La rivalité entre le Djoliba athlétique club et le Stade malien de Bamako a toujours existé et reste d’actualité de nos jours. Pourtant, Mamadou Seydou Traoré dit Babou, ancien basketteur international des Rouges, qui soutient que le Djoliba c’est sa vie, a toujours porté le maillot du Stade lors des sorties internationales. D’ailleurs, c’est au lendemain d’une élimination arbitraire des Blancs en coupe d’Afrique à laquelle il a pris part à Bangui (Centrafrique) en 1975, qu’il a mûri l’idée de mettre fin à sa carrière. Parce que selon lui, le Stade méritait cette coupe d’Afrique de clubs champions de basketball. Pourquoi son attachement au Stade à un moment où Tiécoro Bagayoko ne voyait rien que les intérêts du Djoliba ? Babou estime que la rivalité entre les deux clubs s’arrêtait sur le plancher. Après, c’était la retrouvaille au grin entre un groupe d’amis, où la bonne éducation et l’intérêt du Mali, en tout lieu, prévalaient. Vous l’aurez deviné, Mamadou Seydou Traoré est notre héros du jour dans le cadre de la rubrique hebdomadaire ” Que sont-ils devenus ? “. Il nous a reçus dans son bureau privé sis à Niaréla. L’entretien a porté sur l’homme en tant que basketteur, joueur de football pour avoir marqué le premier but sur corner direct au Stade Omnisports en 1968 et administrateur de classe exceptionnelle, ayant occupé de hautes fonctions dans les sphères de l’administration malienne.
n détail manquait quand la direction du journal nous proposa Mamadou Seydou Traoré dit Babou. C’est-à-dire son contact. Et comment l’avoir ? Certes, il est un homme connu pour son palmarès et sa carrière administrative évoqués plus haut. Mais il n’a pas été facile pour nous d’avoir des indices pour le localiser. Heureusement, que nous avons pensé encore à Aïssata Guinto, ancienne internationale de basketball du Stade malien de Bamako, des Aigles du Mali et de l’As Bopp de Dakar. Et comme nous nous y attendions, elle nous a facilités le travail. Depuis son passage dans votre rubrique préférée en septembre 2017, l’amie inséparable et complice de Sali Dembélé accorde une importance particulière à tout ce que nous faisons. La preuve ? Aïssata Guinto ne se lasse d’appeler la direction du journal pour donner son point de vue et faire des propositions par rapport aux anciennes gloires du sport malien. Nous lui en serons toujours reconnaissants.
Administrateur civil chevronné
Comme à ses habitudes, quand elle nous a donné les renseignements sur Babou, la localisation de cette icône du basketball malien et de l’administration malienne a été facile. Et nous nous rencontrons à Niaréla.
L’organisation de Babou rappelle des héros qui ont passé dans cette rubrique : les journalistes Djibril M’Bodge et Baba Djourté, et, (encore elle), Aïssata Guinto. En effet, ils ont la particularité de retracer leur vie dans leur ordinateur dont la consultation facilite le reportage. Mais puisque l’interview directe donne un cachet à notre travail, il fallait adresser à Babou des questions réponses. Très franchement, nous nous sommes retrouvés dans un dilemme entre la carrière de Babou en tant que basketteur et son profil d’administrateur civil.
Son histoire avec le basketball malien commence en 1968, quand on lui refusa une bourse d’études sur l’Allemagne. La raison ? Le Mali comptait sur lui pour les Jeux africains, qui n’auront d’ailleurs plus lieu. Mais le tort est déjà causé. C’est ainsi que Babou fut orienté à l’Ensup, qu’il refusa d’un revers de la main. Et pour bénéficier d’un transfert, il n’a pas hésité un instant à exprimer sa désapprobation au plus haut niveau. Parce que selon lui, on ne saurait l’empêcher d’étudier à l’extérieur “pour raison d’intérêt national”, et lui refuser de faire son choix sur la suite à donner à son parcours scolaire. Contre vents et marées, Babou obtiendra sa réorientation à l’Ecole nationale d’Administration (Ena).
Fraichement sorti de cette prestigieuse école en 1975, il est nommé chef de Service clientèle de la Régie des chemins de fer du Mali. Quatre ans plus tard, en 1979, il est nommé adjoint au Commandant de cercle de Kolokani, puis Commandant de cercle de Bougouni.
En 1981, il monte de grade pour se retrouver Conseiller aux Affaires administratives du Gouvernorat de Mopti. Deux ans après, en 1983, il retourne à Bamako pour occuper le poste d’Inspecteur de l’Intérieur. Il ne sera resté qu’un an, puisqu’il est sollicité pour diriger le Cabinet du gouverneur de Sikasso. Après toutes ces responsabilités dans le commandement, Babou est nommé gouverneur de la région de Sikasso en 1990.
Sous le prétexte d’injecter du sang neuf à l’administration, on releva plusieurs cadres en 1991. Babou fait partie du lot. Il retrouvera l’Inspection de l’intérieur pour la deuxième fois.
En 1996, il est nommé Inspecteur en chef au Ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité, puis chef de Cabinet dans le même Département durant deux ans, de 1998 à 2000. C’est de là qu’il deviendra expert de la Cellule d’appui au processus électoral et cela, pendant trois ans.
L’année 2003 consacre son ascension par sa nomination comme secrétaire général du Ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales. Ce sera son dernier poste dans l’administration. Il fait valoir ses droits à la retraite en décembre 2009.
Eternel capitaine
En écoutant religieusement le vieux Babou, on se rend compte qu’il a pratiqué le football et le basketball à la même période. C’est-à-dire au début des années 1960, avec son orientation au lycée Terrassons de Fougères. Gardien de but étiqueté du sobriquet de Liev Yachine (l’emblématique portier soviétique considéré comme le plus grand de l’histoire), il finit au poste de latéral gauche et ses coéquipiers lui donnèrent le surnom de Fachety, pour parler du très teigneux défenseur italien.
En 1964, il est sélectionné en équipe nationale junior et rejoint également l’équipe de basket du Djoliba AC, son club de cœur. Il n’aura fait que quelques séances d’entrainement. L’entraineur des Rouges n’hésita pas à convaincre son collègue du football à se passer des services du jeune Babou parce qu’après avoir porté sur son dos durant trois ans l’équipe de basket du lycée Terrassons de Fougères par sa magnanimité, il commençait déjà à tracer les sillons d’un bel avenir au Djoliba. Les compétitions scolaires font découvrir un génie dans le maniement de la balle au panier. A moins de 20 ans, il est la coqueluche du lycée et l’attraction des jeunes filles, jusqu’à créer l’instabilité au lycée de filles situé à environ 100 m. Et pour cause ! Un jour, le proviseur du lycée de filles est venu exprimer son ras de bol à son homologue du Terrassons de Fougères. Il s’est dit dépassé par les querelles incessantes de ses élèves à cause d’un certain Mamadou Seydou Traoré dit Babou. Pour toute explication à cet état de fait, il convoqua son homologue du lycée de filles à un match de basketball. Ce jour là, Babou sortit le grand jeu comme s’il se savait au centre d’un enjeu. A la fin du match, ledit professeur vint lui serrer la main, tout en se disant intérieurement que la concurrence des filles n’était pas fortuite.
Son entraineur, Many Djénépo, se chargea de forger le talent du jeune Babou, en lui inculquant des notions pour parfaire ses qualités de basketteur expérimenté. Une saison suffira pour qu’il se fasse entendre sur le plancher et imposer sa sélection en équipe nationale.
Dès sa première sortie internationale au Cameroun, en 1965, il hérite du brassard de capitaine. Il portera cette responsabilité jusqu’en 1975, date à laquelle Babou met fin à sa carrière. Les raisons ? L’engagement, la qualité du jeu, les ambitions avec la nouvelle génération différaient. En plus et surtout, il ne parvenait pas à se défaire de cette élimination injuste du Stade malien la même année lors du championnat d’Afrique des clubs au Caire où les Blancs l’avaient sélectionné pour renforcer leur effectif.
Après cette retraite, il s’est intéressé à la formation des jeunes. Et c’est à juste titre que Babou dit avoir contribué à la suprématie des filles du Djoliba à l’époque. Son emploi du temps professionnel et sa mutation à l’intérieur l’ont éloigné du plancher un moment. Mais avec le basketball dans son sang, Mamadou Seydou Traoré rejoint l’administration de la balle au panier et occupe les postes de directeur technique national en 1977 et de secrétaire général adjoint de la Fédération de 1978 à 1979.
Après, il fait un saut au niveau de la ligue de Bamako en tant que premier vice-président au début des années 1980. Sous le règne de l’ex ministre Hamane Niang, il a occupé la première vice-présidence de la Fédération malienne de basketball. Actuellement, il dirige l’Amicale des anciens basketteurs du Mali (Abm).
Grand administrateur, Babou l’a été, mais aussi un grand basketteur au parcours honorable, matérialisé par le sacre en 1968 du tournoi de l’Oers organisé à Bamako, deux championnats d’Afrique de nations où le Mali occupa la quatrième place au Maroc en 1968 et la troisième place à Dakar (1972), les Jeux Africains. Dommage que notre pays soit éliminé aux Jeux Africains du Nigeria en 1975.
A tout ce parcours, il faut ajouter le festival mondial de la jeunesse que la Bulgarie a abritée en 1967, deux championnats d’Afrique avec le Stade malien de Bamako, notamment en 1971 à Bangui, et 1975 au Caire.
Avec le Djoliba, Babou a remporté deux coupes du Mali : 1965, 1966. Et les mauvais souvenirs de Babou. L’ancien administrateur et basketteur revient sur l’une des pages sombres de sa carrière “Comme mauvais souvenirs, je retiens les deux défaites du Stade malien de Bamako respectivement en Centrafrique et en Egypte. Pour l’aventure de Bangui, les Blancs de Bamako ont été éliminés pour un problème de maillot. Je reste convaincu qu’on avait toutes les chances pour remporter cette coupe. Autre coup dur de ma carrière, l’élimination du Mali aux Jeux Africains de 1975. Pour ce qui concerne mes bons souvenirs, ils sont quand même nombreux. Entre autres, je peux citer mon titre de meilleur joueur à Bangui, le titre du tournoi de l’Oers en 1968 à Bamako, ma première sélection en équipe nationale, l’amitié avec ces joueurs des autres clubs”.
Grand officier de l’Ordre national du Mali depuis 2017, après celui de la Légion d’Honneur de France en 2005, Mamadou Seydou Traoré évolue désormais dans les consultations privées, suite logique de sa riche carrière administrative.
O. Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui-Mali