Pour contribuer à réduire chômage des jeunes diplômés qui arrivent en milliers chaque année sur le marché, le secteur privé, apparait à bien d’égards comme une alternative crédible eu égard aux nombreuses potentialités. C’est pour cela qu’il doit être soutenu par les autorités pour être à la hauteur de cette ambition, comme c’est le cas sous d’autres horizons. Pour mieux comprendre ce qui se passe au niveau de ce secteur important de notre économie, nous avons rencontré deux acteurs politiques, de l’opposition et de la majorité. Le tableau dressé par les deux interlocuteurs met en avant la responsabilité de l’État dans l’essor du secteur privé.
Avec plus de 13 835 emplois créés à la fin du premier trimestre 2016, selon les chiffres de l’ONEF(Observatoire national de l’emploi et de la formation) le secteur privé est le plus grand pourvoyeur d’emplois dans notre pays. Il occupe une place importance dans la réduction du chômage. Selon plusieurs sources concordantes, le secteur privé se taille une part belle sur le marché de l’emploi qui accueille chaque année des milliers de jeunes diplômés. En effet, malgré la situation économique tendue ces trois dernières années, les opérateurs économiques parviennent à joindre les deux bouts et contribuent efficacement à la réduction du taux de chômage, notamment avec des recrutements massifs de jeunes chômeurs. Malgré cette contribution précieuse, le secteur souffre aujourd’hui de beaucoup de maux. L’honorable Bakary FOMBA, membre du groupe VRD, a souligné que pour ceux qui ont une certaine vision du développement, ce secteur représente le moteur du développement de toute nation. Les États providences ont toujours montré leurs limites, a-t-il expliqué. L’économie des grandes puissances, soutient-il, est basée sur le secteur privé. Toute autorité qui n’arrive pas à de cela sa politique est vouée à l’échec, a-t-il mis en garde. Pour l’honorable député, il faut mettre les moyens et les efforts pour que le secteur privé puisse jouer son rôle. De son avis, la fonction publique a montré toutes ses limites en matière d’absorption du chômage.
L’agriculture locomotive de l’économie Promoteur d’un Bureau d’ingénieur-conseil qui emploie, au moins 20 personnes, l’élu national reste convaincu que l’économie de notre pays est liée au secteur agricole. Mais à ce niveau, a-t-il fait constater, l’Etat n’arrive pas à mieux investir dans la production et encore moins dans la transformation des produits agricoles.
Selon le président de la commission eau, énergie et industries, ce qui est déplorable, c’est que l’État malien considère le secteur privé comme une « coépouse ». Et aujourd’hui, les acteurs du secteur privé ont tous des problèmes avec l’administration.
« Nous avons une fiscalité qui décourage les acteurs du secteur privé », a-t-il fait savoir. Pour changer la donne, l’élu de Dioïla a préconisé une politique volontariste qui encourage le secteur privé. Dans notre pays, il existe beaucoup de GIE qui font des merveilles malgré des obstacles administratifs, a-t-il relevé. Mais ce qui est déplorable au Mali, de l’avis de l’honorable député, c’est que ‘’nous avons une fiscalité qui décourage’’. Aujourd’hui, ces problèmes existent dans tous les secteurs.
Les trois axes prioritaires
Pour booster le privé afin de réduire, de manière drastique, le chômage, il faut agir sur 3 facteurs.
Il s’agit, dans un premier temps, de revoir la fiscalité, en allégeant le poids fiscal sur les entreprises, faciliter la procédure de création, faciliter les impôts et taxes. Plus le travail coûte cher, plus le chef d’entreprise ne peut pas faire de recrutement, indique ce promoteur privé.
Le deuxième axe concerne, selon lui, les facteurs de production, notamment du coût de l’électricité, de l’eau, du téléphone, l’accès à la terre, etc.
Le troisième et dernier axe, et non le moins des moindres, c’est la formation. Aujourd’hui, nous devons former pour produire et non pour consommer. Il s’agit d’adapter la formation aux besoins des entreprises. Il faut une conception et une vision moderne du développement, a-t-il conclu.
Quant à l’honorable Yacouba Michel KONE, député RPM, élu à Sikasso, il est lui aussi convaincu autant que son collègue, que secteur privé est moteur du développement.
«La fonction publique est là pour assurer le fonctionnement de l’État. Sinon, la création de l’emploi relève de l’initiative privée. Mais nos pays ont du mal à créer une intégration entre les différents secteurs et c’est ce qui crée toutes les difficultés », a-t-il expliqué.
Les trois préalables du développement industriel
Selon ses explications, l’industrie repose sur des préalables : l’électricité, la route, les ressources humaines. Il arrive que ces facteurs ne soient pas toujours réunis pour favoriser l’industrialisation du pays, comme c’est le cas dans notre pays actuellement. Au niveau de l’agriculture, il faut qu’on arrive, selon l’honorable KONE, à aller vers la transformation de nos produits. En plus des facteurs, cités ci-dessus, les entreprisses sont victimes de la fraude, à cause de la porosité de nos frontières. Cela dérange énormément l’initiative privée dans le secteur de l’agriculture.
« C’est vrai l’intégration, mais, c’est aussi vrai la protection de l’économie nationale », a-t-il conseillé. Avant d’ajouter : « en ouvrant les portes larges, on va au suicide économique parce que nos entreprises ne sont pas assez viables pour faire face à la concurrence ».
D’un côté, il faut encourager l’initiative privée, mais l’État doit aussi jouer son rôle de protecteur de l’économie.
Changement de comportement les consommateurs
Pour booster le secteur, il faut, selon l’honorable d’abord maitriser les frontières. Ensuite, il faut opérer un changement de mentalité chez les consommateurs. Car, a-t-il fait constater, le consommateur a souvent tendance à payer ce qui est moins cher. Or, si on achète ce qui est produit chez nous, on contribue à sécuriser l’emploi de nos parents, de nos enfants, etc. Enfin, il a invité le législateur à prendre des mesures pour accompagner ce secteur.
Le secteur privé africain fournit environ 70 % de la production et des investissements et génère 90 % des emplois sur le continent. D’une manière générale, les pouvoirs publics reconnaissent la place du secteur privé dans l’émergence du continent. Ici, au Mali, les plus hautes autorités ont compris cela et leur vision s’est traduite par la création d’un département ministériel en charge du grand secteur privé malien et de la Promotion de l’investissement. Selon un rapport de la Banque mondiale, les Partenariats-Publics-Privés (PPP) sont de plus en plus utilisés comme mode de financement alternatif, en particulier pour la réalisation des infrastructures qui constituent l’une des principales priorités de développement sur le continent.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source: info-matin