Produit de l’AS Vita Club d’Hamdallaye, milieu récupérateur au Stade malien de Bamako, défenseur teigneux en équipe nationale, Boubacar Nientao est notre héros de la semaine, dans le contexte de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Jamais défaillant, endurant sur le terrain, Nientao était un joueur vigilant, athlétique doté d’un sens aigu de l’anticipation. Le secret de cette constance, selon lui, n’était autre chose que la discipline qu’il s’est inculquée : se coucher très tôt la nuit, s’entraîner individuellement, ne pas tricher, incarner le sérieux sur un terrain de football. Dans le souci de “ressusciter” les anciennes gloires de toutes les couches confondues, nous avons déniché Boubacar Nientao. Cela fait plus de quinze ans qu’il a disparu de la scène footballistique malienne. En 2003, en fin de carrière, il s’est exilé en France, après des pérégrinations entre le Mali, l’Egypte et le Qatar. Dans l’interview qu’il nous a accordée, il revient sur son parcours, émaillé de faits mystérieux. On retient globalement que malgré les difficultés, Nientao a brisé les obstacles pour donner une nouvelle orientation à sa vie. Les détails !
‘infatigable Aly Koïta dit Faye (entraineur des catégories d’âge du Djoliba) a regretté d’avoir remercié Boubacar Nientao, à la suite de deux séances d’entrainement. Certes, il a tenté de rectifier le tir, en chargeant son adjoint Issoufa Diallo de faire revenir le jeunot de l’AS Vita Club. Mais c’était trop tard, Nientao choqué par l’attitude du technicien djolibiste opta pour un plan B. C’est-à-dire tenter sa chance au Stade malien de Bamako, dont le terrain d’entrainement se trouvait à seulement quelques 300 mètres de son domicile. Pour la circonstance, il n’a pu localiser la maison de Lamine Traoré dit Jules, entraîneur des minimes, cadets et juniors du Stade qu’à 23 H30 mn. Une visite à une heure aussi tardive de la nuit est quand étonnante, et fait peur. Jules, après avoir écouté Boubacar Nientao, lui donna rendez-vous pour le lendemain au terrain.
Un produit de Jules
Comme convenu, Nientao commença les entrainements avec les juniors du Stade Malien de Bamako au milieu de la saison 1991-1992. Jules, sans trop de commentaires lui conseilla d’être courageux, car son avenir dépendrait de sa volonté de réussir, lui dit-il. Le jeune Nientao promet au technicien d’être à hauteur de souhait, à travers le championnat junior, et les matches amicaux.
Au tournoi d’ouverture de la saison 1992-1993, sponsorisé par l’ex BMCD, l’entraîneur de l’équipe sénior Banta Diabaté s’est rabattu sur les juniors, tous les cadres n’ayant pas repris les entrainements.
Les Arouna Macalou, Ibrahima Koné dit Aba, Ousmane Guindo, Boubacar Nientao sont appelés à la relève. Ces jeunes ont répondu à l’appel. D’ailleurs, il n’en fallait pas plus pour que l’AS Réal et le Djoliba fassent les frais de leur détermination. A partir de ce début de saison, Nientao s’empare du grade de titulaire en tant que milieu récupérateur. Sélectionné en équipe nationale pour les éliminatoires de la CAN Junior, Nigéria 1995, Mory Goïta le plaça dans l’axe, pour traquer les attaquants. Dès lors, l’encadrement stadiste le maintient à ce poste, où il s’est montré encore plus utile qu’au milieu.
Le sélectionneur national, Mamadou Keïta “Capi”, qui venait de qualifier les Aigles à la phase finale de la CAN de Tunis, était également à la recherche d’une équipe homogène. Il convoqua Boubacar Nientao pour les matches de préparation. Malgré ses qualités de défenseur teigneux, il lui dit qu’il ne voudra pas l’amener à Tunis, et l’abonner au banc de touche, alors qu’il est titulaire avec les juniors. Capi lui demanda même de ne pas prendre cela en mal. Tout compte fait, après la CAN, il le convoquera en équipe nationale comme pour dire qu’il comptait sur lui.
Constant dans la forme, Nientao rebondira avec les Aigles, et devient un maillon incontournable du bastion défensif des Aigles, jusqu’à sa retraite internationale en 2003.
Entre temps, d’une part, avec le Stade malien de Bamako, il a remporté, trois coupes du Mali (1994, 1995,1997), réalisé un doublé ( 1995), et d’autre part, il a décroché un contrat en Egypte en 1997.
Bonjour les malheurs !
Durant cette aventure, il est victime d’un malheur. Quel est ce malheur mystérieux qui a fini par déglinguer sa carrière, et surtout saper son moral? Nientao explique : “C’est par l’intermédiaire d’un entraîneur égyptien du nom d’Oman, que j’ai signé un contrat de quatre ans avec El Shams Club d’Egypte. De là, un journaliste m’informa des pré pourparlers d’un club autrichien, FC Triyol. C’était à l’issue de la dernière journée de notre championnat. La même nuit, mon entraîneur me proposa un contrat juteux dans une autre équipe. Il fallait que je vienne au Mali, pour voir mes parents. J’ai promis aux deux de revenir dans quelques semaines pour une décision finale.
Une fois à Bamako, tout bascula. C’est la première fois que j’aborde ce sujet dans la presse. Mais, comme vous avez fourni trop d’efforts pour avoir mes contacts, et eu égard à l’immense service que vous rendez aux anciens sportifs, à travers votre rubrique, j’ai l’obligation morale d’être reconnaissant.
A mon retour d’un voyage de Fana, je suis brusquement tombé malade. J’ai cru à une crise de paludisme, mais loin s’en faut. Je m’essoufflais à moins de cent mètres de marche. Bref, la maladie était inexplicable et intraitable, parce que mes parents ont tout essayé. Banalement, j’ai passé un an très malade, donc dans l’incapacité de retourner en Egypte pour poursuivre mon contrat, ou signer un autre. A la suite d’un traitement traditionnel, j’allais un peu mieux. C’est dans cette convalescence que l’entraineur Oman me contacta de nouveau pour un contrat au Qatar. Est-ce qu’un malade peut s’engager avec un club ? Le technicien m’encouragea à le rejoindre. Miraculeusement, j’ai réussi au test en une mi-temps. Très épuisé, j’explique à l’entraineur que je reviens d’une trêve. Donc, il va de soi que je sois physiquement diminué.
J’ai signé deux ans de contrat avec le Qatar Sport Club. Peu de temps après, Al Ahly d’Egypte m’a contacté, mais j’ai répondu à l’invitation en retard. L’équipe était déjà à l’extérieur pour la préparation de la ligue des champions, donc de façon diplomatique les dirigeants m’ont remercié du déplacement tout en expliquant les raisons qui les poussent à reconsidérer leur position. En vacances à Bamako, je reçois une proposition de mon ancien club, El Shams Club. Sous contrat avec le Qatar Sport Club, je ne pouvais pas transférer, surtout que mon équipe a fixé une somme faramineuse.
Le club égyptien n’avait pas ces moyens. Donc, cela a été un fiasco. Pour mon retour, les Qatariens ont traîné le pied, et à la fin de mon contrat, étant toujours bloqué à Bamako, j’ai préféré retourner au Stade malien. C’était en 2003 “.
Effectivement, le cas de Nientao avait défrayé la chronique en son temps. Les commentaires faisaient état de sorcellerie, de maraboutage, de mauvais sort. Les plus sceptiques se posaient une seule question. Est-ce la fin d’une carrière ? Parce que le jeune joueur avait du talent, et assister de façon impuissante à sa déchéance faisait mal à tout le monde. Heureusement, comme il l’a si bien dit, le traitement traditionnel a produit son effet.
Après une longue carrière émaillée de déceptions, le retour de Boubacar Nientao au Stade malien était dépourvu d’engouement, de courage et même de volonté pour pouvoir s’imposer, à la mesure de ses qualités. Certes il s’entrainait, et jouait les matches officiels, parce que les dirigeants et les supporters du club lui vouaient une grande estime. Mais, l’enfant d’Hamdallaye analysait les contours d’une nouvelle orientation qu’il pouvait donner à sa vie. La même année, il répond à l’appel de l’ancien entraineur des Aigles, Christian Sarramagna, pour évoluer dans une équipe de deuxième division française. Coup dur : une semaine après son arrivée, le technicien Français est limogé, et Nientao est encore désorienté. Mais, il parvient à trouver un club, l’Association des Aéroports de Paris. Au bout d’une saison, il s’est dit que le moment est venu pour lui d’entreprendre autre chose. Quelques semaines après sa retraite, l’enfant d’Hamdallaye trouve un emploi et décide de s’installer en France, où il s’est marié. Aujourd’hui le couple a trois enfants dont deux filles.
En dehors des heures de services, il encadre son équipe composée de jeunes maliens à la recherche de repère dans l’Hexagone.
Pour parler de ses bons souvenirs, Boubacar Nientao retient son doublé avec le Stade malien, sa première coupe du Mali contre le Nianan de Koulikoro en 1994, et surtout sa sélection en équipe nationale. Sa maladie d’un an et demi est son seul mauvais souvenir.
Dans la vie il aime l’honnêteté et déteste le mensonge, l’escroquerie et la folie de grandeur. Et si Nientao devait donner un conseil à sa propre personne ? Il dira qu’il ne s’embarquera jamais dans un bateau dont il ne connait ni le commandant, ni la destination. Mieux vaut demeurer un homme effacé. Avec une telle philosophie, l’enfant d’Hamdallaye sait donc où mettre le pied dans la vie.
O. Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui-Mali