En organisant la rencontre avec la presse pour faire le bilan de ses 100 jours à la Primature, le Premier ministre (PM) Abdoulaye Idrissa MAIGA a abordé plusieurs thèmes d’actualités dont celui de la problématique de l’emploi au Mali. Dans cet exercice, on attendait mieux et plus de la part du Chef de gouvernement pour expliquer davantage et avec plus de clarté les actions entreprises dans le domaine de l’emploi par le gouvernement à l’orée des 5 ans du Président Ibrahim B KEITA, et cela après le passage à la télé du ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle déclarant avoir atteint le taux de 99, 8% de la promesse présidentielle des 200 000 emplois. Pour faute de temps (assurément) le PM ne s’est pas trop appesanti sur cette épineuse question qui suscite des débats houleux à l’instar de la révision constitutionnelle. Toutefois, nous proposons des pistes de réflexion, liées à la difficulté de prise en charge du chômage et du sous-emploi des jeunes et pour l’atteinte des objectifs de réduction du taux de chômage de cette couche.
LES ACQUIS EN DEÇA DES RESULTATS ESCOMPTES
La définition de « jeunes » varie suivant les pays, car plusieurs dimensions différentes sont généralement prises en compte, qu’elles soient démographiques, culturelles, biologiques, sociales ou économiques (Kanyenze et al., 2000).
Les Nations Unies définissent les « jeunes » comme étant âgés de 15 à 20 ans. Par contre, pour la notion de jeunes, la tranche d’âge de 15-24 ans qui est retenue par les Nations Unies ne correspond pas à la définition malienne, qui l’élargit à 40 ans. Mais la tendance généralement connue définit les « jeunes» comme toute personne âgée de 15 à 34 ans.
Le Bureau International du Travail (BIT) définit une personne au chômage à partir de trois critères fondamentaux: (1) C’est une personne sans travail, (2) elle est disponible pour travailler et (3) elle recherche effectivement du travail (BIT, 1982).
L’analyse de la situation des jeunes sur le marché du travail (BIT: Tendances mondiales de l’emploi des jeunes, août 2004, Genève) fait ressortir que les jeunes chômeurs urbains de la tranche d’âge de 15 à 24 ans ont un faible niveau d’instruction, et ce niveau est encore plus faible chez les jeunes femmes de cette tranche d’âge que chez les jeunes hommes.
Quant aux jeunes de 25 à 34 ans, ils ont un niveau d’instruction plus élevé. En outre, les jeunes chômeurs urbains sont en majorité à la recherche d’un premier emploi, les plus jeunes plus que les autres et cette différence est moins importante chez les jeunes hommes que chez les jeunes femmes.
Avec une croissance démographique de 3,6%, le Mali connaît un taux d’inflation qui atteint 2%, une croissance économique de 5 à 6%.
Dans son dernier rapport daté de 2014, l’Observatoire national de l’emploi et de la formation (ONEF) a estimé à 8,2% le taux de chômage pour une population estimée à 17,2 millions d’habitants. En 2015, ce taux est passé à 11,3% selon le FMI. Ces statistiques sur l’emploi montrent que malgré les acquis enregistrés et qui sont bien en deçà des résultats escomptés, il y’a encore des efforts à faire dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques plus soutenues en faveur de l’emploi des jeunes.
Les causes de ce chômage et celles du sous emploi des jeunes sont attribuées à plusieurs facteurs dont la demande globale, les règlements du marché du travail, l’inadéquation entre les formations initiales et les besoins du marché de l’emploi, le volume de la main-d’œuvre jeune et l’employabilité des jeunes, l’insuffisance de l’esprit d’entreprises.
DES PISTES DE REFLEXION POUR RESORBER LE CHOMAGE DES JEUNES
Au regard de ce qui précède, il apparaît évident que la situation que vivent les jeunes (15 à 34 ans) est un problème structurel, tant sur le plan du système de production et le marché du travail qu’au niveau du système scolaire et universitaire.
Malgré la multiplicité de programmes et fonds d’investissements destinés à l’employabilité des jeunes (Banque mondiale pour le « PROCEJ », BID, BAD, BIT, ANPE, APEJ, FIDA pour le « FIER ») le problème de l’emploi des jeunes se pose avec acuité. Aussi, bien que le ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle déploie un programme intéressant d’adaptation des jeunes, l’évocation de l’absence de formation comme difficulté pour l’insertion des jeunes dans les entreprises, ne parait pas tout à fait exacte (en tout cas dans les textes), quand on sait que pour remédier à l’inadéquation formation-emploi, le pays a, très tôt mis en place des structures de formation technique et professionnelle.
Toutefois, les politiques et programmes d’emploi entrepris jusqu’ici au Mali n’ont pas freiné la tendance, ni fait reculer l’ampleur de l’exclusion du monde du travail. Il suffit de simuler une offre d’emploi quelconque pour mesurer l’ampleur du besoin avec les candidatures à recevoir.
C’est pourquoi, pour aider à trouver des solutions à cette épineuse question, nous proposons quelques pistes de réflexion : le recensement de l’ensemble des demandeurs d’emplois et la mise en place d’un système de suivi de leur insertion ; la transparence dans les processus de recrutement et de financement de Projets des Jeunes ; la mise en place d’un dispositif de collecte et de diffusion de données fiables sur l’évolution du marché de l’emploi ; l’organisation des Etats généraux de l’emploi des jeunes ; l’insertion au profit de certaines couches défavorisées surtout des jeunes qui ne sont pas scolarisés ou qui sont alphabétisés en arabe ; la mise en place d’un bon dispositif de promotion de l’entrepreneuriat ; l’amélioration du système de financement des PME-PMI ; la mise en place un centre d’assistance pour soutenir la compétitivité des Très Petites et Moyennes Entreprises (TPME) ; la fourniture d’appuis et de conseils en matière de Stratégie, Marketing, Management ; l’appui aux TPME pour organiser les achats et assurer les liens avec les grandes entreprises.
L’amélioration de l’employabilité des jeunes en primant l’excellence par une embauche directe des meilleurs étudiants des diverses promotions sortantes des Universités et grandes écoles du privé comme du public. Là, il s’agira de renforcer, par un bref stage de perfectionnement adapté, leurs capacités et leurs aptitudes à travers l’acquisition de compétences techniques et professionnelles nouvelles en matière d’administration et de gestion.
CREER ET DEVELOPPER DES ENTREPRISES
La création et le développement des TPME surtout innovantes et compétitives constituent l’une des solutions aux problèmes d’emploi des jeunes diplômés. C’est pourquoi, nous estimons que le gouvernement avec les partenaires (nationaux et internationaux) doit instaurer et mettre en place un environnement favorable et propice à l’esprit d’entreprise, renforcer les compétences entrepreneuriales et faciliter la compétitivité des TPME.
Le système bancaire n’est pas en reste, il doit développer et mettre en place des mécanismes de financements appropriés aux TPME quelque soit le secteur d’activité et faciliter leurs accès aux crédits.
Les services non financiers doivent également être généralisés et accessibles aux jeunes et futurs entrepreneurs dans les différentes régions.
Enfin, la synergie et la coordination entre les différents acteurs doivent être réellement explorées et mises à profit. C’est dans cet environnement et climat des affaires propices que le secteur privé et l’investisseur étranger peuvent investir, créer et développer des entreprises et contribuer de manière significative dans la valorisation des ressources, la création de l’emploi et de la croissance.
Dans un pays sous développé comme le Mali, les perspectives et le modèle de développement économique, social et politique des décennies prochaines dépendront notamment de notre aptitude à créer un nombre suffisant d’emplois décents pour la cohorte actuelle de jeunes. Les faits ont prouvé que la frustration, la pauvreté et le désespoir constituent des terrains propices et fertiles que les ennemis de la démocratie et des droits humains s’emploient à exploiter, les jeunes étant les cibles privilégiées des extrémistes.
Mohamed SACKO
Journaliste
Source: info-matin