L’avenir de la Plateforme « Ante Abanna-Touche pas à ma Constitution » est l’objet de toutes les supputations. Mais il peut être prédit lorsqu’on se souvient des circonstances de la création du mouvement.
C’est suite aux deux marches du 8 et du 10 juin 2017 organisées par « Trop c’est trop » que les membres de ce groupe informel anti-révision constitutionnelle sont approchés par une quarantaine de partis politiques appartenant principalement à l’opposition: URD, le PARENA, SADI, CNAS, ADP-Maliba, etc. Ces partis sont vite rejoints par une centaine d’associations dont la CDR du célèbre chroniqueur Ras Bath, l’Adema-Association de Madame Sy Kadiatou Sow, « Taratawulen » de Mamedy Dramé, « Yerewolo Ton » de Boubacar Bouaré, etc. Tout ce beau monde se réunit le 11 juin 2017 à la Pyramide du souvenir de Bamako. Les participants décident de se fédérer dans une plateforme dédiée à combattre le projet de révision constitutionnelle initié par le président IBK. Ils conviennent de donner à la plateforme un nom proposé par une voix anonyme dans la salle: « Ante Abanna » (« Nous refusons, et c’est tout ! »).
Le but unique qui sert de trait d’union aux membres de la plateforme est le rejet du projet de révision constitutionnelle. Mais qui va présider la plateforme? Les associations de jeunesse présentes à la réunion font savoir qu’elles récusent toute personnalité politique pour diriger la plateforme. Leur argument: le combat qui s’engage est avant tout celui de la société civile qui, par définition, n’ambitionne pas, contrairement aux partis politiques, de conquérir le pouvoir d’Etat. Les représentants des partis s’inclinent acceptent de céder la présidence de la plateforme à un responsable de la société civile afin que le combat commun ne prenne pas l’allure d’une lutte pour le pouvoir. Un compromis est trouvé en la personne de Madame Sy Kadiatou Sow. Bien que membre de l’ADEMA-parti, l’ex-gouverneure du district et ex-ministre de l’Habitat d’Alpha Oumar Konaré est aussi membre de la société civile en tant que présidente de l’ADEMA-association. La combinaison de son expérience politique et de son profil « civil » lui vaut d’être désignée à la tête de la plateforme. La vice-présidence revient à Amadou Thiam, président du parti ADP-Maliba et représentant de l’aile « politique » de la plateforme. Une semaine plus tard, lors d’une assemblée générale, la plateforme met en place quatre commissions de travail composées de représentants de tous les partis et associations membres:
– la commission « Finances » présidée par Amara Traoré de « Trop c’est trop »,
– la commission « Communication » présidée par Nouhoun Togo du parti PDES;
– La commission « Sécurité » présidée par Alkamis Touré de l’URD;
– la commission « Organisation » présidée par Madame Bah Lalia Traoré de la centrale syndicale CSTM.
Le combat anti-révision commence… Il aboutit, le 18 août 2017, à un discours solennel du chef de l’Etat qui accepte de surseoir au référendum constitutionnel.
Que décider à présent ?
L’objectif commun étant désormais atteint, la plateforme fait face à une crise existentielle. En effet, les associations membres estiment achevée leur mission. Joints par nos soins, des responsables de « Trop c’est trop » déclarent que l’objectif de la plateforme est atteint et que celle-ci doit, à présent, s’auto-dissoudre. Même son de cloche au niveau de la CSTM qui n’entend pas pousser son combat au-delà du retrait du projet de révision constitutionnelle. Les associations se croient d’autant plus dans leur bon droit que lors d’une assemblée générale de la plateforme, la présidente Madame Sy Kadiatou Sow a déclaré: « Cette plateforme est créée pour un seul but: le retrait du projet de révision constitutionnelle. Elle ne vise ni un coup d’Etat, ni le départ du pouvoir en place ». De surcroît, un leader de la plateforme nous fait observer ce qui suit: « A supposer que la plateforme veuille continuer à exister malgré le retrait du projet de révision: comment le ferait-elle avec des partis politiques aux intérêts divergents ? Comment, par exemple, amener la plateforme sur le terrain politique sans détruire la crédibilité des associations apolitiques qui en sont membres ? Si on veut la transformer en garante d’élections régulières, que faire au cas où des partis membres décident de s’allier au pouvoir ? ».
En dépit de la logique qui sous-tend l’idée de voir la plateforme prendre fin, cette disparition ne semble pas convenir à certains partis politiques membres. Ils estiment que la plateforme doit rester mobilisée jusqu’aux élections générales de 2018 pour déjouer toute tentative de fraudes. Les plus optimistes pensent qu’il est même envisageable d’amener les partis membres à choisir un candidat commun à la présidentielle de 2018. Cependant, les tenants de la thèse de la survivance de la plateforme sont très minoritaires; en tout cas, ils n’osent pas défendre leur opinion à haute voix car la plupart des associations membres de la plateforme ne croient ni aux politiciens du pouvoir, ni à ceux qui militent au sein de la plateforme.
Abdoulaye Guindo
Source: proces-verbal