Le procès Amadou Haya Sanogo et autres s’est ouvert ce mercredi 30 novembre 2016 dans la salle Lamissa 01Bengaly de Sikasso. Une première journée marquée par l’absence des témoins de la défense, dont l’ancien Président de la République Dioncounda Traoré, le colonel Diamou Keïta, le général de brigade Didier Dacko et le prêcheur Chérif Ousmane Madani Haïdara. En outre, les avocats de la défense ont demandé et obtenu le report du procès jusqu’au vendredi 2 décembre.
C’est parti pour la session supplémentaire de la Cour d’assises de Bamako en transport à Sikasso, statuant sur l’affaire Ministère public contre Fousseyni Diarra dit Fouss et 17 autres, dont Amadou Haya Sanogo, Yamoussa Camara et Ibrahim Dahirou Dembélé.
Bonnes conditions de déroulement du procès
Visiblement, toutes les dispositions matérielles et techniques sont prises afin que le procès se passe dans de meilleures conditions. Les forces de sécurité sont mobilisées à cet effet pour sécuriser non seulement le lieu du procès, les hôtels et toute la ville de Sikasso. Le procès se tient dans la salle LamissaBengaly qui a une capacité d’accueil de 1.550 places. Même si l’audience est publique, il faut savoir que l’accès à la salle est strictement conditionné à un badge d’identification dont le numéro correspond à une place dans la salle.
Petite victoire pour la défense
Après la lecture de l’arrêt de renvoi, les avocats de la défense ont obtenu le report du procès jusqu’au vendredi. Le collectif des avocats de la défense affirme que le droit à la communication n’a pas été respecté pendant l’instruction de l’affaire. Ils ont ensuite mis l’accent sur l’importance de communiquer librement avec leur client afin de mieux préparer la défense. C’est dans cette logique que les conseils, en l’occurrence Me Mariam Diawara et Me HarounaToureh, ont demandé une suspension de 48 heures. Du point de vue des avocats de la partie civile et de celui du Ministère publique, cette requête est infondée et excessive. Même s’ils respectent le droit des témoins de communiquer avec leurs avocats, les avocats de la partie civile, notamment Me Clémence Bectarte et Me AssaneDiomaNdiaye, déplorent cette stratégie des avocats de la défense qu’ils qualifient de dilatoire. Selon eux, ce n’est pas une suspension, mais plutôt une demande de renvoi qui ne dit pas son nom. Comme contre-proposition, les avocats de la partie civile ont demandé une suspension d’une heure. Au finish, le président de l’audience, Mahamadou Berthé, après avoir échangé avec les siens, a décidé d’accorder le report de l’audience jusqu’au vendredi prochain. Après cette première confrontation, les avocats de la partie civile sont confiants et pensent que rien n’est perdu dans la mesure où le dossier d’accusation est solide avec des éléments consistants à charges. Espérant qu’il n’y aura plus de report, les avocats de la partie civile souhaitent rentrer dans le vif du sujet à partir du 2 décembre. Même si leur requête de suspension d’une heure n’a pas été prise en compte, les avocats de la partie civile se réjouissent de l’ouverture de ce procès. Selon eux, la victime ne fera pas de deuil tant que le droit n’a pas été dit.
Ces témoins qui n’ont pas répondu à l’appel
A l’appel des témoins de la défense, certaines personnes citées à comparaître étaient absentes au premier jour du procès. Au nombre de ceux-ci, on peut retenir, entre autres, l’ancien Président de la République, Dioncounda Traoré, le colonel Diamou Keïta, le général de brigade Didier Dacko et le Cherif Ousmane Madani Haïdara. Pour Me Assane DiomaNdiaye, avocat de la partie civile, cette absence est aussi considérée comme du dilatoire de la part des avocats de la défense. Selon le fervent défenseur des droits de l’Homme, les avocats des accusés ont introduit une liste de témoins sans précision d’adresses. En outre, Me Assane DiomaNdiaye précise que la liste n’a pas été signifiée aux avocats de la partie civile dans le délai. Il ajoute que l’absence de ces témoins ne doit aucunement influencer le procès en cours. Et tout dépendra, dit-il, de l’appréciation du parquet.
Par ailleurs, au cours de l’audience solennelle de la cérémonie d’ouverture, le procureur général près la Cour d’appel de Bamako a rappelé dans son réquisitoire que les poursuites en raison de crimes reprochés aux accusés ont enregistré 23 parties civiles constituées et nécessité la notification par le Ministère public auxdits accusés, d’une liste de 23 personnes au titre des témoins.
Les faits
L’arrêt de renvoi de cette affaire précise qu’à la suite de la mutinerie au camp Soundiata Keïta de Kati le 22 mars 2012, des militaires se sont dirigés sur le Palais de Koulouba, siège de la Présidence de la République. Cette mutinerie s’est transformée en coup de force et a contraint le Président Amadou Toumani Touré à présenter sa démission. Une junte militaire conduite par le capitaine Amadou Haya Sanogo a proclamé la suspension des institutions de la République et a institué un Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (Cnrdre). L’accord de Ouagadougou pour la sortie de crise, signée le 6 avril 2012, a constaté la démission du Président Amadou Toumani Touré et pris acte de la désignation de Dioncounda Traoré, Président de l’Assemblée nationale, en qualité de Président de la République. Il ressort également de l’arrêt de renvoi que du 30 avril au 1er avril 2012, le Régiment des commandos parachutistes a, à son tour, tenté un coup de force contre les membres du Cnrdre, composés en grande partie de « bérets verts ». C’est à la suite des violents affrontements qui s’en sont suivis que vingt et un « bérets rouges » ont été retrouvés ensevelis dans deux charniers situés à Diago.
Quid de la procédure
Sur instruction du procureur général près la Cour d’appel de Bamako, le procureur de la République près le Tribunal de première instance de la commune III du district de Bamako a ouvert une enquête qui a abouti à l’information judiciaire et l’inculpation de vingt-huit (28) militaires dont Amadou Haya Sanogo pour enlèvement de personnes, assassinat et complicité. Ainsi, une ordonnance de transmission des pièces au procureur général est intervenue le 10 février 2015. Les infractions retenues à l’encontre des accusés, tous sous mandat de dépôt à l’exception d’Ibrahima Dahirou Dembélé, Mohamed Issa Ouédraogo et Ibrahima Boua Koné, sont réprimées par les dispositions des articles 199, 200, 240, 24 et 25 du code pénal. Sur les réquisitions du procureur général près la Cour d’appel en date du 23 juillet 2015, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako, par son arrêt n°585 du 22 décembre 2015, a ordonné un non-lieu à suivre à l’égard de huit (08) personnes et mis en accusation dix-huit (18) personnes (dont un décès) renvoyées devant la Cour d’assises.
Les raisons du choix de Sikasso
En application des dispositions de l’article 19 de la loi n°2011-037 du 15 juillet 2011 portant organisation judiciaire, le siège de la Cour d’assises est celui de la Cour d’appel. Par dérogation à ce principe, le premier président de la Cour d’appel peut, à la demande du procureur général, ordonner le transport en tout autre lieu du même ressort.
Ibrahim Mohamed GUEYE, envoyé spécial à Sikasso
Source : Le Prétoire