Au-delà de ses attributions historiques qui consistent principalement à rapatrier des personnes migrantes dans leur pays d’origine et, plus récemment, à conseiller les pays de départ sur leur législation
migratoire, l’Organisation Internationale pour les Migrationss’emploie depuis une vingtaine d’années à mettre en place des campagnes de communication dites d’influence pour inciter la jeunesse ouest-africaine à renoncer à la migration illégale en insistant sur la dangerosité du trajet. Pour ce faire, l’OIM coopte le monde des arts et de la culture dans différents pays d’Afrique de l’Ouest en incitant financièrement chanteurs, écrivains, humoristes, griots à élaborer – quand l’OIM n’écrit pas elle-même les textes- un discours conforme aux orientations de la politique migratoire de l’Union Européenne, principal bailleur de l’OIM en Afrique. Le discours est double : ceux qui partent risquent leur vie sans bien sûr expliquer que les dangers de l’immigration irrégulière est la conséquence des politiques migratoires qui obligent les migrants à prendre des chemins détournés et périlleux et dont l’OIM est le principal artisan ; le second argument appelle au patriotisme des migrants et les incite à rester chez eux pour contribuer à l’essor de leur pays. Initié en 2007 avec Youssou N’Douralors que les Sénégalais partent en pirogue pour les Canaries à leurs risques et périls, cette bataille des idées s’est accélérée ces dernières années avec la multiplication de clips et autres tournées financées par l’OIM impliquant des chanteurs de toutes origines : Coumba Gawlo, Fatou Guewel et Adiouza du Sénégal, Bétika en Côte d’Ivoire, Ousmane Bangara et Degg J Force 3 en Guinée, Jalimadi Kanteh en Gambie, Miss Espoir au Bénin, Will B Black au Burkina Faso, Ousmane Cissé au Mali, Zara Mouissa au Niger, ou encore Ewled Leblad en Mauritanie. Plus de 10 ans après le célèbre “Ouvrez les Frontières” de Tiken Jah Fakoly, que reste-t-il de l’engagement des artistes africains sur les questions migratoires ? Raphaël Krafft.
RFI