Hamidou Kéïta est l’un des rares joueurs du Nianan de Koulikoro voire de la région tout court qui a fait une carrière de 15 ans, avec une constance, une discipline et une simplicité inégalées. Le fait de le considérer comme une légende vivante de l’histoire du football du Méguetan ne relève point de la complaisance. Gardien de but de son état, et capitaine d’équipe, il a ” porté sur son dos ” le Nianan jusqu’à sa retraite, pour ensuite intégrer l’encadrement technique comme entraineur adjoint, puis comme préparateur physique. Hamidou Kéïta a joué et perdu deux finales de Coupe du Mali. Selon lui, dans un match de football, il faut toujours un vainqueur. Et dans une rencontre de coupe, une équipe peut gagner ou perdre à partir d’un petit détail. Nous avons rencontré Hamidou Kéïta dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Qu’est ce qui explique sa loyauté vis-à-vis du Nianan ? Pourquoi a-t-il décliné l’offre des grands clubs ? Pourquoi a-t-il intégré l’encadrement technique du club ? Les réponses de l’emblématique gardien du Nianan de Koulikoro.
Hamidou Kéïta a joué comme avant-centre, libéro et gardien de but. Il a occupé tous ces postes avec brio. En 1989, en ¼ de finale aller de la Coupe du Mali contre le Stade malien de Bamako au stade omnisports, il a évolué à la pointe pour animer l’attaque koulikoroise, et au match retour il garda les buts. C’est l’entraineur Cheick Oumar Koné qui l’intronisa portier pour de bon à son arrivée au Nianan.
Le destin au Nianan de Koulikoro
Sociétaire du FC Plateau de Kayes, il est repéré comme bon nombre d’enfants dans les coupes inter quartiers et inter scolaires dans les années 1980-1981. Son nom et ses prestations ont fait le tour de la ville, et la problématique de son transfert au Sigui de Kayes s’est posée, pour faire valoir ses qualités de jeune gardien. Une fois dans l’équipe régionale, il garde le banc sans s’offusquer. Parce que le bon moment viendra pour qu’il s’impose, pourvu qu’il patiente en respectant l’ordre préétabli.
En 1982, à la faveur d’un match de championnat qui a opposé l’AS Biton de Ségou au Sigui de Kayes, le gardien titulaire kayésien a été défaillant. Avant même la mi-temps, l’encadrement technique décida de donner la chance au jeune Hamidou Keïta. Apparemment le secrétaire général de l’équipe n’était pas de cet avis, et le fait de dire que la licence du jeune gardien n’est qualifiée le démontre à suffisance. No comment !
Face à ce comportement de l’administrateur du Sigui, Hamidou soutient qu’il n’a pas réagi, pour avoir gardé son sang-froid. A-t-il pris une décision sur le coup ? Pourquoi il n’a pas réagi malgré le dédain dont il a été victime ? Hamidou se souvient : “Je n’ai rien dit parce que j’étais avec mes ainés. Donc, je ne devrais pas adopter un certain comportement. J’étais très choqué, mais il fallait savoir raison garder. Au retour de la délégation à Kayes, le neveu de Kassoum Coulibaly dit Yambox m’a remis le transport pour aller jouer au COB. C’est lui qui m’avait recommandé à son oncle, afin que celui-ci prenne des dispositions pour me transférer au COB. Effectivement, je suis venu à Bamako, où les dirigeants m’ont fait embaucher aux Etablissement Mamadou Sada Diallo. Malheureusement, nous n’avons pas pu nous entendre sur ma régularité aux entrainements, parce que mon emploi du temps était chargé.”
Sur ce, son séjour au COB s’est écourté. Son frère, du nom de Mahamadou Kéïta dit Kéïta Blanc, secrétaire général du Nianan de Koulikoro provoque son destin dans l’équipe régionale du Méguetan. Les responsables ont tout mis en œuvre pour qu’il soit recruté au cercle de Koulikoro, et tout est allé très vite.
Hamidou Kéïta est allé dans le Méguetan, pour ne plus jamais quitter, déclinant toutes les propositions des grands clubs de la capitale et du pays.
D’abord en 1988, en prélude aux éliminatoires de la coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe, les dirigeants du Sigui de Kayes l’ont sollicité pour renforcer l’équipe après son sacre en coupe du Mali en 1987. Pour la circonstance, Mady Fofana (ancien président de la Commission centrale des Arbitres, et originaire de la région) a même fait muter Hamidou à Kayes. Suite à ces tractations administratives, le frère du joueur a été mal compris, parce que le gouverneur et les supporters du Nianan ont cru à sa complicité. Finalement, tout est rentré dans l’ordre, et Hamidou est resté.
Rien que de bons souvenirs !
La même année, d’autres clubs de Bamako l’ont approché discrètement, mais l’enfant de Kayes est resté fidèle au Nianan. Cela du fait de l’influence de son frère ainé, envers lequel il a une considération et un respect religieux.
Sans démagogie, force est de reconnaitre que Hamidou s’est donné sans retenue durant sa carrière pour tracer les belles pages de l’histoire du football du Méguetan, auréolée par trois finales de coupes du Mali toutes perdues face au Stade malien de Bamako en 1994 et 1999, et le Djoliba AC en 2004. Mais il avait pris déjà sa retraite quand le Nianan jouait sa dernière finale, et était dans l’encadrement technique. Pour magnifier ses atouts de bon gardien de but, Kidian Diallo le sélectionna en équipe nationale pour eux matches amicaux au Burkina Faso en 1987.
Ensuite, c’est le coach feu Mamadou Kéïta dit Capi qui le prend pour les préparations de la phase finale de la CAN de Tunisie 1994, avec Ousmane Farota et Karamoko Kéïta. Malheureusement, un mal de genou le fait aliter avec plâtre. Le temps du traitement et de la rééducation contraint Capi à revoir son schéma par rapport au choix des gardiens. Du coup, il rate l’occasion de participer à une CAN.
Comment il a géré cette déception ?
L’enfant de Kayes donne des explications : “Dans la vie, il faut savoir s’adapter aux réalités dès l’instant qu’on ne peut rien contre la volonté de Dieu. Les uns et les autres ont tenté de donner une autre interprétation à ce mal de genou anodin, mais qui a tout gâché. Il fallait éviter de tomber dans les banalités au risque d’accuser ou de soupçonner qui que ce soit. Bref, j’ai compris que tout dépend du bon Dieu, et j’ai tourné la page pour continuer à m’entrainer.”
Certes, il a repris la compétition, mais souffrira toujours de son mal de genou qui se déclarait de façon de temps à autre. Hamidou s’est battu avec les douleurs jusqu’à jouer sa deuxième finale de coupe du Mali en 1999. Un an après, il prend sa retraite parce que les douleurs l’empêchaient de faire certains mouvements dans les buts. Au moment d’arrêter, il avait décidé de quitter le domaine sportif pour se consacrer à sa famille et à son boulot. Mais l’entraineur du Nianan à l’époque, Cheick Oumar Koné, le convainc de rester à ses côtés dans l’encadrement technique. C’est dans ce cadre qu’il a été l’adjoint de tous les entraineurs qui ont dirigé l’équipe régionale.
De 2005 à 2010, il occupa les mêmes postes à la Jeanne d’Arc de Bamako. Il passera également cinq ans à la barre technique du COB, séjour sanctionné par une coupe du Mali et une super coupe en 2011. Et depuis 2017, il a rejoint le Stade malien de Malien de Bamako comme préparateur des gardiens de buts. Pendant ce temps, Hamidou en a profité pour faire des formations d’entraineurs, jusqu’à avoir la licence B de la Confédération africaine de Football(CAF).
Aujourd’hui, qu’est ce qu’il retient comme bons et mauvais souvenirs ? Quels sont ses désirs et totems ?
Notre héros répond : “Je retiens comme bons souvenirs toute cette ambiance lors des regroupements de l’équipe nationale où l’animosité n’avait pas sa place. Pour preuve, mon camarade Ousmane Farota ne cesse de m’appeler pour prendre de mes nouvelles, chaque fois qu’il me perd de vue. Mieux, il m’envoie régulièrement de l’argent sans que je ne le lui demande. Cela est réconfortant et est consécutif à nos rapports à l’internat. Autre bons souvenirs : mes deux finales de coupes du Mali perdues. Dans la vie, il faut savoir surmonter les obstacles. Raison pour laquelle je n’ai pas de mauvais souvenirs au sens réel du terme. Je n’aime que le sport et la lecture. Cependant, je déteste l’injustice, parce qu’elle fait toujours des victimes innocentes.”
Agé de 56 ans (il est né le 14 novembre 1963 à Kayes), marié et père de 5 enfants dont une fille, Hamidou Kéïta dit devoir beaucoup au football. Il serait difficile pour lui d’affirmer qu’il n’a pas tiré profit de la discipline. Parce qu’au moins il s’est créé un foyer, un boulot, des relations qui lui permettent aujourd’hui de vivre dignement. O. Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui-Mali