Après dix ans de présence douteuse et controversée au Sahel, sous le prétexte de lutte contre le terrorisme, les masques sont tombés : la France n’est plus la bienvenue en Afrique, en tout cas la partie Ouest. La profanation du drapeau tricolore sur lequel les marcheurs ont paradé ce samedi à Kano, au Nigéria, est indicatrice de la déception des populations face à ces ‘’sauveurs’’ qui sont devenus par la suite des bourreaux pactisant avec ceux qu’ils étaient censés combattre dans le dos des armées nationales.
Quand le Mali d’Assimi Goïta a expulsé l’ambassadeur de France, dénoncé les accords de défense, chassé les forces françaises et porté plainte contre la France pour complicité avec les terroristes et atteinte à notre souveraineté, beaucoup ont estimé qu’il poussait trop loin le bouchon dans ses délires accusateurs ; et sans les français le pays allait s’écrouler comme un château de cartes. Membre permanent du Conseil de sécurité, Paris n’a jamais osé porter la contradiction sur la place publique au sujet de ses accointances avec les terroristes. Si on était seul à accuser…
Mais voilà, après le Mali en 2020 et 2021 et le Burkina Faso en 2022, voici le Niger troisième État du Sahel à dénoncer les accords pour déloyauté française. Pourtant c’est le Niger de Bazoum que la France avait choisi de se replier et de positionner 1500 de ses soldats.
Dans un communiqué en date du 4 août, les nouvelles autorités nigériennes motivent cette dénonciation par « l’attitude désinvolte et de la réaction de la France relative à la situation » du Niger. La dénonciation concerne plusieurs accords conclus notamment en 1977, en 2013, en 2015, et en 2020 et portant sur plusieurs points essentiels de la relation entre Niamey et Paris. Les accords de défense (en grande partie secrets) entre Paris et Niamey prévoient un délai pour le départ des forces françaises en cas de dénonciation des accords par l’une ou l’autre partie. Sur le papier, la France disposerait au minimum d’un mois, plus vraisemblablement de six mois, pour concrétiser ce départ.
Un retrait de toute façon impossible dans un délai très court, car le matériel de la base française de Niamey est conséquent, lourd et sophistiqué. Il y a notamment des équipements terrestres, des avions de combat et des drones avec un environnement de radars et d’autres matériels électroniques, qui ne se démontent pas en un clin d’œil. À ces équipements s’ajoutent des tonnes de matériel rapportées des bases françaises au Mali, notamment de Gao, d’où l’impossibilité d’abandonner rapidement les installations de Niamey. Surtout sans avoir de porte de sortie terrestre. On comprendra pourquoi, Paris joue à la montre, même si elle sait que c’est fini pour elle au Niger.
C’est ce qu’ont compris les sénateurs lorsqu’ils ont dénoncé le lundi 7 août la déroute de la France en Afrique qualifiant l’opération Barkhane de fiasco retentissant. Le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, sans voix polémique sur Twitter : l’armée française « n’a eu de cesse de faire reculer les groupes terroristes au Sahel, sauvant des milliers de vies sur place et protégeant celles des Français des menaces d’attentats sur notre sol», pour finir par reconnaitre qu’»il y a bien entendu des leçons politiques à en tirer». Mais est-elle disposée à le faire ?
Cela passera par la rupture des liens avec les groupes terroristes et/ou liés au terrorisme (comme chacun les connait au Mali), l’abandon des convoitises sur nos ressources minières (comme l’Uranium au Niger), la prédation de notre économie par ses grandes entreprises qui ont le monopole sur tout, le démantèlement de ses bases militaires, le retrait de ses soldats, la déconnexion monétaire par la suppression du FCFA…
Foin de paternalisme et de condescendance ; comme la convocation des présidents africains à Dakar par Chirac en 1997 et à Pau par Macron pour dit-il de manière insultante «clarifier» leur position sur la présence militaire française au Sahel, dans un contexte de montée du sentiment anti-Français. Une invitation perçue plutôt comme une convocation par les chefs d’État, «comme une réaction arrogante et profondément paternaliste de la France exigeant des présidents sahéliens une sorte d’allégeance à son endroit».
Que ce soit au Mali, au Burkina Faso ou au Niger, les populations sahéliennes expriment aujourd’hui une forte défiance à l’encontre de la politique menée par la France. Ceci s’explique notamment par une dégradation continue du contexte sécuritaire qui depuis le nord Mali, il y a dix ans, s’est propagée au fil des années vers le Niger et le Burkina Faso voisins. Aujourd’hui, ce sont le Bénin ou encore la Côte d’Ivoire qui commencent à être touchés à leur tour par des attaques de différents groupes armés non étatiques, soulignant aux yeux des populations locales l’incapacité de l’armée française, européenne et onusienne à mettre fin à l’insécurité ambiante.
À quoi la France nous sert-elle si en plus de son arrogance et de sa complicité notoire avec les groupes terroristes, elle est incapable de nous aider ?
Par Abdoulaye OUATTARA
Info Matin