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Quand l’ONU voulait créer un monde meilleur

Le 26 juin 1945, sur les ruines de la Deuxième Guerre mondiale, 50 pays signaient à San Francisco la Charte des Nations unies. Septante ans après, la sécurité collective a-t-elle failli?

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De nombreuses villes d’Europe étaient encore en ruine. Il y a septante ans jour pour jour, dans le Veterans’Memorial Hall de San Francisco, 50 pays signaient pourtant l’un des documents les plus puissants du XXe siècle: la Charte des Nations unies. Le représentant chinois fut le premier à avoir cet honneur. L’ONU vit formellement le jour quatre mois plus tard une fois le processus de ratification achevé. L’idée était «plus jamais ça», en référence à une Seconde Guerre mondiale destructrice.

L’accouchement fut difficile. Des propositions de Dumbarton Oaks à la version finale de la charte, 850 délégués de 50 Etats travaillèrent d’arrache-pied pendant deux mois. Dix séances plénières, 400 réunions de commissions, des batailles sur chaque mot, sur chaque phrase et, bien sûr, sur des questions aussi centrales que le droit de veto accordé aux Etats-Unis, à la Grande-Bretagne, la Chine, la Russie et la France.

Professeur émérite de l’Université de Princeton, Leon Gordenker, 92 ans, se souvient de cette époque pour avoir travaillé de 1946 à 1953 pour le secrétariat des Nations unies à New York, en Corée et à Londres. «On n’avait jamais tenté de créer une telle chose. Mais chacun avait conscience du fait qu’il fallait tirer une vraie leçon d’une guerre globale dévastatrice.» De fait, la charte «va bien au-delà de ce que produit généralement la diplomatie. Le document, précise Leon Gordenker, parle de dignité de la personne humaine, de progrès sociaux.»

Couverte par près de 2500 journalistes, la Conférence de San Francisco véhiculait un message d’espoir: celui de construire un monde meilleur. Elle visait aussi à éviter le fiasco de la Société des Nations et à mettre en place un système de sécurité collective digne de ce nom. En 2015, à la lumière d’un conflit comme celui qui ravage la Syrie, les plus critiques estiment que l’ONU a raté sa mission d’assurer la sécurité mondiale. D’autres sont plus nuancés.

Les opérations de maintien de la paix des Nations unies n’ont pourtant jamais été aussi importantes. Record absolu, elles déploient 125 000 soldats, civils et policiers dans 16 missions réparties sur quatre continents, dont la plus grande, la Monusco (République démocratique du Congo), qui comprend plus de 26 000 agents de l’ONU. Leur budget de 8,2 milliards de dollars paraît colossal. Mais pour une institution qui est censée assurer la sécurité de la planète, ce n’est que 0,5% des dépenses militaires du globe. C’est surtout à partir des années 1990 que ces opérations ont pu se déployer, affranchies des blocages de la Guerre froide. Au-delà des chiffres, le tableau de la sécurité collective onusienne est préoccupant.

Ex-conseiller spécial à l’époque du secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, Michael Doyle ne se voile pas la face. «Voyez avec la Syrie. Le Conseil de sécurité a été incapable de fournir les instruments aux médiateurs Kofi Annan, Lakhdar Brahimi ou Staffan de Mistura pour exercer des pressions sur le camp Assad et les groupes rebelles.» Pour ce professeur de l’Université Columbia, l’instabilité internationale croissante complique la tâche de l’ONU. La demande de sécurité collective excède de beaucoup l’offre. Les missions de maintien de la paix manquent cruellement de ressources.

«Deux facteurs compliquent la mission de sécurité collective, ajoute Michael Doyle. Les tensions de type Guerre froide augmentent entre la Russie et l’Occident ou entre les Etats-Unis et la Chine. Si elles perdurent voire se renforcent, toute crise risque à nouveau d’être perçue à travers les lunettes de la Guerre froide. Le Conseil de sécurité pourrait à nouveau être paralysé. Deuxièmement, la montée de l’extrémisme d’acteurs non étatiques tels que l’organisation Etat islamique pose un vrai défi à l’ONU dont l’objectif premier était de prévenir l’émergence d’une nouvelle puissance militariste. Les Casques bleus ne sont pas préparés pour cela.» Est-ce la faillite de la sécurité collective?

Consciente des défis, l’ONU a demandé à un panel dirigé par le Prix Nobel José Ramos-Horta de revoir la manière d’améliorer les opérations de maintien de la paix, quinze ans après un rapport similaire rédigé par Lakhdar Brahimi. Le panel estime que l’ONU ne «doit pas s’engager dans des opérations militaires contre le terrorisme». Elle doit au contraire se focaliser sur la quête de solutions politiques et ne pas songer qu’à des solutions militaires et techniques. Les missions doivent être mieux adaptées aux différents contextes et inclure davantage de coopération avec les organisations régionales. Publié le 16 juin dernier, le rapport de la Commission sur la sécurité, la justice et la gouvernance mondiale dirigée par l’ex-secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright abonde dans le même sens.

Membre du Council on Foreign Relations, Jeffrey Laurenti relève qu’une force rapide d’intervention sous l’autorité des cinq membres permanents du Conseil de sécurité serait une manière de répondre au mieux à certaines situations d’urgence. «Cela les forcerait aussi à s’impliquer davantage, ajoute-t-il. Car pour l’heure, ce sont les pays en voie de développement qui fournissent les troupes des Casques bleus et c’est le P5 qui finance. Ce n’est pas un modèle durable.» Pour le professeur Michael Doyle, il faut au moins dix ans pour résoudre la majorité des crises où la sécurité est en jeu. S’il y a désengagement des grandes puissances en termes de contribution aux contingents de Casques bleus, ces mêmes puissances ne sont en revanche pas désengagées quand il faut créer un mandat de maintien de la paix.

Source: Le Temps

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