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Fatoumata Konaté, chargée de plaidoyer d’Arcad-Sida : « Au Mali, l’engagement politique dans la lutte contre le Sida n’est pas clarifié»

Dans le cadre du lancement du mois de la lutte contre le VIH Sida qui démarre ce matin au Mali, comme dans d’autres pays du monde, nous avons approché la chargée de plaidoyer de l’Association de recherche, de communication et d’accompagnement à domicile des personnes vivant avec le VIH (Arcad-Sida Mali). Dans cette interview exclusive, Faoumata Konaté parle de sa perception de la lutte contre le Sida au Mali, des activités d’Arcad Sida, ainsi que les rapports de cette association avec d’autres structures de lutte contre le Sida, notamment le Haut conseil national de lutte contre le Sida.

 

arcad sida

Le Prétoire: Quelle est votre perception de la lutte contre le Sida au Mali ?

Fatoumata Konaté : Je dirais que durant le mois de décembre, il y a beaucoup de manifestations dans le cadre de la lutte contre le VIH/Sida. Mais, la lutte n’est pas que le mois de décembre. C’est un combat qui doit durer toute l’année. Ce que je reproche à l’ensemble des acteurs de la lutte, qu’ils soient publics ou privés, c’est que beaucoup de communications sont faites au mois de décembre et elles s’arrêtent là, jusqu’au prochain mois de décembre. Et c’est cela qui est dommage. Autre faiblesse: c’est la prévention et la transmission mère enfant. Cela est un gros problème qui existe encore au Mali, alors que dans beaucoup de pays dans le monde, le Sida ne se transmet plus de la mère à l’enfant. Au Mali, on a lancé un plan national d’élimination de la transmission mère enfant qui a été validé il y a deux ans, mais qui n’arrive toujours pas à être mis en œuvre pour des problèmes de financement. Je trouve cela très dommage parce que chaque année on a environ mille enfants qui naissent avec le VIH au Mali. Cela est scandaleux. Il y a aussi le fait que les gens n’aiment pas le dépistage, soit parce qu’ils se disent que le Sida n’existe pas, ou parce qu’ils ont peur du VIH. Donc, ils se disent que tant qu’ils ne savent pas, ils n’ont pas de problème. Alors que lorsqu’on est infecté, en  prenant un seul comprimé par jour, on vit normalement comme n’importe qui. Il y a aussi de gros efforts à faire au niveau de la prise en charge des enfants infectés par le VIH.

Parle-nous d’Arcad-Sida ?

Arcad Sida est une association de recherche, de communication et d’accompagnement jusqu’au domicile des personnes vivant avec le VIH au Mali. Nous assurons le suivi d’au moins trente et un mille personnes sous ARV. C’est plus de la moitié des personnes vivant avec le VIH/Sida au Mali. Arcad existe depuis 20 ans.

En quoi consiste votre démarche, notamment en terme d’accompagnement à domicile ?

Nous assurons le soutien psychologique, le soutien psychosocial et même le soutien nutritionnel. Parce que nous avons compris qu’il y a des personnes vivant avec le VIH qui sont stigmatisées dans leurs familles, ou subissent une exclusion sociale. Notre approche est vraiment différente de la prise en charge médicale. Et c’est cela qui nous différencie du ministère de la Santé qui donne des soins médicaux. Et nous, on va plus loin  parce que le VIH est une maladie qui a beaucoup d’impact psychologique.

La crise politico-institutionnelle a-t-elle eu un impact sur vos activités ?

Effectivement, la crise de 2012 a eu un impact sur nos activités qui avaient été suspendues pendant à peu près un an, à cause notamment de la suspension du Fonds mondial. Aujourd’hui, avec le Fonds, nous nous sommes mis d’accord sur les mécanismes de décaissement des fonds, parce que c’est cela qui  expliquait l’incompréhension entre le Fonds mondial et les autorités maliennes. Nous rencontrons régulièrement le Fonds afin de régulariser cette situation. C’est très dommage parce que le Mali est dans une situation où on ne devrait pas mettre à mal les personnes vivant avec le VIH pour des problèmes qui datent de 2012. Les activités ont donc repris avec le Fonds mondial et nous discutons encore sur  des procédures administratives et financières.

Quels sont vos rapports avec les autres structures de lutte, notamment le Haut conseil national de lutte contre le sida ?

Depuis 20 ans, Arcad-Sida est accompagnée par le ministère de la Santé. C’est pareil avec le Haut conseil, une structure rattachée à la présidence de la République avec laquelle il nous arrive de mener des activités ensemble, surtout lorsqu’il s’agit du plaidoyer. Ce qu’il faut retenir, c’est que nous collaborons avec le Haut conseil national de lutte contre le Sida pour l’atteinte des objectifs nationaux.

Qu’est-ce que Arcad-Sida prévoit comme activités dans le cadre du mois de la lutte contre le Sida qui démarre ce matin ?

Nous sommes en train de lancer une campagne qui s’appelle ‘’si j’étais séropositif’’. Elle fait appel à des leaders d’opinions nationaux, à des personnes publiques qui interpelleront le public contre la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH. Parce que le thème que nous avons retenu, c’est la stigmatisation et la non -discrimination des personnes vivant avec le VIH. Nous allons appeler les gens à comprendre qu’une personne vivant avec le VIH est une personne comme toutes les autres. Nous sommes en partenariat avec le Haut conseil national de lutte contre le Sida.

Peut-on avoir une idée du nombre des personnes vivant avec le VIH au Mali en 2016 ?

Nous accompagnons trente et un mille, le ministère de la Santé environ trente mille. On pourrait donc évaluer  celles qui sont suivies à soixante mille. Mais, selon les dernières données d’ONU-Sida, le Mali est entre quatre vingt mille et quatre-vingt-dix mille personnes qui vivent avec le VIH.

Si vous devriez lancer un appel aux autorités nationales et au delà, que diriez-vous ?

Qu’il y ait une plus grande implication au niveau de la lutte contre le VIH-Sida. Dans les pays voisins, c’est l’implication au plus haut sommet de l’Etat. Nous, les associations communautaires et ONG qui agissons toute l’année, avons besoin d’un engagement, déjà, qui serait politique. Parce qu’au Mali, l’engagement politique dans la lutte contre le Sida n’est pas très clarifié en tout cas. Cet engagement au plus haut sommet devrait se refléter sur le financement domestique de la lutte. Au Mali, plus de  80% des activités de lutte sont financés par des bailleurs externes. Cela veut dire que l’Etat finance à moins de 20%. Ce qui, de notre avis, est dommage.

Le gouvernement doit retrouver ce rôle d’acteur central dans la lutte contre le VIH.                                

Réalisée par Bakary SOGODOGO

Source : Le Prétoire

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