Réprimée le 2 juin dernier pour faute d’autorisation, la marche de l’opposition a finalement eu lieu ce vendredi 8 juin comme prévu. Après avoir bravé l’interdiction une semaine auparavant, l’opposition a fini par décrocher le droit à la manifestation de rue, suite à une médiation de bons offices de la Minusma. Le Gouvernement, après concertation avec les acteurs, a accepté la marche de la Coalition pour l’Alternance et le Changement. Le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga l’avait annoncé sur sa page Facebook en mentionnant avoir reçu le 7 juin 2018, dans le cadre du dialogue politique, une délégation de la classe politique issue de la majorité présidentielle et de l’opposition, en présence de M. Mahamat Saleh Annadif, Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies au Mali et Chef de la Minusma et de M.Pierre Buyoya, Haut Représentant de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel. « Nous avons discuté de la situation politique dans un esprit républicain et une atmosphère de courtoisie », a-t-il précisé.
Parmi leaders de la marche figurent Soumaila Cissé, chef de file de l’opposition et son désormais directeur de campagne, Tiébilé Dramé du PARENA, l’ancien ministre des Finances d’IBK, Mamadou Igor Diarra, Djiguiba Kéita dit PPR, l’honorable Amadou Thiam de l’ADP-Maliba, le député Mamadou Gassama de l’URD, M Coulibaly le maire déchu de la commune VI arborant son écharpe d’élu, puis le Faiseur de Roi Youssouf Bathily alias Ras Bath.
Tout au long du pavé qu’ils ont battu avec les manifestants en scandant des slogans hostiles au pouvoir et à l’Ortm, on pouvait lire sur les pancartes et banderoles brandies pour la circonstance des inscriptions tout aussi expressives de leur aspiration au changement.
Estimés à 10 mille marcheurs environ, selon l’honorable député Amadou Thiam de l’ADP-Maliba, la marche est partie de la Place de la Liberté en longeant la rue Mamadou Konaté jusqu’à l’esplanade de la Bourse du Travail en passant par la Place de l’Indépendance.
Après l’exécution de l’hymne national, le chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé s’est limité à une laconique adresse de remerciements aux marcheurs avant de dérouler sur sa page Facebook : « Nous avons battu le pavé par dizaines de milliers, ce vendredi 8 juin 2018, pour exiger des élections libres et transparentes, un égal accès aux médias d’état, et pour dénoncer les coupures intempestives d’eau et d’électricité. Chers camarades, chers amis, l’alternance est en marche au Mali, et aujourd’hui à travers votre détermination, vous avez démontré que nul ne pourra faire entrave à cette aspiration profonde du peuple souverain ».
Quant à Ras Bath, il a insisté sur la transparence des élections en ces termes : « Nous allons éduquer le Premier Ministre. C’est un combat d’idées et non un combat de force. Nous sommes Mandela, Mahamat Gandhi ; nous ne sommes pas des barbares mais un peuple civilisé. Nous ne sommes pas des sauvages, nous sommes une démocratie, une nation noble et paisible. Nous voulons du travail, une éducation la santé la sécurité et une élection transparentes et crédible. A bas les voleurs, les apatrides, les irresponsables et les incompétents. Vive le Mali, vive la République ».
Remis miraculeusement de sa convalescence, Etienne Fakaba Sissoko a enchaîné aussitôt en expliquant que l’interdiction de la marche du 2 juin s’explique par une peur bleue des autorités devant la mobilisation d’une foule assoiffée de changement, avant de marteler la noblesse et la justesse du combat de l’opposition. “Nous sommes réconfortés de constater que le 2 juin nous n’avons pas été battus pour rien”, s’est-il réjoui par la même occasion en promettant que l’opposition va continuer sur cette lancée jusqu’à s’assurer d’une victoire définitive le 29 juillet prochain. L’ex conseiller économique d’IBK assure par ailleurs qu’il se porte mieux, en dépit de quelques douleurs à la tête qui n’affectent point ses facultés de mener des débats d’idées sur les programmes, choix politiques et perspectives économiques pour le peuple malien. Il a enfin invité les adversaires de l’opposition à venir participer au débat de la démocratie, en lieu et place des coups de matraques.
Et la marche de l’opposition, à ses yeux, n’est ni plus ni moins une autre capitulation d’IBK, après que l’aventure de la révision constitutionnelle a déjà brisé le mythe et contribué au désaveu de la majorité présidentielle.
Pour autant, l’opposition doit-elle se contenter des seules suprématies sur les pavés dans une compétition dont les enjeux se jouent beaucoup plus sur le terrain de la mobilisation vers les urnes ? Après avoir fait ses preuves par le Stade du 26 Mars et impressionné le pouvoir sortant par les démonstrations populaires, sonne l’heure à présent de l’action politique plus concrète, des stratégies électorales d’optimisation du combat de l’opinion et de la visibilité, dont les dividendes doivent se traduire par une légitimité tributaire de la cueillette de suffrages. À moins de deux mois du rendez-vous électoral de la présidentielle, le moment est venu de franchir cette étape et d’y consacrer plus de temps et d’énergie, au risque d’abandonner du terrain à un pouvoir sortant déjà privilégié par son ancrage administratif. Si tant il est par ailleurs que les moyens de la guerre ne reposent pas exclusivement sur la rigueur et l’intransigeance par rapport aux règles du jeu.
Amidou Keita
Source: Le Témoin