Ancien international du Club Olympique de Bamako (COB), notre héros du jour dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” s’appelle René Kah. Il est parti en France très jeune, en 1977, pour des raisons d’études. Son cursus universitaire, sanctionné par un diplôme supérieur, le conduira directement à l’Assurance Maladie de France, où il a occupé le poste de Chargé public jusqu’à sa retraite en 2017. Agé de 67 ans, marié et père de quatre enfants, René Kah n’a jamais coupé le pont avec le pays. Ce qui le met au parfum de tout ce qui se passe au Mali. Son analyse et sa recette sur la crise du football malien sont assez illustratives. Il conclut à la culpabilité de tous les acteurs du football au Mali. Cette crise a forcément eu des ramifications à des degrés différents : des week end dégarnis, l’absence de commentaires des matches dans les “grins”. Selon René Kah, il est temps que les dirigeants se remettent en cause, qu’ils pensent à l’avenir des jeunes, et surtout qu’ils mettent l’intérêt national au-dessus de leurs ambitions personnelles. Il invite les protagonistes à œuvrer dans le bon sens pour faire le deuil d’une crise dont les conséquences ont assez impacté négativement le football malien. Qui est cet ancien joueur du COB ? Quel a été son parcours en club et en équipe nationale ? Ses bons et mauvais souvenirs ? Nous avons cherché à tout savoir sur l’enfant de N’Tomikorobougou.
Enfant d’un quartier populaire (N’Tomikorobougou) qui fait frontière avec d’autres non moins renommés (Bolibana, Darsalam, Badialan) et dans lesquels le football était (excusez-moi de parler au passé) une religion, René Kah a fait partie des jeunes talentueux, que le gouvernorat du District sélectionnait pour les semaines nationales et les biennales. Ces génies en herbe étaient détectés lors des compétitions inter quartiers. René Kah et ses compagnons d’infortune Moctar Sow, Salia Diakité évoluaient au FC Santos de N’Tomikorobougou où ils rivalisaient avec d’autres quartiers, à la faveur des coupes de vacances. C’est surtout la coupe du vieux Bakoroba non loin du cinéma ABC, qui a été l’élément déclencheur dans la carrière de ces jeunes du FC Santos.
Par l’intermédiaire d’un aîné, ils ont rejoint les cadets du COB, entrainés en son temps par Mamadou Traoré dit Tra en 1967 Au bout de deux ans, ils intègrent la catégorie des juniors. C’est à ce niveau que René Kah a commencé à se détacher du lot lors des matches de lever de rideau et du championnat junior.
Intronisé capitaine d’équipe, René Kah s’imposera comme la plaque tournante du milieu défensif olympien. Rivalisant le Djoliba, le Réal et le Stade malien de Bamako, qui lui barraient toujours la route pour remporter le titre de champion, le COB atteint la finale de la coupe du Mali en 1974 et s’inclina face au Djoliba par le score de 2 buts à 0. René Kah attribue cette défaite des Olympiens au manque de chance. Mais, selon lui, le seul fait d’atteindre la finale, est la preuve que sa génération avait de la valeur, et était engagée pour se faire valoir devant face aux ténors.
Est-ce un mauvais souvenir ? Bien sûr que oui, répond -il, mais en parlant de cette finale, sa voix tremblait et vacillait. Nous finirons par comprendre qu’il s’est souvenu d’un des acteurs du jour, en la personne de Joe Cuba, décédé dans ses mains en France. Il nous informa qu’il lui rendait quotidiennement visite à l’hôpital, où ils se sont dit beaucoup de choses. Malheureusement, la mort impitoyable s’est greffée dans leur projet, brisant du coup leurs espoirs. Ainsi va la vie.
Dans la cour des grands
La forme et l’ascension de Réné Kah au COB, convainquirent l’entraineur des Aigles, l’Allemand Karl. Il le sélectionné en équipe nationale à l’avant-veille de la CAN de Yaoundé 1972. C’est dans ce contexte qu’il a participé à tous les matches de préparation des Aigles, au Nigéria, en Chine, en Allemagne. Ce qui le réconforta d’ailleurs. Parce qu’il était convaincu qu’avec son jeune âge (19 ans), il avait beaucoup de choses à apprendre. Lorsqu’il n’a pas été retenu pour l’aventure camerounaise, il ne s’est pas du tout offusqué selon ses propres propos. Pourquoi ? René Kah donne ses arguments : “Ma seule convocation en équipe nationale était plus qu’un honneur à cette époque. J’étais très jeune, et ce n’est pas tous les entraineurs qui prennent le risque de jeter les jeunes dans la gueule du loup, dans une telle compétition de grand envergure comme la CAN. Le plus important pour moi était de démontrer lors des matches de préparation, que l’entraineur Karl pouvait compter sur moi dans l’avenir. Effectivement, après la CAN, j’ai continué à être convoqué, même après le départ de Karl. Il fallait cela. Mes différentes sélections en équipe nationale, en compagnie des Salif Keïta dit Domingo, Cheikna Traoré dit Kolo National, Kidian Diallo, Seydou Traoré dit Guatigui, Mamadou Kéïta dit Capi, Moussa Traoré dit Gigla, Cheick Fanta Mady Kéïta constituent pour moi des bons souvenirs”.
A peine que la défaite de Yaoundé est digérée, les Aigles renouent avec les nouvelles éliminatoires des Jeux Olympiques et des CAN de 1974, 1976, et 1978 avec ce fameux match contre la Côte d’Ivoire où les joueurs maliens étaient là pour démontrer que football malien a valeur. René Kah sans être titulaire à part entière fera toujours partie des différentes sélections de l’équipe nationale, jusqu’à son départ en France en 1977, pour des raisons d’études. Le COB est orphelin de son capitaine et meilleur milieu défensif. Avec ses qualités, la logique voudrait bien qu’il continue sa carrière footballistique dans l’hexagone. Seulement à son arrivée, ses ainés lui conseillèrent plutôt de se consacrer aux études, et d’utiliser le football comme un moyen de maintenir sa santé. Alors, sa carrière se referma malheureusement en 1977, date de son départ pour la France.
Comme mauvais souvenirs, René Kah pense à cette finale de coupe du Mali perdue contre le Djoliba en 1974, et le décès de Joe Cuba.
Dans la vie, il aime sa famille, son pays, l’entraide dans la cité, l’amitié. A l’opposé, il déteste le mensonge, la trahison, l’hypocrisie, la mauvaise foi des gens dans la société.
O. Roger Sissoko