Le Sénégal achève vendredi trois semaines de campagne pour l’élection présidentielle dont le sortant, Macky Sall, espère pouvoir se proclamer vainqueur dès le soir du premier tour dimanche face à une concurrence inhabituellement dégarnie pour ce pays avide de débat démocratique.
Face à Macky Sall, élu en 2012 et qui, à 56 ans, veut piloter la deuxième phase (2019-2023) de son Plan Sénégal émergent, seuls quatre adversaires, rescapés du nouveau système de parrainages et des décisions judiciaires qui ont éliminé des rivaux de poids, espèrent créer la surprise et contrarier ses ambitions, à commencer par l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, candidat pour la troisième fois.
L’opposition dénonce l’invalidation des candidatures de Karim Wade, fils et ancien ministre du prédécesseur de Macky Sall, Abdoulaye Wade (2000-2012), et du maire déchu de Dakar Khalifa Sall, dissident du Parti socialiste (PS), tous deux frappés par des condamnations judiciaires.
Pour la première fois depuis 1978, ni le PS ni le Parti démocratique sénégalais (PDS, libéral) d’Abdoulaye Wade ne présentent leur propre candidat. Mais la famille libérale est particulièrement bien représentée, avec Macky Sall, Idrissa Seck (59 ans) et l’ancien ministre Madické Niang (65 ans), tous trois issus du PDS.
Le député « anti-système » et ancien inspecteur des impôts Ousmane Sonko (44 ans), partisan déclaré du patriotisme économique, et Issa Sall (63 ans), proche du mouvement religieux des moustarchidine, issu de la confrérie tidiane, font en revanche figure de nouveaux venus sur la scène politique nationale.
– Débat avorté –
Près de 6,4 millions d’électeurs sont attendus dès 08H00 (GMT et locales) dans plus de 6.500 bureaux répartis au Sénégal, auxquels il faut ajouter 310.000 électeurs de la diaspora régulièrement inscrits dans 48 pays, où 746 bureaux seront ouverts.
Les premiers résultats sont attendus dès la fermeture des bureaux à 18H00 GMT mais ne deviendront officiels qu’à partir du 25 ou du 26 février. Un éventuel second tour, compte tenu des délais légaux de proclamation, de possibles contestations et de la nouvelle campagne, se tiendrait vraisemblablement le 24 mars.
Le Sénégal, qui a connu deux alternances, en 2000 et en 2012, et aucun coup d’Etat, fait figure de modèle démocratique en Afrique, mais les campagnes électorales y sont souvent émaillées d’accusations de corruption, de désinformation et de violences.
Des affrontements ont fait deux morts le 11 février à Tambacounda, à 420 km à l’est de Dakar, entre partisans de Macky Sall et d’Issa Sall, et certaines « caravanes » de candidats ont parfois été accueillies par des jets de pierre lorsqu’elles sillonnaient le pays au cours des trois dernières semaines.
Les Sénégalais, avides de discussions politiques, ont été privés du débat entre les cinq prétendants que réclamait une pétition lancée sur Twitter.
Et seuls deux d’entre eux – Ousmane Sonko et Madické Niang – ont répondu jeudi à l’invitation du mouvement citoyen Y’en a marre, qui leur proposait de rencontrer un panel de citoyens. « Je me contente d’écouter ceux qui sont venus », a expliqué Abdoulaye Niang, un orfèvre de 35 ans présent dans l’assistance.
« Je voulais une confrontation verbale entre les quatre candidats, plus dense et contradictoire, pas un face-à-face froid », regrettait en revanche Ismaël Diatta, un jeune rappeur.
– Patriarche –
Le pays, musulman à plus de 90%, réputé pour sa tolérance religieuse et le poids des confréries, a jusqu’à présent été épargné par les attentats jihadistes qui ont frappé d’autres pays de la région.
Mais il a renforcé sa sécurité ainsi que sa législation, parfois au prix d’atteintes aux libertés, selon des organisations de défense des droits humains.
La campagne a été marquée par le soutien apporté à Idrissa Seck par Khalifa Sall, annoncé de sa prison, et le retour au pays de l’ex-président Wade.
Après avoir appelé à brûler le matériel électoral et à s’attaquer aux bureaux de vote, une « attitude de subversion » dénoncée par le gouvernement, l’ancien président, âgé de 92 ans, a expliqué jeudi soir dans un communiqué avoir finalement opté pour une « résistance somme toute ferme mais pacifique », à la suite « de la demande pressante de chefs religieux et de chefs d’Etats voisins ».
« Il va de soi que je ne voterai pas », a ajouté le patriarche de la vie politique sénégalaise, en demandant à ses sympathisants de « ne pas participer à ce simulacre d’élection », jouée d’avance selon lui au profit de Macky Sall.
Journal du mali