Notre héros de la semaine dans le cadre de la rubrique ” Que sont-ils devenus ? ” s’appelle Moussa Kanouté. L’homme a consacré toute sa vie au football. Maître du second cycle, option Histoire-Géo, il revendique une carrière arbitrale de dix-huit ans, ponctuée par une reconversion dans l’administration du football. Compagnon d’infortune de Sidi Bekaye Magassa, Cheick Keïta, Sidi Sissoko, Cheick Oumar Dia et Nouhoum Traoré, il se sortait de toutes les situations difficiles. Quelle est son appréciation de l’arbitrage malien de nos jours qui s’est toujours distingué sur le plan Africain avec des grands comme Drissa Traoré dit Driboss, Modibo N’Diaye, Douga Dembélé, Seydou Traoré, Sidi Békaye Magassa, Dramane Danté et Koman Coulibaly ? Moussa Kanouté admet que la bonne continuation était assurée jusqu’à un moment donné par leurs cadets, notamment le trio Koman-Danté et Seydou Traoré dit le fils. Mais aujourd’hui le niveau de l’arbitrage a tendance à baisser, parce que les jeunes ne s’intéressent plus au métier. Quelle explication à cet état de fait ? Il estime que les anciens arbitres ne se sont pas trop engagés pour encourager les jeunes. Cependant, d’autres paramètres rentrent en ligne de compte. Sinon il était prévu de passer dans les facultés pour inciter les jeunes étudiants à embrasser l’arbitrage. Avec son reversement dans l’administration du football, Moussa Kanouté se dit loin des activités de la Commission centrale des Arbitres (CCA), et la Commission régionale des Arbitres (CRA). L’ancien professeur d’histoire et Géo à l’école fondamentale d’Hamdallaye marché, qui soutient que le football lui a tout donné, est fier d’avoir servi son pays non seulement en tant qu’arbitre, mais aussi en sa qualité d’administrateur de football où il ne cesse d’œuvrer pour rehausser le niveau technique des entraineurs maliens. Il serait plus que normal si un de ses enfants lui emboitait le pas, pour maintenir le flambeau de son père. Mais hélas ! Son garçon ne s’est jamais intéressé au football. Moussa Kanouté nous a reçus au siège de la Fédération Malienne de Football, sis à Hamdallaye A.C.I 2000.
Nous étions journaliste stagiaire pigiste au quotidien “Le Républicain” en 1998 sous la houlette de Sékou Tamboura, à l’époque chef du desk Sport, aujourd’hui promoteur et directeur de publication du journal Info Soir. En son temps l’arbitrage malien était décrié, et les arbitres étaient devenus des malpropres. Comme l’actualité l’imposait, le directeur de publication d’alors, Ibrahim Traoré dit Franky, profita d’une réunion de rédaction pour interpeller le chef du desk sport sur la question. A son entendement, Tamboura devrait faire un papier d’analyse sur le phénomène, et en même temps solliciter une interview du président de la Commission Centrale des Arbitres afin qu’il s’explique sur la désapprobation de ses hommes par l’opinion. C’est à ce titre que Sékou chargea votre serviteur de rencontrer le président de la CCA.
Jugement sans apriori !
Dans le bureau du patron des arbitres Souleymane Magassouba, nous tombons sur Moussa Kanouté au lendemain même d’un match Djoliba-Stade qui avait enregistré de graves incidents. Il a fallu toute sa poigne afin que le pire soit évité. Que s’était-il passé ?
Dans les ultimes minutes de ce classico malien, le but égalisateur du Stade a été refusé par l’arbitre assistant Mamadou Touré dit Crosso, pour position de hors-jeu. Le référé central n’hésita pas à l’intimer de rejoindre le rondpoint. Cette décision a créé de vives tensions sur l’aire de jeu et dans les gradins. Mais, le feu avait été maîtrisé.
Nous rappelons cet épisode pour démontrer à quel degré, Moussa Kanouté était un dur à cuire. Sinon son attitude ce jour n’était pas un événement pour nous. Pas Parce que nous étions d’accord avec sa décision, mais nous le connaissions dans les rues, plus précisément sur le terrain de l’ex CMTR (actuel GMS) où la coupe inter quartiers de l’UDPM occupait la jeunesse. Avec des équipes comme FC Kotontala, Union de Niomirambougou, Alliance, Benso FC et Sabu Nyuman, la tension et les accrochages entre les supporters, et les agressions verbales à l’encontre des arbitres étaient monnaie courante. Moussa Kanouté était l’un des rares arbitres qui officiaient ces matches à haut risque.
Donc, après notre rencontre avec le président de la CCA, il nous est revenu de poser une seule question à Moussa Kanouté. Il s’agissait pour lui de nous dire pourquoi il n’a peur ni sur le terrain, ni dans la rue ? L’ancien arbitre qui ne semblait pas être surpris par notre audace, a développé ses argumentations : “La mort ne se présente à l’homme qu’une seule fois. C’est-à-dire qu’on ne meurt pas deux fois, et il faut toujours mourir de quelque chose. Dans ma tête, je suis sur le terrain pour arbitrer en âme et conscience. Je n’ai pas d’apriori. Le public ne m’intéresse pas. Mon crédo : aller de l’avant et réussir. Bref, j’ignore l’environnement”.
C’est au début des années 1980, plus précisément en 1983 que Moussa Kanouté a décidé d’être arbitre de façon gratuite et spontanée. Il formera la même année un groupe indissociable avec les Cheick Oumar Dia, Sidi Bekaye Doumbia, Nouhoun Traoré, Cheick Kéïta, Yéhia Cissé, Ichiacka Diallo dit Makwasa, Sidi Bekaye Magassa. Ceux-ci avaient un atout : ils étaient solidaires et se fréquentaient mutuellement. Cette complicité collective créait un automatisme irréprochable sur le terrain. Et quand le président de la CCA a porté son choix sur Moussa Kanouté en 1985 (il était arbitre du District) pour diriger son secrétariat général ses camarades se sont dressés comme un seul homme pour l’encourager à accepter l’honneur que vient de lui faire le patron des arbitres. Parce que les jeunes arbitres en début de carrière se méfiaient de la CCA, qui a un pouvoir sur l’évolution en tant qu’arbitre. Pourquoi ce choix ? Difficile de donner une réponse exacte, mais ce qui est évident, la psychose de la CCA a failli le pousser à décliner l’offre.
Avec le renouvellement du bureau fédéral, Mady Fofana hérite de la CCA et il remplace Moussa Kanouté par Modibo N’Diaye. Lequel ne dépassera pas un an. La raison ? L’efficacité fait défaut. Moussa Kanouté, un instituteur méticuleux dans son quotidien, retourne à son poste, et ce jusqu’en 2001 date à laquelle la Fédération lui confie la gestion des compétitions internationales.
Concomitamment avec son poste de ségal de la CCA, il continue également de siffler. Arbitre de ligue en 1986, arbitre fédéral en 1988, il est promu au grade d’arbitre international en 1989. Cette décision de la FIFA de valider la proposition de la Femafoot, ouvre les pages d’une riche carrière internationale de plus d’une décennie.
L’homme aux 112 matches
A l’actif de Moussa Kanouté : la CAN junior organisée au Maroc (1997), la première phase finale de la CAN féminine au Nigéria (1998), les Jeux de la Francophonie au Canada (1999), la finale retour de la coupe CAF entre JS Kabylie et l’Etoile Sportive de Sousse, trois finales de coupes du Mali (1996, 1997, 2001), le tournoi de l’Amitié à Ouagadougou, où il est enlève le prix du meilleur arbitre de la compétition. Il revendique 112 matches toutes compétitions confondues (éliminatoires de CAN, de coupes inter clubs et de phases finales).
C’est en 2001 que Moussa Kanouté prend sa retraite, un an après Sidi Békaye Magassa. Immédiatement, la Femafoot le recrute pour lui confier la gestion des compétitions internationales.
En 2014, à la faveur du Projet initié par la FIFA pour le développement du football, il est sélectionné pour piloter le volet malien. Ce qui fait de lui Officier de l’Education CAF- Femafoot, Coordinateur des Cours et Formations. Dans son rôle d’interface entre la Fédération et l’instance suprême du football mondial, il travaille avec la Direction technique nationale. C’est à ce titre qu’il a organisé une série de formations des entraineurs de niveau licence C, B, A.
Le constat amer est que la crise qui secoue notre football depuis quelques années a fait échouer des projets de développement pour notre pays. L’ancien arbitre nous a montré au moins cinq projets que la FIFA devrait financer. Malheureusement, ils sont tombés dans l’eau. Une fois de plus, c’est dommage pour notre football, et surtout l’avenir de nos jeunes ! Ledit projet a pris fin le 31 décembre 2018 ; et pour le moment aucune disposition n’a été prise pour son renouvellement. Toujours est-il que Moussa Kanouté continue à occuper son poste de chargé de compétitions internationales.
Faudrait-il rappeler qu’à l’époque où la génération embrassait l’arbitrage, les agressions faisaient parties du quotidien des hommes en noir. Soit sur le terrain, soit dans les rues de Bamako. D’ailleurs, pour parler de ses mauvais souvenirs, il revient sur un cas : “L’un de mes mauvais souvenirs est consécutif à l’agression barbare dont a été victime mon ami Sidi Békaye Magassa en 1988, de la part des militaires. Je n’étais pas à Kayes, mais la façon dont la scène m’a été narrée, met en évidence toute la barbarie dont il a souffert. Quand nous sommes allés accueillir Békaye à la gare, il était encore sous le choc. Cela m’a fait mal et je ne saurai oublier. Sinon, par rapport aux bons souvenirs j’en ai pleins. Notamment le sacre des Aiglonnets au Niger en 2015, après avoir été repêché suite à une réserve sur le Bénin, encore à Libreville en 2017, et surtout la troisième place des Aiglons à la Coupe du monde en 2015 en Nouvelle Zélande”.
Regrette-t-il aujourd’hui de n’avoir pas fait une chose qui lui tenait à cœur ? Moussa Kanouté dit non, tout en se sentant honoré et fier. Parce que durant sa carrière d’arbitre et d’administrateur de football, il n’a jamais eu de problèmes avec qui que ce soit.
Marié, Moussa Kanouté est père de deux enfants : une fille, un garçon.
O. Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui-Mali