L’ancien gardien de but international des Onze Créateurs et du Djoliba AC, Cheick Oumar Bathily atterrit dans le temple de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” Sa morphologie fait penser à un certain Joseph Antoine Bell du Cameroun. Il ne s’agit pas là de les comparer, mais juste signaler qu’ils ont des similitudes : longue relance, détente aérienne. Bathily se distingue par d’autres qualités que nous développerons ci-dessous. Comment il est devenu gardien de but ? Quelle fut sa carrière ? Sa retraite ? Son avis sur le Djoliba. L’ancien capitaine des Rouges nous a entretenu sur toutes ces questions.
Cheick Oumar Bathily fait partie de cette génération du Djoliba qui a de façon répétitive eu de la peine à se qualifier pour la phase de poule de la Ligue des champions. Sur son chemin pour expliquer ces échecs, l’Espérance de Tunis, le Tout Puissant Mazembé du Congo, le Zesco United de Zambie et le Club africain de Tunis. Malgré tout ladite génération a disputé trois phases finales de la Coupe Caf avec même une finale perdue en 2012 face au Léopards de Dolizi.
Aujourd’hui l’avis de Cheick Oumar Bathily sur la qualification historique de son club est sans équivoque. “La phase de poule de la Ligue était plus qu’une priorité pour tous les acteurs du football malien. Chaque équipe aspirait à y accéder, et qu’est-ce que les dirigeants du Djoliba n’ont pas fait pour briser ce mythe. Mais en vain !!! Nos aînés et notre génération avons échoué. Si aujourd’hui les jeunes ont réussi, cela est réconfortant et dénote du travail bien fait de l’encadrement technique et des gros efforts des dirigeants avec le soutien des supporters. Tout en saluant cette qualification historique du Djoliba, je dis félicitations aux jeunes, mais aussi leur souhaite une bonne chance. Ils ont réalisé l’essentiel, le plus difficile réside dans l’avenir”. Mais en deux sorties, un seul point engrangé. Est-ce à dire que le Djoliba n’a pas le niveau requis de la compétition ? “Non, enchaine-t-il, pour un début ce n’est pas très mauvais, ni un départ négatif souhaité. Tout peut s’arranger. Faudrait-il que l’encadrement technique ait les arguments nécessaires pour doper le moral des jeunes.
C’est le football, tout reste possible et le Djoliba jouera jusqu’au bout. Il ne faut pas vite baisser les bras. Au pire des cas, ce n’est pas la fin du monde. C’est une première expérience qui servira de leçon et de boussole pour les échéances futures. Toute la famille du Djoliba tirera tous les enseignements utiles”.
Son parcours footballistique rappelle celui d’un militaire en temps normal. C’est-à-dire homme de rang, sous-officier, officier. Comprenez par là que Bathily a suivi le cursus normal jusqu’en équipe nationale A.
– 1999 Can des cadets en Guinée-Conakry, la Coupe du monde jouée la même année en Nouvelle Zélande ;
– Can junior, Ethiopie 2001, Jeux olympiques en Athènes en 2003, et la Can senior de Tunis 2004.
Epreuves et preuves
Paradoxalement, l’ancien gardien des Rouges se plaint amèrement et ne comprend pas d’ailleurs les motivations de cette discrimination vis-à-vis de sa personne. Autrement dit, il est convaincu que sa carrière pouvait le conduire plus loin. Mais qu’est-ce qui s’est passé pour son cas précis. “Il est incontestable que j’ai été un joueur constant du point de vue grande forme. Ce qui explique ma sélection dans les différentes équipes nationales. Mais il faut reconnaitre que j’ai été victime d’injustice. Une situation qui a entravé la belle carrière à laquelle j’étais prédestinée. Mes écartements de dernière minute pour les phases finales de Can (2006 à 2010) sont incompréhensibles. Pour l’édition de 2010, jouée en Angola, on m’a délivré un nouveau passeport. Parce que j’étais retenu sur la liste définitive. A la Fédération, une relation m’a même montré ladite liste. Mais à sa publication j’ai été recalé. Très étonnant !!!”.
Cheick Oumar Bathily était un gardien de but dont le sens de l’anticipation réparait les erreurs de sa défense. Mieux rarement les balles transversales le dominaient dans sa zone de vérité. Véritable leader, il régnait en maître absolu sur le terrain et contestait ou empêchait même parfois le changement d’un joueur. Imbattable sur les assauts individuels, Bathily avait également l’art de jouer des deux pieds pour rentabiliser les passes en retrait. Ajouté à tout cela un petit secret pour arrêter les penalties. Pourtant son statut de gardien relève d’un pur hasard. Comment ?
A ses débuts il était un buteur de Flèche Noir, son club de quartier, mais avec des atouts naturels de gardien de but inexplicables. Ce poste ne plaisait pas trop à sa famille. Parce qu’elle estimait qu’il ne débouche pas sur un bel avenir dans le temps. Alors à quelques minutes d’une demi-finale de compétition inter quartiers, son grand frère lui instruit de garder les buts.
Le titulaire est absent et Bathily est convalescent. Le risque finit par prendre le dessus et il s’impose ce jour comme l’homme du match en offrant la victoire à son club au terme des tirs au but. A la fin de la rencontre, le président des Onze Créateurs sélectionne cinq joueurs de Flèche Noire et insiste sur le cas du portier Cheick Oumar Bathily.
En son temps le football ne figurait pas au premier plan de ses ambitions. Donc il traine les pieds pour s’entraîner avec le club de Niaréla. Son grand frère le contraint à s’exécuter. Ses débuts dans cette équipe en 1997 n’ont pas été à hauteur de souhait. L’encadrement technique le minimisait et se fondait sur sa petite taille pour l’écarter insidieusement.
Le président du club qui l’a fait venir, prend ses responsabilités et oblige les techniciens à lui donner sa chance. Cheick Oumar Bathily n’attendait que cela pour démontrer que ses qualités constituent le point de différence avec ses éventuels concurrents.
En un laps de temps, le jeune portier revient de loin et convainc l’entraineur. Par ses prestations soutenues par la grande forme et sa vivacité dans les buts, il brise le mythe selon lequel il est difficile d’intégrer l’équipe nationale à partir d’un petit club. Sa participation aux Can cadette et junior fait de lui une cible des grands clubs.
Le DAC en embuscade
Les dirigeants du Djoliba le contactent à l’internat parce que la période des transferts coïncidait avec la Can. Ils anticipent avec trois propositions : une moto, la somme de 500 000 F CFA et un salaire mensuel garanti. Bathily accepte et signe au Djoliba, où il fut un maillon important du club, pendant plus d’une décennie avec cinq coupes du Mali (2003, 2004, 2007, 2008, 2009) et trois titres de champion (2004, 2008, 2009).
Une constance et un leadership au Djoliba qui lui ont permis de rester à l’équipe nationale durant tout ce temps. C’est de là que Cheick Oumar Bathily soutient mordicus que sa carrière pouvait l’amener loin. Au moins pas dans des pays comme l’Iran ou Djibouti. Parce que si les sélections pour les différentes Can avaient eu lieu dans les règles, dans la logique et sans autre forme de considération, il aurait décroché un contrat juteux. Seulement à l’impossible nul n’est tenu. A défaut, il se contente d’une aventure en Iran pour deux saisons (2010-2012).
En 2013, il retourne au Djoliba pour un an, et rebondit au Maroc. Il passe la saison 2013-2014 au Duguwolofila avant de signer à l’AS Port de Djibouti (2014-2017).
La grande crise du football malien précipite sa retraite. Il fait le constat amer que le sport roi est pris en otage et que la situation n’était pas profitable aux jeunes qui veulent et vivent du football. Sinon comment comprendre que les voyages à l’extérieur avec le Djoliba et les équipes nationales, les mises au vert ont eu raison de ses études ? Oui après le bac en série sciences humaines, Cheick Oumar Bathily a été orienté à l’Institut universitaire de gestion (IUG).
Face à cet échec, accentué par une retraite footballistique anticipée, il s’est résigné à entreprendre d’autres activités. Il suit depuis toutes les formations d’entraineurs organisées par la Fédération malienne de football. Il est propriétaire aussi d’une agence immobilière multidisciplinaire. Il gagne sa vie dans cette entreprise. L’homme est marié et père d’une fille. Dans la vie, sa passion demeure le football. Il déteste la médiocrité et l’hypocrisie.
O.Roger Sissoko
Source : Aujourd’hui-Mali