Avec la subite disparition de Soumaïla Cissé (paix à son âme) le 25 décembre 2020, le grand favori selon de nombreux observateurs, la prochaine présidentielle sera sans doute une compétition très ouverte. Même si de grands partis comme l’ADEMA et l’URD auront leur mot à dire, cela risque de se jouer surtout autour de la carrure politique et de la personnalité des candidats. Et s’il ne l’a pas encore officiellement annoncé, Soumeylou Boubèye Maïga (SBM) alias «Le Tigre» sait que ce scrutin lui offre incontestablement une belle opportunité de se défaire de son manteau de «faiseur de roi» pour réaliser son ambition de conquérir le trône et avoir la République à ses pieds. Et lentement, mais sûrement, il pose ses pions avec un discours rassembleur de celui qui veut toujours être au-dessus de la mêlée.
C’est une véritable leçon de réalisme politique que l’ancien Premier ministre et leader politique influent, Soumeylou Boubèye Maïga, a dispensé à travers un entretien accordé à nos confrères du quotidien national, «L’Essor» : Soumeylou Boubèye Maïga : «Je garde un regard lucide sur la situation» (L’Essor du 5 janvier 2021). Cette interview est un discours conciliant, conciliateur et réconciliant. Chaque mot pesé et utilisé en fonction de l’enjeu ou de l’effet escompté.
Une fois de plus, «Le Tigre» refuse de sombrer dans une agressivité stérile ou dans un faux débat de légitimité de tel ou tel pour porter habilement le manteau qu’il s’est choisi depuis son départ de la Primature : Se hisser au dessus de la mêlée avec l’apaisant du discours du conciliateur ! Dans cet entretien, il affiche et assume une grande maturité en montrant presque à tout le monde la voie à suivre pour que cette transition soit une réussite dans l’intérêt de tous.
La situation actuelle de notre pays, selon SBM, exige que «nous démontrions les capacités à nous concéder des compromis de confiance pour préserver l’essentiel en conjuguant nos énergies et nos intelligences pour faire en sorte que le pays sorte progressivement et positivement de la situation dans laquelle nous sommes». Et, à la lumière de son expérience politique, Soumeylou est convaincu que «tant que nous n’aurons pas renoué avec une certaine forme d’unité nationale, de vision commune de notre destin, il va être extrêmement difficile de trouver des solutions à nos problèmes, encore moins d’avoir une solidarité extérieure qui pourrait nous aider à surmonter ces difficultés». Et d’enfoncer le clou en rappelant, «personne ne viendrait par exemple investir dans un pays qui est fragmenté» !
On comprend alors ses appels incessants aux «compromis de confiance, des concessions mutuelles de nature à préserver la stabilité du pays et la cohésion nationale». Et certainement au nom de ce «compromis de confiance» que le leader d’ASMA-CFP, contrairement à une grande partie des leaders politiques, a toujours apporté un soutien clair, sans aucune ambiguïté, à la Transition en cours.
Une posture d’homme d’Etat humblement, mais légitiment affichée
De l’avis de SBM, les trois grands défis que les Maliens doivent relever de nos jours sont liés à «la préservation et à la consolidation de l’unité de la nation, à la rénovation de la démocratie pour que les populations soient encore plus impliquées dans l’identification et la mise en œuvre des solutions à leurs problèmes, enfin à la souveraineté de l’Etat entendue comme une capacité à être présent et à être utile, de manière équitable envers tous les citoyens et envers tous les terroirs». Et, a-t-il confié à nos confrères de l’Essor, «nous ne pouvons pas relever ces défis, s’il n’y a pas un effort de dépassement pour construire une entente nationale autour des grands problèmes du pays».
Ce discours est en harmonie avec la posture d’homme d’Etat qui est une qualité que les Maliens attendent sans doute de leur futur président. Certes, comme tous ceux qui y pensent en se rasant tous les matins, «Le Tigre» n’a pas dévoilé son ambition d’être candidat à la prochaine présidentielle. Mais, c’est le contraire qui surprendrait plus d’autant plus qu’il a une bonne opportunité de la réaliser. En effet, avec la disparition soudaine de Soumaïla Cissé le 25 décembre 2020 (paix à son âme), la course à Koulouba sera une compétition très ouverte. Et son attitude à l’égard de la gestion de la transition ne surprend guère parce qu’il avait déjà refusé de se «mouiller» dans le bras de fer entre le pouvoir d’Ibrahim Boubacar Kéita et la rue guidée par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) en appelant les protagonistes au dialogue pour trouver un consensus dans l’intérêt de la nation. Cette position est très stratégique parce qu’elle lui laisse les coudées franches pour ratisser large au-delà des considérations partisanes dans sa conquête du pouvoir.
Le défi de reconstituer l’ADEMA originel
Et nous pensons que SBM fera un aussi bon candidat pour l’Adéma originel. Cette reconstitution est d’ailleurs souhaitable parce que la démocratie malienne en a besoin de nos jours dans sa quête de revitalisation. Sans compter que le Mali y gagnerait plus puisque permettant de mettre en synergie un nombre impressionnant de cadres politiques capables d’impulser à la gouvernance du pays le dynamisme attendu. A défaut d’une fusion, l’Adéma, le RPM, l’URD et l’ASMA-CFP peuvent s’entendre sur un projet politique.
Mais, cela exige que leurs responsables aient le courage de faire fi de leurs griefs personnels et surmonter les frustrations et les rancoeurs pour s’asseoir et se parler en toute franchise afin de lever les équivoques. Ce qui permettra de rabattre les cartes pour les redistribuer. Mais, il ne faut pas se voiler la face, cela est facile à écrire qu’à faire.
Et c’est sans doute un obstacle sérieux à franchir pour Soumeylou Boubèye sur la route de Koulouba !
Hamady Tamba
Source : Le Matin