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Procès du putsch : Le Gal. Gilbert Diéndéré a ‘’miné’’ toute la haute hiérarchie militaire

Puis, vint le procès ! Celui tant attendu du coup d’Etat de septembre 2015 a débuté ce 27 février 2018 à Ouagadougou. Mais à peine le procès a-t-il été ouvert, qu’il a été suspendu. Et pour cause ? La légalité du président du tribunal est contestée par les avocats de la défense. D’ailleurs, toute la journée, le tribunal n’a pu être constitué. Les hauts gradés qui pouvaient siéger comme juges militaires accesseurs ont presque tous été récusés. La cause, le Général Gilbert Diendéré, principal accusé du coup d’Eta, les a tous cités comme témoins à comparaître.

C’est donc parti pour un marathon judiciaire. Le premier jour du procès donne déjà un aperçu de l’intensité des débats, partis pour durer dans le temps.

A peine la cour a fait son entrée dans la salle des banquets de Ouaga 2000, qu’un avocat se présente pour poser une question. Le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, demande à Me Somé de patienter, mais il insiste pour poser sa « question liminaire ».

« Je vous comprends, mais je vous demande de vous rasseoir », demande le président du tribunal, en attendant qu’on l’on vérifie la présence des accusés et de leurs conseils.

Entre temps, Me Somé a maintenant la parole, et il conteste le décret qui nomme le président du tribunal, ainsi que la juridiction elle-même. Ses observations portent sur la Chambre de jugement contenue dans l’ancienne loi, alors que les accusés ont été cités à comparaitre devant cette chambre de jugement anciennement contenue dans l’ancienne loi. Pour Me Somé, la juridiction, la chambre de jugement a été supprimée depuis la loi modificative. A l’entendre, la juridiction qui siège devant eux est inexistante.

Pour le commissaire du gouvernement, « ce sont des détails qui n’en valent pas la peine. Il n’y a pas de différence fondamentale entre les deux juridictions ». 
L’appel commence par le cerveau de l’affaire. Le général Gilbert Diendéré qui répond « oui », est applaudi par une partie du public. Le président Seydou Ouédraogo, rappelle à l’ordre. Les manifestations d’approbation ou de désapprobation sont interdites et si cela se répète, il va user des pouvoirs que lui confère la loi pour y mettre fin.

Quatre accusés manquent à l’appel. Le Colonel Deka Mahamadou. Abdoul Compaoré (au Mali et qui devrait rentrer aujourd’hui même, selon le commissaire du gouvernement), So Léonce (également au Mali, mais qui a bénéficié d’un non-lieu total) et Coulibaly Samuel. Il y a neuf fugitifs, dont Fatou Diendéré. 307 personnes sont constituées partie civile, dont l’Etat burkinabè.

Pas de juges accesseurs

Impossible pour le président de constituer son tribunal. Le principal accusé ayant le grade de général, les juges militaires accesseurs doivent être ses supérieurs. Un moins gradé ne saurait juger son chef. Mais il n’y en pas beaucoup, et ceux qui pouvaient être désignés sont presque tous cités comme témoins par le même Gal. Gilbert Diendéré.

Ils sont tirés au sort. D’abord, le Gal.de brigade Brice Bayala. Il est sur la liste des témoins introduite par le Gal. Diendéré. Il y a donc incompatibilité. Il est récusé. Tour à tour, le Gal.de division Ali Traoré, récusé. Le Gal.de division Kouamé Lougué, récusé. Seul le Gal.de brigade Tenga Robert Djiguemdé n’est pas témoin et peut siéger comme juge accesseur militaire.

Cela provoque le courroux des avocats de la partie civile. Me Guy Hervé Kam dénonce ces manœuvres d’un « plaideur aux abois ». Le président le recadre et demande de l’apaisement dans les propos. La récusation est juste due au fait que les généraux éligibles figurent sur la liste des témoins, ce qui créée une incompatibilité à siéger à ses côtés.

C’est donc coincé. Que faire ? Le ministère public demande alors au président de prendre une ordonnance pour désigner des juges militaires accesseurs, moins gradés que le général Diendéré. Sur ce fait, Seydou Ouédraogo suspend l’audience aux environs de 12h05 minutes.

1er jour, les avocats quittent la salle

Au retour à 13h46, le président annonce qu’il a pris une ordonnance pour désigner d’autres juges accesseurs, moins gradés. Pour autant, les choses n’iront pas loin. C’est le bâtonnier lui-même qui est monte au créneau. “J’ai conscience de la gravité du moment. Ce procès est un moment important de notre pays et doit se dérouler de façon exemplaire. Sinon nous aurions manqué à notre devoir. Nous avocats pouvons discuter de tout. Mais il y’a des questions fondamentales sur lesquelles qu’on ne peut discuter “, a noté Me Mamadou Savadogo.

Il avance que le décret qui nomme le président du tribunal a été publié au journal officiel juste le 22 février dernier. Du coup, la loi qui fait de Seydou Ouédraogo président de la Chambre de première instance du tribunal militaire n’est pas en vigueur. C’est huit jours après la publication dans le journal que la loi qui nomme le président entre en vigueur.

Nous manquerons à notre devoir, si nous continuons dans un procès dont le président du tribunal ne devrait pas être là », a indiqué le bâtonnier.

Pour leur part, les conseils de la partie civile estiment que leurs confrères de la défense sont illogiques dans le raisonnement. Quand il s’est agi de récuser les généraux parce qu’ils sont témoins, ils ont accepté parce que la décision leur était favorable. Maintenant qu’il s’agit d’autres choses, ils estiment que le président ne devrait pas être-là, puisque le décret qui le nomme n’est pas encore en vigueur. « Nous commençons à douter de la volonté des accusés de voir le procès se tenir », commentera Me Farama, plus tard.

Les avocats de la partie civile, ne l’entendent donc pas de cette oreille. Pour Me Farama et ses camarades, le décret qui nomme le président étant un acte individuel, il entre en vigueur à partir de sa notification. C’est sur ces faits que les débats ont achoppé jusqu’à ce que le président du tribunal décide de continuer, puisque selon lui, il s’agit d’abord de constituer son tribunal. Il faut qu’il constitue son tribunal pour être même de trancher le problème posé. Seul avec son assistant, il ne peut le faire.

Le bâtonnier demande une suspension. Le président donne 30 minutes. Une fois de plus la séance est suspendue. A 14h32, les débats reprennent. Seydou Ouédraogo fait savoir qu’à l’heure actuelle, il s’agit de constituer le tribunal. Le reste des couacs soulevés par les avocats de la défense peuvent après faire objet d’examen par un tribunal complétement constitué.

Sans crier gare, le bâtonnier, Me Mamadou Savadogo et ses camarades ramassent leurs affaires et quittent la salle. « Dois-je comprendre que vous vous retirés ? » demande impuissant le président. « Oui », répond le bâtonnier.

Les avocats de la défense vident tous la salle. Le président est donc obligé de suspendre l’audience, sans préciser quand est-ce qu’il reprendra. Peut-être le temps que le délai pour l’entrée en vigueur du décret le nommant arrive. Là, il pourrait peut-être désigner tous les accesseurs militaires pour qu’enfin, sa juridiction soit régulièrement fondée pour la suite du marathon judiciaire.

Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net

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