiance dans le nid des Scorpions et les trois finales de coupe du Mali (1973-1976-1980).  Même si lors de l’édition de 1973, le Réal n’a pas pu avoir le trophée, après avoir été déclaré vainqueur sur tapis vert. Comment cela s’est-il passé ? Seydou Traoré N° 2 revient sur un épisode que la nouvelle génération ignore : “En finale de la coupe du Mali de 1973, le Djoliba a gagné sur le terrain. Mais le Réal a formulé une réserve sur Sory Kourouma. L’affaire a été tranchée en faveur du Réal. Donc, la coupe du Mali devrait nous revenir. Mais Tiécoro Bagayoko a dit que les choses ne  se passeront pas comme ça. Les dirigeants réalistes ont refusé sa proposition selon laquelle le Djoliba gardera le trophée et le Réal va se contenter de la valeur de la coupe. Les choses en resteront là “.

L’autre fait marquant de cette finale jouée en deux éditions est le mal étrange et jusque-là inexpliqué qui l’a frappé. En effet, après la première manche, sa main droite s’est enflée, sans qu’une solution ne soit trouvée pour qu’il joue la deuxième édition. C’est seulement après  le coup de sifflet final de l’arbitre central que Seydou fut libéré de son mal. En quelques heures, sa main a retrouvé son état normal et aucun médicament ne lui a été administré. Est-ce l’effet de la chimie noire ? Difficile pour notre héros de le confirmer, parce qu’il n’accordait pas d’importance à ces détails. Toujours est-il qu’il n’a pas pu expliquer ce mal mystérieux.

Les blessures qui ont entravé à un moment donné sa progression, les défaites des Aigles en 1975, et en 1976 respectivement contre le Sénégal et la Côte d’Ivoire en éliminatoires de la CAN sont ses mauvais souvenirs.

Le vieux mystérieux de Nionsombougou

Nous avons parlé des qualités de Seydou Traoré N° 2 plus haut, parce que nous avons vécu son temps. Cependant lui poser aussi la question sur sa bonne conduite serait mieux. En ce sens qu’il permettra à nos lecteurs de découvrir la face cachée de l’homme. Comme réponse pour nous convaincre, Seydou Traoré N° 2 ne cherche pas loin. La bonne éducation reçue dans la famille, lui a servi de guide dans sa vie et durant sa carrière. Autrement dit, son comportement n’est que le reflet de l’image de sa famille. D’après lui, il se couchait au plus tard à 21H et mangeait dans le restaurant. Les dirigeants réalistes l’avaient abonné dans trois bons restaurants de Bamako : la Gondole, chez Lucien et Aux trois Caïmans. Il travaillait dur et ne connaissait pas la fatigue. Durant sa carrière, Seydou se rappelle d’une anecdote qui s’est produite lors des éliminatoires de la coupe du Mali qui a opposé l’équipe de Nionsombougou à l’AS Réal. Le même jour, le Stade malien de Bamako jouait à Kolokani, un fait à l’allure d’une anecdote a caractérisé ce match des Blancs de Bamako.  Modibo Doumbia dit Modibo 10 nous a dit qu’il a été relayé dans la ville qu’un malheur, sous la forme d’une mort brutale, frappera quiconque s’hasarderait à   marquer un but. Certes, la rumeur a produit ses effets jusqu’à un moment donné où le mythe sera brisé.

Pour les Scorpions c’est un autre scenario, mais qui mérite d’être raconté. Seydou Traoré N°2 revient sur le spectacle : ” Au cours de ce match, le Réal s’est vu mener au score par le minimum d’un but à zéro. Les attaquants ont tout fait et le ballon ne rentrait pas dans les filets. A la mi-temps, un habitant de Kolokani a informé les dirigeants du Réal de la présence d’un vieux derrière les buts de Nionsombougou. Ce vieux serait le malheur réaliste et tant qu’il demeurera à sa place, le Réal ne marquera pas. Un supporter du Réal, Racine Diallo, est parti agresser le vieux. Il l’a terrassé pour ensuite l’entrainer jusqu’au poteau de corner. A ce niveau, il l’a maitrisé par terre. Et en moins de dix minutes le Réal a égalisé, pour finalement s’imposer par 2 buts à 1. Racine avait aussi des connaissances mystiques, raison pour laquelle il s’est attaqué au vieux sans hésiter “.

Diplômé de la licence D et C, ce qui lui octroie la capacité de diriger une équipe de deuxième division ou seconder un entraineur de ligue I, Seydou Traoré N°2 ambitionne aujourd’hui de former les petits talibés pour en faire de grands joueurs. Son projet qui s’appellera “Garibou Champions” sera une première en Afrique et servira d’exemple sur le continent.

Dans sa retraite, il reconnait que le football lui a  tout donné, notamment du boulot et de grandes relations qu’il continue d’exploiter à présent  pour se faire un chemin dans la vie.                

  O. Roger Sissoko

Source: Aujourd`hui mali

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